Marshmallow Deux types de sommeil identifiés chez le poulpe

ATS

26.3.2021 - 10:51

Une pieuvre nommée Marshmallow se repose dans son aquarium. Soudain, elle passe d'un blanc-vert pâle au marron, puis à l'orange, ses muscles tressautent, ses ventouses se contractent, et ses yeux s'agitent. Ce moment a été capturé par des scientifiques au Brésil, qui ont publié une étude montrant que ces animaux expérimentent deux types de sommeil.

Chez les mammifères, le sommeil paradoxal est un moment où la mémoire se consolide, et provoque une variété de mécanismes ayant un effet réparateur sur la santé du cerveau. Selon les auteurs de l'étude, cela pourrait être le cas pour les poulpes également.
Chez les mammifères, le sommeil paradoxal est un moment où la mémoire se consolide, et provoque une variété de mécanismes ayant un effet réparateur sur la santé du cerveau. Selon les auteurs de l'étude, cela pourrait être le cas pour les poulpes également.
Getty Images/EyeEm

L'un d'eux, que les chercheurs ont appelé «sommeil actif», est similaire au sommeil paradoxal observé chez des mammifères, oiseaux et certains reptiles – laissant ainsi penser que comme les humains, les poulpes peuvent rêver.

«Les poulpes sont uniques en termes de complexité à la fois comportementale et neurologique», explique à l'AFP Sidarta Ribeiro, de la Federal University of Rio Grande do Norte au Brésil, et co-auteur de l'étude publiée dans la revue IScience. Leur cerveau est plus complexe que ceux de tous les invertébrés, note-t-il, «mais ils sont malgré tout très différents de nous».

Pour étudier leur sommeil, les chercheurs ont enregistré quatre poulpes dans des aquariums sur plusieurs jours. Durant les phases de «sommeil calme», les animaux étaient immobiles, de couleur pâle, et leurs yeux fermés en fente. En période de «sommeil actif», au contraire, ils ne cessaient de changer de couleur, de se contracter, et leurs yeux étaient mobiles.

La phase calme durait six ou sept minutes, avant d'être suivie d'un cycle actif d'environ 40 secondes, les deux se succédant par cycle. Au total, les poulpes dormaient environ un quart de la journée.

Plusieurs tests

Les chercheurs ont procédé à plusieurs tests pour vérifier que les poulpes dormaient bien pendant ces phases, explique à l'AFP Sylvia Medeiros, auteure principale de l'étude.

Le premier test consistait à diffuser une vidéo de crabe près du poulpe. «Lorsqu'ils sont éveillés, comme le crabe est une proie, ils essaient d'attaquer», dit-elle. Ce qui n'arrivait pas pendant les deux phases de sommeil présumées.

De même, les poulpes ne réagissaient alors pas à des coups donnés par des marteaux en caoutchouc sur leur aquarium, contrairement à lorsqu'ils étaient éveillés.

Rêves en gifs?

La plupart des rêves chez les humains se produisent lors de la phase de sommeil paradoxal. Peut-on présumer de la même chose chez les poulpes?

«On ne peut pas le dire avec certitude», explique Sylvia Medeiros. Mais si c'est le cas, ces rêves ne sont certainement pas aussi complexes que les nôtres, compte tenu de la brève durée des phases de «sommeil actif» observées chez eux. «C'est sûrement plus comme de petites vidéos, ou même des gifs», suggère-t-elle.

Par ailleurs, les couleurs observées pendant leur sommeil pourraient donner des indications sur leurs humeurs, comme lorsqu'ils sont éveillés.

Par exemple, lorsqu'ils font la cour, ils sont parfois à moitié blanc et à moitié noir. Si un poulpe endormi se retrouve avec ces couleurs, cela veut-il dire qu'il rêve d'amour? Peut-être, mais c'est trop tôt pour le dire, et ce sera le sujet d'autres études, selon Sidarta Ribeiro.

Chemins d'évolution communs

En attendant, en apprendre plus sur ce qui est commun entre nous et les poulpes, dont notre espèce a divergé il y a 500 millions d'années, peut aider à comprendre les chemins d'évolution empruntés, selon le chercheur.

«Si nous observons un phénomène similaire, comme ici un cycle de sommeil comprenant une phase active puis passive, c'est surement dû à une évolution convergente», a-t-il expliqué, c'est-à-dire que les deux espèces ont développé les mêmes mécanismes biologiques.

Cela éclaire en retour les processus de sélection à l'oeuvre pour développer ce comportement. Chez les mammifères, le sommeil paradoxal est un moment où la mémoire se consolide, et provoque une variété de mécanismes ayant un effet réparateur sur la santé du cerveau. Selon les auteurs de l'étude, cela pourrait être le cas pour les poulpes également.