Injections de plasma, reprogrammation... Et si l'humanité était à deux doigts de l'immortalité?

La Rédaction de blue News

19.5.2023

Interviewé par nos confrères du 24 Heures, Tony Wyss-Coray, professeur suisse exerçant à l’Université Stanford, fait le point sur les avancées de la recherche en matière de rajeunissement. Il affirme que le processus de vieillissement peut être «manipulé».

Des souris âgées ayant reçu du plasma sanguin de jeunes souris voient leur existence rallongée. Mais le corps humain est beaucoup plus complexe que celui d'une souris, prévient Tony Wyss-Coray.
Des souris âgées ayant reçu du plasma sanguin de jeunes souris voient leur existence rallongée. Mais le corps humain est beaucoup plus complexe que celui d'une souris, prévient Tony Wyss-Coray.
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L'espérance de vie va-t-elle atteindre 120 ans dans un avenir proche? L'être humain peut-il, à plus long terme, devenir immortel? Ces scénarios semblent tenir de la pure science-fiction, et pourtant Tony Wyss-Coray ne les exclut pas. Ce professeur de neurologie, dont le laboratoire étudie le vieillissement du cerveau et la neurodégénérescence, a répondu aux questions de 24 Heures.

Pour lui, les avancées de la recherche sont prometteuses: «Je pense qu’il sera possible, dans un avenir proche, d’intervenir dans le processus de vieillissement afin d’en ralentir, voire d’en inverser certains aspects», déclare-t-il.

Mais Tony Wyss-Coray imagine plutôt une amélioration de la qualité de vie sur un laps de temps plus important qu'aujourd'hui. S'il estime réalisable de prolonger la durée de vie, il tempère néanmoins: «Une espérance de vie de 120 ans, cela pourrait éventuellement devenir une réalité dans quelques décennies. Mais le chemin pour y parvenir sera difficile».

Plusieurs pistes en cours d'exploration

Il y a 15 ans, le laboratoire du spécialiste a réussi à démontrer que des souris âgées ayant reçu du plasma sanguin de jeunes souris voyaient leur existence rallongée. Transposer la méthode sur les humains n'est toutefois pas une sinécure, car notre organisme est beaucoup plus complexe.  

Mais des tests ont été effectués sur des patients atteints de la maladie d'Alzheimer : «Nous avons pu montrer deux choses. Premièrement, qu’une telle transfusion est sûre, c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’effets secondaires nocifs. Et deuxièmement, que certains effets positifs que nous avons constatés chez les souris sont également détectables chez l’homme», détaille le professeur dans les colonnes du quotidien vaudois.

Son équipe cherche maintenant à isoler les composants du sang qui agissent sur le rajeunissement.

D'autres recherches, basées sur la reprogrammation cellulaire, semblent aussi prometteuses, ajoute le Suisse: «On prend la cellule d’une personne de 80 ans, on y ajoute les facteurs de la reprogrammation, et l’âge de cette cellule souche est égal à zéro. Cela nous confirme que le vieillissement n’est pas quelque chose de permanent. Au contraire, nous pouvons le manipuler».

Question éthique et philosophique

Reste à savoir comment tirer le meilleur parti de ces recherches sans nuire à l'humanité. Tony Wyss-Coray ne minimise pas les risques: «On estime à 50 millions le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer dans le monde. La question se pose donc de savoir comment nous pourrions obtenir suffisamment de plasma sanguin pour un si grand nombre de malades. À cela s’ajoutent des préoccupations éthiques: peut-on faire de grandes affaires avec le sang des donneurs?», s'interroge-t-il.

Par ailleurs, ajoute le 24 Heures, des entreprises ont déjà flairé le filon et proposent des injections de plasma à des clients fortunés désireux de rajeunir. Pour le spécialiste, les différentes méthodes proposées sont à éviter, car «peu sérieuses».

Quant à l'immortalité, il est légitime, sur le plan philosophique, de se demander à quoi elle pourrait bien servir. Tony Wyss-Coray est plutôt partisan du maintien d'une bonne santé jusqu'au moment de la mort. Mais il relève que si l'humain était immortel ou vivait beaucoup plus longtemps, l'un de ses buts pourrait être de «peupler l'espace». 

Et il ne s'avance pas sur l'éventualité d'une surpopulation de la planète potentiellement induite par la vie éternelle de ses habitants: «Qui sait ce qui se passera dans mille ans? Il est probable que l’humanité aura alors d’autres problèmes, mais aussi d’autres possibilités. Ce qui est sûr: je ne serai pas là pour voir cela».