Débarquement du 6 juin 1944 «J'avais 8 ans et je m'en souviens comme aujourd'hui»

ATS

4.6.2023 - 10:59

Ils s'appellent Roger, Anne-Marie, Rolande et Andrée. A plus de 87 ans, ils ont un point commun: tous ont vécu le Débarquement sur les côtes françaises de Normandie lors de la Seconde Guerre mondiale, tous ont connu la peur et vu la mort ce 6 juin 1944, qui les a bien plus marqués que les années d'occupation allemande.

Débarquement en Normandie du 6 juin 1944 (Jour J ou D Day) : debarquement d une compagnie médicale sur la plage de Utah Beach. Photographie prise autour du 6 juin 1944. 
Débarquement en Normandie du 6 juin 1944 (Jour J ou D Day) : debarquement d une compagnie médicale sur la plage de Utah Beach. Photographie prise autour du 6 juin 1944. 
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4.6.2023 - 10:59

«J'avais huit ans et je m'en souviens comme aujourd'hui, les parachutistes étaient tombés dans le jardin», lance Roger Sorel devant son ancienne maison à Angoville-au-Plain, près d'Utah Beach, dans cette région de l'ouest de la France.

«Vers 08h00, les Américains nous ont dit: 'faut sortir vite'. On a fait 150 m» quand la maison a été soufflée par une bombe, se souvient cet octogénaire. Il trouve refuge avec sa famille dans l'étable d'une ferme voisine.

Avec les combats qui font rage, un hôpital de fortune est installé dans l'église dont les vitraux aujourd'hui célèbrent ses libérateurs. L'infirmier Bob Wright et le brancardier Kenneth Moore y soignent pendant trois jours 80 Américains et Allemands, ainsi qu'un jeune de 13 ans.

«Il y avait des blessés partout», se remémore Roger, désignant des bancs toujours tachés de sang.

D'autres n'ont pas survécu aux bombardements, comme Marguerite, première victime civile de localité de Trévières. Le matin du 6 juin, elle regarde les avions tournoyer dans le ciel. «Ca brillait, c'était beau», se rappelle sa petite soeur Anne-Marie, alors âgée de 8 ans.

Sur ordre du père, elles descendent à la cuisine, la petite sur les genoux de sa mère et Marguerite, 24 ans, sur la «bancelle» (banc) près de la porte d'entrée.

Cinq minutes après, elle était morte

Un bruit sourd, de la poussière, des gravats et c'est la panique. Anne-Marie et sa mère sortent et se couchent vite à plat ventre pour éviter les éclats d'une deuxième bombe qui atteint finalement sa cible: le pont jouxtant leur ferme.

Elle rejoint l'abri construit par son père qui fait l'appel. Marguerite ne répond pas. Il la découvre dans la maison, un éclat d'obus dans le dos. «On est passé près d'elle et on ne l'a même pas vue, se désole Anne-Marie, des sanglots dans la voix. On regardait les avions et cinq minutes après, elle était morte.»

Sa famille rejoindra un abri plus grand, emportant matelas et habits de la ferme avant qu'elle ne soit pillée par les voisins et occupée par les Américains. Ces militaires, arrivés à Omaha Beach, les mettront en joue pour les faire sortir de cet abri, avant d'y mettre le feu de peur qu'il cache des Allemands.

Bruits de bottes

Ces derniers effrayent Rolande Lemerre avec leurs bruits de bottes résonnant dans les rues de Bazenville, à 6 km de la ville d'Arromanches.

Ce matin du 6 juin, la jeune fille, âgée de 14 ans, est envoyée pour chercher du pain dans le village voisin. Après bien des péripéties et juste avant de rentrer à la ferme, elle voit un char face à un soldat, les bras en l'air.

«Il a tiré et j'ai vu l'Allemand tomber juste devant moi. Il a fallu que je passe auprès de lui. J'étais toute émotionnée», se souvient la nonagénaire.

Andrée Auvray se rappelle aussi très bien être tombée nez à nez avec un Allemand et pas n'importe lequel: Rommel a dormi une nuit dans sa ferme réquisitionnée dans la commune de Sainte-Mère-Eglise, trois mois avant le Débarquement.

La jeune femme accouchera 15 jours après le «D-Day» de son premier enfant alors qu'elle accueille «une foule de gens» fuyant les combats à Sainte-Mère.

L'hôpital américain installé dans un champ proche lui envoie les blessés civils comme cette adolescente de 13 ans avec un éclat d'obus dans un poumon.

Avant de partir à l'hôpital de Bayeux, elle supplie sa bienfaitrice: «Oh madame! Laissez-moi mourir chez vous, je suis bien là, j'ai perdu ma mère!», se rappelle cette commerçante à la retraite qui l'a revue plus tard.

A 96 ans, la pétillante Andrée continue de témoigner auprès d'Américains, lycéens et autres visiteurs au musée de Sainte-Mère, elle qui a «ce besoin de mémoire et de faire comprendre aux jeunes ce qu'est la liberté.»

ATS