Etude scientifiqueLe «langage bébé» est un «super-pouvoir» avant tout humain
ATS
25.6.2025 - 17:05
Les humains de différentes cultures parlent à leurs enfants en utilisant une forme de langage connue sous le nom de «discours adressé à l’enfant» ou «langage bébé». La caractéristique apparaît loin d’être répandue chez les grands singes non humains, selon une étude.
Les humains de différentes cultures parlent à leurs enfants en utilisant une forme de langage connue sous le nom de «discours adressé à l’enfant» ou «langage bébé».
IMAGO/Depositphotos
Keystone-SDA
25.06.2025, 17:05
ATS
Le constat de la dimension humaine, partant de la quasi-universalité de ce style de langage particulier, ressort d'une nouvelle recherche dirigée par des équipes des Universités de Zurich et de Neuchâtel (UniNE), a indiqué mercredi cette dernière. Leur publication est en couverture de la revue Science Advances.
De nombreuses études ont montré que plus les enfants entendent des discours qui leur sont directement adressés, meilleures sont leurs performances en matière d’apprentissage, par exemple pour le développement de leur vocabulaire ou leurs compétences en lecture et en écriture. La pratique semble faciliter l’acquisition du langage.
Cinq espèces
Pour étudier la question, des chercheurs de l’Université de Zurich et de l’UniNE, membres du PRN Evolving Language, et leurs collègues d’universités françaises, allemandes et américaines, ont cherché à savoir si ce trait était partagé avec les autres grands singes.
Dans leur étude, note le communiqué, des biologistes et des linguistes ont observé l’utilisation de la communication vocale dirigée vers les jeunes de cinq espèces de grands singes: les humains, les bonobos, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans.
Pour cela, les chercheurs ont «méticuleusement» enregistré les vocalisations auxquelles étaient exposés les petits des grands singes dans la nature. Leurs résultats montrent que les humains forment de loin le groupe utilisant le plus fréquemment le «langage bébé».
Autres moyens
«Nous avons été surpris par la rareté de ce type de communication observé chez nos plus proches parents vivants», relève la chercheuse de l’Université de Zurich Franziska Wegdell, l’une des trois premières autrices de l’étude, cité dans le communiqué.
La question s'est alors posé de savoir comment les bébés grands singes non humains parvenaient à intégrer les éléments de leur système de communication qui ne sont pas innés. En effet, même chez les humains, il existe d’autres moyens pour les petits d’apprendre le langage.
«Nous savons que les bébés humains sont capables d’apprendre des nouveaux mots en entendant les discours des adultes ou celui des autres enfants autour d’eux», explique Johanna Schick de l’Université de Zurich, co-première autrice de l’article.
Mots et gestes
En comparant la communication environnante des cinq espèces de grands singes, les chercheurs ont constaté que toutes y étaient exposées à des niveaux similaires, sauf les orangs-outans. Il se peut que, comme les humains, les grands singes acquièrent eux aussi certains aspects de leur système de communication par voie sociale, en s’inspirant des échanges qui les entourent.
De plus, les chercheurs ne se sont intéressés qu’à la quantité de communication vocale dirigée. «Puisque la parole est une modalité primaire du langage, nous avons choisi de commencer nos recherches en nous concentrant sur le domaine vocal», dit Caroline Fryns, chercheuse à l’UniNE et co-première autrice de l’étude.
«Mais nous savons par exemple que les grands singes non humains dirigent des gestes vers leurs jeunes, et que certains de ces gestes présentent même des caractéristiques qu’on retrouve dans la communication adressée à l’enfant des humains», a ajouté Caroline Fryns.
Pas fossilisé
Pour comprendre l’évolution du langage, l’idéal serait d’examiner les capacités linguistiques des premiers humains. Cependant, comme le langage ne se fossilise pas, nous n’avons aucune trace de ces aptitudes de ces espèces d’hominidés éteintes.
«C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers nos plus proches parents vivants, les grands singes non humains, pour étudier la communication vocale adressée aux petits», dit Franziska Wegdell. L’étude semble indiquer que la tendance à diriger des vocalisations vers les enfants s’est massivement développée dans la lignée humaine.
Bien qu’on ne trouve ce type de communication qu’à des niveaux faibles dans «nos» parents grands singes, il a été démontré que d’autres espèces, comme certains autres singes, les chauves-souris, les chats ou les dauphins, présentent aussi des capacités à diriger des vocalisations vers leurs petits.
«Pour mieux comprendre l’évolution de la communication adressée aux enfants, des travaux futurs pourraient comparer comment les caractéristiques et les fonctions de ce type de communication varient d’une espèce à l’autre et pourquoi», proposent les chercheuses.