Climat Le recul des glaces pousse les orques en Arctique

ATS

20.12.2021 - 08:37

Dans le clair-obscur de l'hiver polaire, le tournoiement de centaines de mouettes au-dessus des eaux d'un fjord de l'Arctique norvégien signale le festin d'un groupe de prédateurs. Avec le recul de la banquise provoqué par le réchauffement climatique accéléré dans l'Arctique, les orques passent de plus en plus de temps dans ses eaux.

Les signalements, de plus en plus fréquents et septentrionaux, suggèrent que la redoutée «baleine tueuse» s'adapte au nouveau profil de l'océan Arctique, où la surface de la banquise se réduit dramatiquement. (image d'illustration)
Les signalements, de plus en plus fréquents et septentrionaux, suggèrent que la redoutée «baleine tueuse» s'adapte au nouveau profil de l'océan Arctique, où la surface de la banquise se réduit dramatiquement. (image d'illustration)
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Keystone-SDA

Ils élargissent leur zone de chasse de plus en plus au nord, selon des scientifiques.

En ce jour glacé dans le grand nord norvégien, 70 à 80 orques pointent leur grand aileron dans le vaste fjord de Skjervøy, rassemblés par clans familiaux d'une dizaine d'épaulards, dont des tout petits nés de l'année.

Les signalements, de plus en plus fréquents et septentrionaux, suggèrent que la redoutée «baleine tueuse» s'adapte au nouveau profil de l'océan Arctique, où la surface de la banquise se réduit dramatiquement.

«On a des retours de balise où l'on voit des orques qui au mois de novembre sont en mer de Barents, entre la partie est du Svalbard [au nord de la Norvège, ndlr] et la terre François-Joseph [dans l'Arctique russe], donc clairement ils suivent la limite de la glace», explique à l'AFP Marie-Anne Blanchet, professeure à l'institut polaire norvégien de Tromsø.

Nouveaux conflits

L'orque, dont la polyvalence lui permet d'aller dans presque toutes les mers du globe, s'offre de nouvelles proies arctiques comme le béluga et vraisemblablement certaines espèces de phoques vivant sur la glace, souligne la spécialiste.

Le phénomène est aussi lié au fait que le hareng, mets de choix de l'épaulard, migre, lui aussi, de plus en plus au nord, pour des raisons qui restent encore de l'ordre de l'hypothèse. «Ce sont des prédateurs qui ont une grande capacité d'adaptation, donc, ils sont opportunistes», souligne Mme Blanchet.

Ces nouveaux terrains de chasse créent aussi de nouveaux conflits entre l'animal (population mondiale estimée à 50'000) et l'homme, à des endroits où il n'était quasiment jamais observé.

Dans le fjord de la capitale groenlandaise Nuuk, quatre orques, considérées comme un concurrent malvenu par les pêcheurs et chasseurs locaux, ont ainsi été tuées à la fin novembre – ce qui n'est pas illégal au Groenland.

Selon une étude de l'université de Washington présentée au début décembre, cette migration accrue des superprédateurs est la conséquence de la saison de plus en plus longue où l'océan Arctique est libre de glace.

Banquise divisée par deux

«Ce n'est pas forcément que des orques n'étaient pas signalées à ces endroits par le passé, mais elles semblent y rester plus longtemps», souligne un des auteurs de l'étude, Brynn Kimber. Les orques sont ainsi plus souvent observées en mer des Tchouktches, entre l'Alaska et les côtes russes, selon l'étude, basée sur huit ans d'écoutes acoustiques.

Dans ce secteur, les orques s'attaquent de plus en plus aux baleines boréales, une espèce plus exposée par le recul de la banquise. Ces attaques «vont probablement augmenter du fait des saisons plus longues d'océan libre de glace», soulignent les chercheurs américains.

L'Arctique se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète, pesant lourdement sur la taille de la banquise et les écosystèmes qui en dépendent. En moyenne, l'étendue de la banquise arctique, qui est également de moins en moins épaisse, a reculé de plus de 13% par décennie au cours des quarante dernières années.

À la fin de l'été 2012, elle avait atteint son plus bas niveau enregistré, à 3,4 millions de kilomètres carrés, contre près du double dans les années 1980.