Les réseaux de champignons souterrains sont un partenaire incontournable des plantes depuis leur conquête des terres émergées il y a 450 millions d'années, a confirmé une étude scientifique parue récemment.
Des champignons mycorhizés de couleur blanche sur les racines d'un jeune pin à écorce dans une forêt du Montana, en septembre 2019 aux Etats-Unis
Le mycélium du champignon, son appareil végétatif, est constitué d'une quantité innombrable de minuscules filaments blancs, qui s'étendent en réseau dans le sous-sol. Ses extrémités microscopiques, intimement liées aux racines de la plante, lui fournissent principalement de l'eau, de l'azote et des phosphates
Les champignons ont aidé les plantes à conquérir les terres émergées - Gallery
Des champignons mycorhizés de couleur blanche sur les racines d'un jeune pin à écorce dans une forêt du Montana, en septembre 2019 aux Etats-Unis
Le mycélium du champignon, son appareil végétatif, est constitué d'une quantité innombrable de minuscules filaments blancs, qui s'étendent en réseau dans le sous-sol. Ses extrémités microscopiques, intimement liées aux racines de la plante, lui fournissent principalement de l'eau, de l'azote et des phosphates
Une équipe internationale de chercheurs, sous la houlette de ceux du Laboratoire de recherche en sciences végétales (LRSV) de Toulouse-III, a trouvé le chaînon manquant à une théorie remontant aux années 1980.
Elle pose que l'ancêtre de toutes les plantes terrestres existantes, sans doute issu d'une algue d'eau douce et sorti des eaux il y a environ 450 millions d’années, vivait en symbiose avec de minuscules champignons pour se développer sur Terre.
Aujourd'hui, environ 80% des plantes terrestres utilisent cette symbiose, dans laquelle le champignon sous-terrain «est vraiment une extension de la plante», explique à l'AFP Pierre-Marc Delaux. Chercheur du CNRS au LRSV, il est le principal co-auteur de l'étude parue dans Science la semaine dernière et signée par sa collègue et post-doctorante Mélanie Rich.
Le mycélium du champignon, son appareil végétatif, est constitué d'une quantité innombrable de minuscules filaments blancs, qui s'étendent en réseau dans le sous-sol. Ses extrémités microscopiques, intimement liées aux racines de la plante, lui fournissent principalement de l'eau, de l'azote et des phosphates. En échange, la plante alimente le champignon en lipides, une matière grasse indispensable à son développement.
Chevelure tentaculaire
«Si un des deux partenaires arrête de nourrir l'autre, les échanges s'arrêtent dans les deux sens», et tout le monde en pâtit, explique M. Delaux: les champignons, qui dépendent «à 100% de la plante pour leur développement», ainsi que la plante, qui peut s'en sortir dans un écosystème riche mais «souffrira beaucoup plus dans un sol très appauvri».
Les conséquences d'un arrêt de la symbiose vont bien au-delà, car le mycélium du champignon s'étend comme une chevelure tentaculaire.
«Les champignons sont connectés à des centaines, voire des milliers de plantes en même temps», dit M. Delaux, qui fait état de «travaux assez convaincants», sur le rôle qu'ils joueraient pour répartir des ressources dans cet écosystème.
L'étude des chercheurs a démontré qu'un même gène «symbiotique», connu pour jouer un rôle essentiel dans le transfert de lipide de la plante vers le champignon, était à l’œuvre dans les deux grandes branches de plantes terrestres. On peut donc en conclure «que leur ancêtre commun qui vivait il y a 450 millions d'années avait également ces gènes», selon le chercheur.
Le mécanisme était déjà bien identifié pour les plantes vasculaires, avec tiges et racines. Il a été retrouvé dans les plantes non-vasculaires, comme les mousses, appelées bryophytes, cette «autre grande lignée de plantes terrestres».
Mousse mutante
Les scientifiques ont confirmé le rôle du fameux gène en en privant un «mutant» d'une mousse, Marchantia paleacea. Avec pour conséquence directe l'échec de la symbiose, et l'arrêt du développement du champignon.
Pour arriver à ses fins, l'équipe du LRSV a travaillé avec une pléiade de chercheurs européens, des Universités de Cologne, Zurich, Leiden et Cambridge, entre autres, et japonais, de l'Université de Sendai.
La recherche du LRSV s'oriente maintenant vers une autre sorte de symbiose, explique Mélanie Rich. Celle qui s'exerce entre des plantes et «des bactéries fixatrices d'azote, qui permettent de récupérer de l'azote atmosphérique et d'en fertiliser les plantes avec lesquelles elles cohabitent».
Cette symbiose existe chez des légumineuses comme les lentilles. Les chercheurs ont l'espoir de la «recréer avec des plantes ayant un intérêt agronomique comme le blé, le maïs, le riz», et de «contribuer au transfert d'une agriculture intensive qui appauvrit les sols vers une agriculture plus durable», ajoute la chercheuse.
Car maîtriser cette symbiose permettrait de limiter l'utilisation massive d'engrais azotés dans les pays riches, et de pallier leur absence dans les pays plus pauvres, d'Afrique et d'Asie du sud-est.