Sciences & Technique Les rats aident moins leur prochain en présence de rats témoins passifs

AFP

8.7.2020 - 23:02

Un rat libère un congénère d'une cage en plastique, dans une expérience menée par une neurobiologiste de l'université de Chicago
Un rat libère un congénère d'une cage en plastique, dans une expérience menée par une neurobiologiste de l'université de Chicago
Source: University of Chicago/AFP

Les rats sont moins enclins à secourir un congénère si des membres de leur groupe assistent passivement à la scène, selon une étude qui éclaire d'un nouveau jour le soi-disant «effet spectateur» ou «effet témoin».

Pour Peggy Mason, neurobiologiste à l'université de Chicago et autrice principale de l'expérience, les résultats peuvent aider à mieux comprendre des comportements humains, en particulier ceux des policiers qui n'interviennent pas quand un coéquipier se livre à des violences abusives.

L'expérience, décrite dans la revue américaine Science Advances mercredi, a montré qu'un rat, lorsqu'il était seul, aidait généralement un autre rat à se libérer d'un piège (une boîte en plastique), et lui ouvrait la porte.

Mais lorsque les chercheurs ont ajouté à la scène deux rats témoins et médicamentés avec des anxiolytiques, le même rat n'intervenait plus et laissait son congénère bloqué.

A l'inverse, quand les rats-témoins n'étaient pas drogués, le rat était encore plus enclin à devenir un bon Samaritain que lorsqu'il était seul.

«C'est une étude qui tombe à point», dit à l'AFP Peggy Mason. «Dans l'affaire George Floyd, il y avait trois autres policiers, dont un qui était devenu policier pour changer ce qu'on disait sur les brutalités policières contre les personnes noires, et pourtant, il est resté à côté sans intervenir».

Pour la chercheuse, les policiers n'étaient pas médicamentés comme les rats mais avaient subi un conditionnement similaire, sous la forme «d'années d'entraînement».

Quand une personne n'aide pas, «cette personne n'est pas une brebis galeuse, c'est une brebis parmi d'autres», tous soumises aux règles innées des comportements de mammifères. «On est programmés pour agir ainsi».

Le terme d'effet-spectateur a été inventé par des psychologues après le meurtre en 1964 de Catherine (Kitty) Genovese à New York, auquel une trentaine de voisins auraient assisté sans intervenir. En réalité, plusieurs étaient intervenus, mais le concept a perduré, et a été vérifié par des expériences où des humains étaient entourés de témoins passifs.

Un article scientifique de Richard Philpot publié dans la revue American Psychologist l'an dernier a montré qu'en réalité, dans le monde réel (et non comme dans les vieilles expériences humaines), les témoins d'une scène intervenaient la plupart du temps. Son étude a passé en revue plus de 200 violents incidents enregistrés par des caméras de surveillance: dans neuf cas sur dix, les gens intervenaient.

La nouvelle expérience sur les rats est cohérente avec cette étude de Richard Philpot car elle montre que le désir d'entraide du rat est magnifié par la présence de témoins aidants.

L'équipe de Peggy Mason pense que chez les humains, comme chez les rats, l'altruisme est lié aux circuits internes de récompenses du cerveau, et non à une notion de qui, parmi plusieurs personnes, est censée être responsable.

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