Polémique Démolir d'illustres vieilles pierres pour faire avancer la science?

ATS

5.1.2024 - 16:25

Démolir d'illustres vieilles pierres pour faire avancer la science? En suspendant vendredi la démolition d'un site historique de Marie Curie à Paris, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a choisi de mettre en pause une polémique devenue politique.

Une polémique est née autour du projet entre défenseurs de la science et du patrimoine, ces derniers considérant que la destruction du petit bâtiment historique représenterait une atteinte grave à la mémoire de Marie Curie. (archives)
Une polémique est née autour du projet entre défenseurs de la science et du patrimoine, ces derniers considérant que la destruction du petit bâtiment historique représenterait une atteinte grave à la mémoire de Marie Curie. (archives)
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Keystone-SDA

Dans un message publié sur X, Mme Abdul Malak a annoncé l'arrêt des travaux de démolition du Pavillon des Sources, petit bâtiment de pierres et de briques de deux étages appartenant à un ensemble de trois autres qui constituent l'Institut Curie (ex-Institut du radium) dans le quartier Latin, fondé par Marie Curie, double Prix Nobel et première femme à recevoir ce prestigieux titre.

«J'ai échangé ce (vendredi) matin avec Thierry Philip, président de l'Institut Curie. Nous sommes convenus qu'il suspende la démolition du Pavillon des Sources pour se donner le temps d'examiner, avec les parties prenantes et ma collègue @sretailleau (Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche), toute alternative possible», écrit la ministre, qui sauve in extremis le bâtiment objet de toutes les passions depuis des mois.

L'Institut Curie veut construire sur le site, situé sur la montagne Sainte-Geneviève et à deux pas du Panthéon, un bâtiment de cinq étages, soit environ 2000 m2 de surface, pour abriter «le premier centre de chimie biologique sur le cancer en Europe».

Une polémique est née autour du projet entre défenseurs de la science et du patrimoine, ces derniers considérant que la destruction du petit bâtiment historique représenterait une atteinte grave à la mémoire de Marie Curie.

Lieu de stockage?

«Nous avons échangé avec sérénité sur le débat complexe autour d'un projet scientifique indispensable, qui doit rester sur la montagne Sainte-Geneviève, et sur l'enjeu mémoriel qui suscite aujourd'hui de l'émotion», a indiqué le président de l'Institut Curie dans un communiqué transmis à l'AFP vendredi, confirmant que des travaux de «décontamination prévus le 8 janvier» étaient «suspendus pendant ce temps de réflexion».

Selon ce responsable, le Pavillon des Sources n'est pas un ancien laboratoire de Marie Curie mais un ancien lieu de stockage de déchets radioactifs aujourd'hui vide. Il souligne que le Pavillon Curie, son laboratoire, n'est en revanche pas menacé.

Sauf que le musée Curie lui-même indique sur son site internet que la scientifique y a «formé une équipe destinée à la fabrication des ampoules d'émanation du radium», utilisées dans les «hôpitaux militaires pour aseptiser les blessures de guerre» de 1914-18.

«Il s'agissait d'une partie essentielle du laboratoire historique de Marie Curie», avait soutenu Baptiste Gianeselli, qui milite contre le projet, photos, textes et témoignages à l'appui, interrogé en décembre par l'AFP.

«Dimension mémorielle»

«Si une solution alternative peut être trouvée sur la montagne Sainte-Geneviève, l'Institut Curie l'acceptera. Si ce n'est pas le cas, il faudra trancher sereinement le débat entre mémoire et science vivante», insiste M. Philip, qui assure «mettre à disposition des laboratoires pour les chercheurs dans les mois qui viennent».

Selon lui, le projet «doit s'insérer sur la montagne Sainte-Geneviève», à côté des autres prestigieux établissements du quartier, pour «garder des chercheurs de très haut niveau» en France.

Parmi les défenseurs du Pavillon des Sources, le célèbre animateur Stéphane Bern, chargé par l'Elysée en 2017 d'une mission pour le patrimoine, a estimé sur X en début de semaine que sa destruction «serait une faute grave», en raison de «sa dimension mémorielle et symbolique donc patrimoniale».

Le sujet est devenu politique mi-octobre, lorsque la cheffe de l'opposition LR du Conseil de Paris, Rachida Dati, a demandé à la ministre de la Culture l'inscription du site au titre des monuments historiques.

Selon Anne Biraben, élue LR du Ve arrondissement, l'Institut Curie a déjà détruit cet automne un bâtiment Art déco, malgré les protestations. Afin d'y construire un «nouvel hôpital», justifie M. Philip.

La destruction du Pavillon des Sources était imminente après l'avis favorable des Architectes des bâtiments de France et en dépit des mises en garde de la Commission du Vieux Paris, une instance consultative de la mairie ayant réprouvé «le caractère massif et disproportionné» du projet.