ZoologieRecherche inédite en Suisse romande pour décrire les crocodiles sacrés
sj, ats
15.1.2021 - 17:09
La première tentative mondiale pour trouver les différences morphologiques distinguant les crocodiles sacrés et ceux du Nil est romande. Cinq institutions de Genève et Lausanne vont collaborer ensemble et épauler une étudiante en Master dans cette recherche inédite.
Longtemps, la communauté zoologique a pensé que les crocodiles d'origines africaines dits «sacrés» ou d'Afrique de l'Ouest (du Lac Tchad au Sénégal) faisaient partie des crocodiles dits «du Nil» ou d'Afrique de l'Est (de l'Egypte à l'Afrique du Sud). Or depuis 2011, les travaux d'Andreas Schmitz, chercheur au Musée d'histoire naturelle de Genève, ont permis de découvrir que les deux espèces étaient génétiquement très différentes.
Visuellement des sosies
Une différence qui est en revanche impossible à distinguer à l'oeil nu et qui n'a encore jamais été décrite morphologiquement. «J'ai moi-même effectué 200 à 300 photos de détails de ces deux types de crocodiles et je n'ai rien trouvé du tout», a expliqué vendredi à Keystone-ATS Michel Ansermet, directeur d'Aquatis à Lausanne, zoologue et spécialiste des reptiles venimeux et des crocodiles.
Cet aquarium-vivarium est un des rares en Europe à avoir des crocodiles sacrés et la seule institution zoologique à réussir à les élever. Il en possède actuellement dix, un couple de parents et ses huit jeunes. Sur les 17 bébés nés au total à Lausanne depuis 2016, huit ont déjà été placés dans d'autres parcs animaliers.
Le nombre de crocodiles sacrés a fortement diminué ces sept dernières décennies. De plus d'un million en 1946, il en resterait entre 2500 et 3500 aujourd'hui, selon M. Ansermet.
Même pas cousins
Le nouveau défi consiste désormais à trouver, décrire et démontrer ces différences morphologiques mais aussi comportementales entre le crocodile sacré et celui du Nil. Cette recherche scientifique, qui a déjà commencé, est menée par une étudiante de l'Université de Lausanne pour son travail de Master, suivie par trois professeurs, en collaboration avec le Musée d'histoire naturelle de Genève, l'Université de Genève, le Bioparc Genève et Aquatis.
«Il s'agira de la première description mondiale des différences morphologiques, visuelles, comportementales et de caractère entre ces deux espèces génétiquement très éloignées, même pas cousines», précise M. Ansermet. Il table sur de premiers résultats concrets dans l'intervalle des deux ans du Master, sans écarter le fait que ces recherches pourraient durer plus longtemps.
Instruments de précision
La recherche passe par le rassemblement et l'analyse de données existantes, par l'étude photographique pointue de la peau et des détails des crocodiles et par l'étude comportementale de ces animaux. L'étudiante disposera d'une «collaboration et d'une instrumentation incroyable», se réjouit M. Ansermet.
Il cite notamment des appareils de photographie spécifiques, capables d'effectuer par exemple des images multidirectionnelles (dans 30 positions différentes), et des scanners 3D.