Environnement Recycler les moules quagga, le défi d'une jeune pousse lausannoise

gsi, ats

2.8.2024 - 09:57

Les moules quagga ne doivent pas être vues uniquement comme une calamité. C'est le pari de la start-up lausannoise Alien Limited qui cherche à recycler l'envahissant mollusque en ciment et engrais.

La start-up lausannoise Alien Limited cherche à recycler les moules quagga (photo d'illustration).
La start-up lausannoise Alien Limited cherche à recycler les moules quagga (photo d'illustration).
ATS

Keystone-SDA, gsi, ats

Tandis que les moules quagga prolifèrent à une vitesse folle dans les lacs suisses, menaçant la biodiversité, colonisant les canalisations, filets de pêche, coques de bateaux et plages, Alien Limited souhaite «transformer ce fléau en opportunité», résume sa fondatrice Carole Fonty, interrogée par Keystone-ATS.

Elle explique avoir voulu «décortiquer» cette moule non-comestible pour en exploiter «tous les débouchés possibles». Et tout d'abord en récupérant le calcaire des coquilles pour en faire un ciment «bas carbone».

Pour y parvenir, l'entrepreneuse a collaboré avec le Laboratoire des matériaux de construction de l'EPFL afin de remplacer le calcaire rocheux par le calcaire des moules dans le procédé de fabrication du ciment LC3, lequel permet de réduire les émissions de CO2 de 40% par rapport au ciment traditionnel.

«Les résultats des tests ont confirmé que les propriétés techniques de ce ciment étaient similaires à celles du ciment LC3 fabriqué avec du calcaire rocheux», relève Carole Fonty, vantant «une alternative idéale». Précurseuse mondiale dans ce domaine, elle indique avoir déjà été approchée par plusieurs cimentiers, intéressés par ses recherches.

Partenariat avec les SiL

Après la coquille, la Genevoise a cherché une utilisation à la chaire de la moule. Des études ont été menées avec la HEIG-VD à Yverdon, dont les résultats définitifs sont attendus cet automne. Il en ressort déjà que les moules quagga, avec les minéraux et nutriments qu'elles contiennent, pourraient aussi servir «d'engrais organique et local» pour l'agriculture, remarque-t-elle.

En plus des hautes écoles, sa start-up a collaboré ces derniers mois avec des collectivités publiques. Un projet pilote est notamment prévu en fin d'année avec les Services industriels de Lausanne (SiL). Il s'agira alors de tester la capacité d'Alien Limited à «industrialiser» ses procédés.

Carole Fonty espère pouvoir collecter «une centaine de tonnes» de moules quagga l'an prochain, avant de passer à la vitesse supérieure. Elle vise «plusieurs milliers de tonnes» en 2045, tout en insistant sur la nécessité de respecter les équilibres du lac.

«L'idée n'est pas de draguer le fond du lac, mais de procéder à une collecte non évasive pour l'écosystème», souligne-t-elle. Des partenariats sont en cours avec les pêcheurs, les collectivités publiques et les entreprises exploitant le lac pour récolter les mollusques.

Autres lacs

L'objectif ne consiste pas non plus à se limiter au Léman, la technologie permettant de séparer la partie minérale et organique de la moule étant réplicable, note Carole Fonty. Elle évoque d'autres lacs actuellement confrontés à l'invasion des moules quagga: Neuchâtel, Bienne ou Constance.

Basée à Lausanne, la société Alien Limited a été officiellement créée en mai dernier. Son origine remonte toutefois à l'été 2023 lorsque Carole Fonty, après une carrière de plus de 15 ans dans le marketing et le management, a décidé de se reconvertir et de «faire quelque chose pour le lac», raconte-t-elle.

La Parisienne d'origine, établie à Genève depuis 2010, s'est alors approchée de plusieurs acteurs du Léman. «Au cours de mes discussions, j'ai tout de suite constaté que la moule quagga constituait un problème majeur. Il y avait un côté fataliste, un sentiment de combat perdu d'avance. Comme j'aime les challenges, je me suis lancée.»

Et avec succès. Son projet a déjà remporté plusieurs prix dans des concours destinés aux start-ups: le prix Genilem fin 2023 à Lausanne et, dernièrement, l'un des prix Venture à Zurich. Elle fait aussi partie des finalistes du prix «Innovate 4 Nature», dont la finale est programmée en septembre à Arles.