Sciences & TechniqueUn chercheur malien sur le front du coronavirus et de la politique
AFP
3.4.2020 - 14:07
«On dort peu, mais c'est pour la bonne cause»: quand il ne participe pas en qualité de chercheur à la lutte contre le coronavirus, Amadou Koné fait campagne pour un siège de député dans un pays confronté à d'innombrables maux.
A 38 ans, il est chercheur dans le seul laboratoire de niveau P-3 au Mali, là où des échantillons à risques peuvent être manipulés. C'est là que tous les tests ont été effectués pour le virus Ebola en 2014, et désormais ceux pour le coronavirus.
Il fait partie des treize scientifiques qui ne comptent plus les heures depuis plusieurs semaines, et moins encore depuis que le Mali a officiellement déclaré ses premiers cas de contamination cette semaine. Tous les jeudis, il enseigne à la faculté de médecine. «Je dors trois heures par nuit en ce moment. Entre les tests qui s'enchaînent et la campagne...»
Car M. Koné, qui alterne entre le costume mauve sans cravate en dehors du laboratoire et la blouse blanche à l'intérieur, brigue la députation dimanche avec son petit parti, «Mouvance Républicaine», qu'il a créé avec d'autres en 2014 et qui entend «proposer autre chose aux jeunes de ce pays».
Tous les soirs, il enlève sa blouse et remet sa veste pour aller dans les quartiers de la cinquième circonscription de Bamako. «On fait des rencontres, mais avec moins de cinquante personnes comme le gouvernement l'a demandé» à cause du coronavirus, explique-t-il, fines lunettes sur le nez.
En son âme de chercheur, fallait-il reporter ces élections comme l'ont demandé plusieurs opposants ? «Il aurait peut-être fallu, mais je peux comprendre que le gouvernement veuille les garder. Et si elles sont maintenues, on ne peut pas ne pas y être !»
- Motiver -
Ce scrutin, déjà reporté à plusieurs reprises en raison principalement de la situation sécuritaire, vise à renouveler les 147 sièges de l'Assemblée. Le mandat des élus, qui prenait officiellement fin en 2018, a été prolongé jusqu'à début mai.
La campagne suscite un faible engouement. Une large partie du territoire reste en proie à des violences jihadistes et intercommunautaires quasiment quotidiennes. Plus de 350.000 personnes ont fui leur domicile selon les autorités.
Ce jour-là, Amadou Koné a filé du laboratoire à 16H00 pour un meeting à 17H00. «Mes équipes continuent à travailler au labo. S'il y a une urgence, je reviens».
C'était dans la rue, devant la maison d'un sympathisant. Des bancs ont été installés. Une trentaine de personnes, des femmes surtout, sont venues. La présence du coronavirus n'avait pas encore été décelée sur le territoire. Il a peu été question de la maladie, mais elle n'était sans doute pas étrangère à l'affluence.
«D'habitude, il y a plus de monde dans les meetings, mais il faut respecter les mesures», note Mamadou Bolly, un habitant du quartier venu écouter.
«Il faut motiver les gens pour aller voter, c'est important pour le pays. Chaque fois qu'elles ont été programmées, ces élections ont été annulées. Cette fois, il faut qu'elles se tiennent ! Même avec le coronavirus, quand on ira au bureau, on respectera les distances».
- «On va gagner» -
Le candidat Koné revêt tour à tour la casquette de politicien et de chercheur durant la rencontre. D'une explication sur la façon de voter, il passe sans transition à l'importance de se laver les mains.
«C'est plus fort que moi! Il faut sensibiliser les gens, c'est essentiel. Et si ca peut aussi se faire durant un meeting, pourquoi pas!»
La sensibilisation aux gestes barrières est le cheval de bataille du gouvernement, dans un pays où le secteur informel fait vivre une grande partie de la population dans les marchés, les foires...
Mercredi soir, après l'annonce des premiers cas, il a fallu relever la riposte et le président Ibrahim Boubacar Keïta a décrété l'état d'urgence sanitaire, qui se juxtapose à l'état d'urgence sécuritaire déjà en vigueur, et l'instauration d'un couvre-feu nocturne.
Après son meeting et les deux autres qui ont suivi ce soir-là, Amadou Koné est rentré chez lui. La journée n'était pas finie. «J'ai repris contact avec mon équipe qui continuait les tests au laboratoire».
«Les échantillons sont prioritaires sur la campagne», sourit-il, «mais on va gagner dimanche, se reposer un peu lundi, puis revenir pour continuer la lutte contre le coronavirus mardi».
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