Illustration artistique diffusée le 27 juin 2019 du robot Dragonfly de la Nasa destiné à explorer Titan
Elizabeth «Zibi» Turtle, cheffe de la mission Dragonfly sélectionnée par la Nasa pour explorer Titan, le 2 juillet 2019 dans son laboratoire à Laurel, dans le Maryland
Une maquette de Dragonfly, qui se posera sur Titan en 2034, exposée au Johns Hopkins Applied Physics Lab, le 2 juillet 2019 à Laurel, dans le Maryland
L'une des toutes premières images de Titan envoyées par la sonde européenne Huygens, pendant sa descente vers le sol, le 14 janvier 2005
Elizabeth «Zibi» Turtle, cheffe de la mission Dragonfly sélectionnée par la Nasa pour explorer Titan, le 2 juillet 2019 dans son laboratoire à Laurel, dans le Maryland
Ken Hibbard, ingénieur de la mission Dragonfly, montre une maquette du drone Dragonfly, le 2 juillet 2019 au Johns Hopkins Applied Physics Lab à Laurel, dans le Maryland
Un drone sur Titan en 2034, la mission d'une vie
Illustration artistique diffusée le 27 juin 2019 du robot Dragonfly de la Nasa destiné à explorer Titan
Elizabeth «Zibi» Turtle, cheffe de la mission Dragonfly sélectionnée par la Nasa pour explorer Titan, le 2 juillet 2019 dans son laboratoire à Laurel, dans le Maryland
Une maquette de Dragonfly, qui se posera sur Titan en 2034, exposée au Johns Hopkins Applied Physics Lab, le 2 juillet 2019 à Laurel, dans le Maryland
L'une des toutes premières images de Titan envoyées par la sonde européenne Huygens, pendant sa descente vers le sol, le 14 janvier 2005
Elizabeth «Zibi» Turtle, cheffe de la mission Dragonfly sélectionnée par la Nasa pour explorer Titan, le 2 juillet 2019 dans son laboratoire à Laurel, dans le Maryland
Ken Hibbard, ingénieur de la mission Dragonfly, montre une maquette du drone Dragonfly, le 2 juillet 2019 au Johns Hopkins Applied Physics Lab à Laurel, dans le Maryland
Quelle joie, le 26 juin, quand Elizabeth Turtle a reçu le coup de fil de la Nasa: son projet d'envoyer un drone sur la plus grande lune de Saturne, Titan, qu'elle scrute depuis 15 ans, a reçu un feu vert, et un budget d'environ un milliard de dollars.
Mais le lancement de «Dragonfly», «libellule» en français, n'est prévu qu'en 2026. N'est-ce pas frustrant?
«Cela va passer très vite, car il y a énormément à faire», répond «Zibi» Turtle, 52 ans, planétologue au laboratoire de physique appliquée de l'université Johns Hopkins près de Washington, un monstre de centre de recherche de 7.000 personnes.
La libellule de 600 kilogrammes n'atterrira sur Titan, à 1,4 milliard de kilomètres de la Terre, au-delà de Mars et Jupiter, qu'en... 2034.
«Le système solaire externe, c'est loin», explique calmement Zibi Turtle, comme étonnée qu'on l'interroge sur la lenteur des voyages interplanétaires. «Il faut évidemment être patient.»
Le rythme de la planétologie est sans comparaison avec celui de la plupart des autres disciplines scientifiques. Les distances sont si folles, les robots qu'on y envoie si sophistiqués, que les chercheurs consacrent leur vie à une poignée de missions.
Formée au MIT et à l'université de l'Arizona, Zibi Turtle se souvient des premières images sommaires de Titan, prises par le télescope spatial Hubble dans les années 1990. La chercheuse fut ensuite parmi les premiers, en 2004, à recevoir les photos proches de Titan envoyées par la sonde Cassini... elle-même lancée sept ans auparavant.
«C'était fascinant de voir des nuages sur une autre planète», raconte-t-elle. «Mais nous n'avions aucune idée de ce qu'il y avait à la surface, on ne distinguait que des régions claires et sombres».
Puis la sonde européenne Huygens, larguée par Cassini, a eu le temps d'envoyer des clichés avant de mourir. Le monde a découvert, stupéfait, des lits de rivières. «C'était vraiment une percée.»
En quelques années s'est ainsi formé le portrait de Titan, curieux astre à -179°C, plus grand que Mercure et notre Lune, dont la croûte est formée de glace et où coulent des rivières et des lacs de méthane liquide.
Le vent souffle, les nuages bougent, il pleut (du méthane), et des vallées, des dunes et des montagnes composent le paysage. Des volcans froids éjectent peut-être de l'eau en guise de lave.
- Une Terre primitive -
«C'est vraiment étrange: Titan a des matériaux très différents. Mais sa géologie ressemble vraiment à celle de la Terre», poursuit Zibi Turtle.
Les scientifiques supposent que les conditions y sont similaires à celles qui existaient sur la Terre avant l'apparition de la vie. Ils pensent que le méthane liquide peut jouer le même rôle que l'eau pour sauter le pas entre chimie... et biologie.
Dragonfly, un mini-laboratoire chimique, va donc chercher pendant des années, en volant d'un site à un autre, des molécules complexes à base de carbone... à la recherche des «briques de la vie».
Peut-être que les molécules ramassées dans une ancienne rivière seront différentes de celles qui n'ont jamais été mouillées. Toute cette histoire primitive a été effacée sur Terre. Titan offre un voyage dans le temps.
Et si Dragonfly ne trouvait rien? «C'est impossible», répond Zibi Turtle, sans le moindre doute. «Quoiqu'on trouve, cela racontera quelque chose.»
«L'exploration des planètes m'a enseigné que le système solaire était plus créatif que notre imagination. Il y a toujours des surprises».
En attendant, il faut finir de concevoir et fabriquer Dragonfly: quatre paires de rotors, un mini-générateur nucléaire, une batterie lithium-ion, dix caméras, deux perceuses d'échantillonnage, quatre instruments scientifiques.
Des centaines de scientifiques et ingénieurs de diverses institutions sont impliqués.
Ken Hibbard, l'ingénieur principal, a travaillé beaucoup de soirs et week-ends depuis des mois. Il sait qu'il vieillira avec ce projet.
«On investit tellement de temps et d'énergie qu'une partie de notre âme finit dans ces projets», dit-il.
Il sera probablement dans la salle de contrôle du campus en 2026, pour le lancement. Zibi Turtle, elle, voudra y assister en personne. «C'est ce qui est prévu», dit-elle.
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