Dans une vaste salle du «météopole» de Toulouse, «Belenos» ronronne dans une lumière bleu électrique. Capable de plus de 10 millions de milliards d'opérations à la seconde, ce nouveau supercalculateur doit faire gagner de précieuses minutes aux alertes météo... et étudier le changement climatique.
Dans une salle de Météo France à Toulouse le 2 juin 2021
Francois Lalaurette, directeur des opérations pour la prévision de Météo France, le 2 juin 2021 au siège de Météo France à Toulouse
Alain Béraud, responsable des projets de calcul intensif à Météo France, regarde le nouveau supercalculateur Belenos, le 2 juin 2021 au siège de Météo France à Toulouse
Dans une salle du siège de Météo France à Toulouse le 2 juin 2021
Un nouveau «supercalculateur» pour booster les prévisions météo - Gallery
Dans une salle de Météo France à Toulouse le 2 juin 2021
Francois Lalaurette, directeur des opérations pour la prévision de Météo France, le 2 juin 2021 au siège de Météo France à Toulouse
Alain Béraud, responsable des projets de calcul intensif à Météo France, regarde le nouveau supercalculateur Belenos, le 2 juin 2021 au siège de Météo France à Toulouse
Dans une salle du siège de Météo France à Toulouse le 2 juin 2021
Météo France espère «gagner une à deux heures» sur ses alertes de vigilance et améliorer encore leur précision, explique François Lalaurette, directeur des opérations pour la prévision de Météo France.
Les ingénieurs ont ainsi recréé avec ces nouveaux outils «l'épisode méditerranéen» meurtrier qui a ravagé les Alpes-Maritimes en octobre. Météo France avait alors donné l'alerte bien en amont, mais, en repartant des données de l'époque, le nouvel équipement estime avec beaucoup plus de précision l'intensité et la localisation des précipitations qui s'étaient abattues sur les vallées de la Roya et de la Vésubie.
Petaflops
Car Belenos et son jumeau Taranis, installé sur le campus de l'université, multiplient par 5,5 la puissance de calcul par rapport à leur prédécesseur. Avec une capacité totale de 21,48 «petaflops» (millions de milliards) d'opérations à la seconde, ils font gagner quelques places à la France dans le «top 10» international des grands de la météo et du climat (dominés par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne).
Et permettent de gérer l'augmentation constante des données à traiter: plus de 40 millions d'observations individuelles par jour actuellement pour un modèle de prévisions mondial, entre 0,8 et 1,8 million pour la seule France métropolitaine.
La «maille» des prévisions est également resserrée, de 2,5 à 1,3 kilomètres. En 1992, le premier supercalculateur de Météo France travaillait sur des carrés de 35 kilomètres de côté.
La nouvelle machine du fabricant Atos, d'un coût de 55 millions d'euros pour un montant total du projet de 144 millions sur cinq ans, est opérationnelle depuis février, en doublon avec l'ancienne pendant six mois. Le temps de vérifier si les progrès attendus sont bien au rendez-vous.
Le nouveau supercalculateur va en effet faire tourner de nouveaux modèles, entre 15 et 35 selon les cas, pour produire des «prévisions d'ensemble», dressant plusieurs scénarios avec leurs degrés de confiance comme leurs incertitudes ou variations.
Bête de course
«C'est un travail continu, les chercheurs codent en permanence et préparent déjà les futures versions», souligne Samuel Morin, patron du Centre national de recherches météorologiques, dont les experts sont à la fois utilisateurs de la machine et concepteurs de ses programmes.
Car Belenos, ce n'est pas que deux rangées d'armoires d'une douzaine de mètres de long sur plus de deux mètres de haut. Il faut aussi commander ses opérations, savoir ce que l'on veut lui faire faire.
Résumé imagé d'Alain Béraud, responsable des projets de calcul intensif à Météo France: «C'est une bête de course, mais il faut savoir la conduire. Sinon on se retrouve dans le fossé ou on va à trois à l'heure».
En marche normale, un des supercalculateurs sera dédié à la prévision, l'autre à la recherche, notamment sur le changement climatique. Les deux sont interchangeables très rapidement.
Car la prévision météo, aux forts enjeux de sécurité civile, n'est pas un domaine qui supporte la panne. «La course contre le temps est fondamentale. Les prévisions de la semaine dernière n'intéressent personne,» martèle François Lalaurette.
Les merguez et la glace
Mais les deux champs d'étude, météo et climat, se complètent, même si tous les phénomènes extrêmes ne sont pas explicables par le réchauffement. Les chercheurs de Météo France travaillent d'ailleurs de plus en plus sur «l'attribution» d'événements au changement climatique, comme ils l'ont rapidement fait pour la canicule tardive de septembre 2020.
Ils vont également pouvoir mettre leurs nouvelles ressources au service de la recherche fondamentale, qui vient notamment alimenter les rapports du Giec.
Les retombées immédiates sont aussi importantes pour l'agriculture, les transports (comme prévoir du brouillard sur un grand aéroport) ou encore les assurances. Une étude avance qu'un euro investi dans le supercalculateur en fait gagner 12.
«Je ne comprenais pas ce qui pouvait intéresser des représentants de la grande distribution pour visiter nos installations», se rappelle Alain Béraud. «Ils m'ont dit: +si vous prévoyez du beau temps pour le week-end, on met des merguez, de la glace et tout ça en rayon. Et s'il pleut, on pourra en jeter 90%+».