Méditerranée Une vague de chaleur directement liée au dérèglement climatique

ATS

5.5.2023 - 15:58

La «chaleur extrême» enregistrée fin avril dans la péninsule ibérique et dans une partie de l'Afrique du nord «aurait été quasi impossible sans le changement climatique». C'est ce que démontre une étude scientifique publiée vendredi.

Les températures ont frôlé les 40 degrés fin avril en Espagne, ici à Séville.
Les températures ont frôlé les 40 degrés fin avril en Espagne, ici à Séville.
ATS

Keystone-SDA

Cette «vague de chaleur exceptionnellement précoce» a entraîné des «températures dépassant parfois de 20 degrés les normales de saison et des records pour le mois d'avril battus de plus de 6 degrés», a souligné ce rapport du World Weather Attribution (WWA). Il s'agit d'un réseau mondial de scientifiques évaluant le lien entre les événements météorologiques extrêmes et le dérèglement climatique.

Une masse d'air chaud et sec venue d'Afrique du nord a entraîné la semaine dernière des records absolus de températures pour un mois d'avril au Portugal et en Espagne continentale. Le mercure affichait respectivement 36,9 et 38,8 degrés, soit des niveaux dignes du mois de juillet.

Plus de 40 degrés au Maroc

Au Maroc, des records locaux ont été battus et les températures ont dépassé par endroits les 41 degrés tandis qu'en Algérie, elles ont franchi la barre des 40.

«Le changement climatique provoqué par l'humanité a multiplié par au moins 100 la probabilité de cette vague de chaleur record en Espagne, au Portugal, au Maroc et en Algérie» par rapport au contexte climatique pré-industriel. Elle «aurait été quasi impossible sans le changement climatique», a relevé ce rapport du WWA.

Cette vague de chaleur a été «tellement extrême» qu'elle reste un «épisode rare dans le contexte climatique actuel». Même dans une région du monde déjà habituée à une multiplication de ces phénomènes «ces dernières années», a poursuivi le réseau de scientifiques

Selon ce groupe de chercheurs, les températures enregistrées la semaine dernière dans cette zone ont été «supérieures de 3,5 degrés à ce qu'elles auraient dû être sans changement climatique».

Couplé à des années de sécheresse

«Nous allons voir dans l'avenir des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses» dans cette partie du monde, a averti Sjoukje Philip. Cette chercheuse à l'Institut météorologique royal des Pays-Bas et membre du WWA s'exprimait lors d'une présentation du rapport à la presse.

Ces températures anormalement élevées interviennent «après plusieurs années de sécheresse historique, ce qui exacerbe l'impact de la chaleur sur l'agriculture, déjà menacée par des pénuries d'eau croissantes», a par ailleurs noté le WWA.

En Espagne, pays dont les régions agricoles sont surnommées le «potager de l'Europe», 60% des terres agricoles sont actuellement «asphyxiées» par le manque de précipitations. C'est l'avertissement lancé par le principal syndicat d'agriculteurs, le Coag.

Réservoirs d'eau à moins de 50% de leur capacité

Les réservoirs du pays – où est stockée l'eau de pluie afin de pouvoir l'utiliser lors des mois plus secs – sont actuellement à moins de 50% de leur capacité. Voire un quart dans certains territoires, comme la Catalogne (nord-est) où la situation est extrêmement préoccupante.

Un manque d'eau qui a poussé nombre d'agriculteurs à renoncer aux semis de printemps, notamment de céréales et d'oléagineux.

«La Méditerranée est l'une des régions les plus exposées au changement climatique en Europe. Alors que la région fait déjà face à une sécheresse durable et très intense, ces températures élevées à une période où il devrait pleuvoir aggrave la situation», met en garde Friederike Otto, de l'Imperial College de Londres, l'une des principales auteurs de l'étude.

Agence météorologique cible d'insultes

Dans ce contexte de multiplication des vagues de chaleur en Espagne, pays qui a connu l'an dernier son année la plus chaude, le gouvernement a défendu l'agence météorologique nationale Aemet. Celle-ci est la cible d'un flot d'insultes et de menaces, sur fond de «complotisme» climatique.

«Assassins», «criminels», «nous vous surveillons», «vous le paierez»: l'Aemet affirme avoir reçu ces dernières semaines quantité de messages critiquant ces prévisions et ces analyses liant les épisodes de chaleurs anormales au changement climatique.

Ces attaques dénoncées par la ministre de la Transition écologique Teresa Ribera. «Mentir, alimenter le complotisme et la peur, insulter... Cela appauvrit notre société», a-t-elle dénoncé vendredi sur son compte Twitter, en appelant à «dire stop» à ces pratiques.