Suisse 100 recommandations pour une politique de sécurité du futur

bl, ats

29.8.2024 - 11:30

La Suisse peut créer une politique de sécurité qui soit adaptée aux menaces et aux dangers futurs. La commission d'étude instituée par le Département fédéral de la défense a rendu jeudi son rapport avec une centaine de recommandations.

La présidente de la Confédération Viola Amherd a reçu le rapport de la commission d'étude sur la politique de sécurité (archives).
La présidente de la Confédération Viola Amherd a reçu le rapport de la commission d'étude sur la politique de sécurité (archives).
ATS

Keystone-SDA, bl, ats

La situation sécuritaire en Europe s'est considérablement dégradée, a rappelé la présidente de la Confédération Viola Amherd lors d'une conférence de presse. Elle est notamment déterminée par la guerre en Ukraine.

Pour Katja Gentinetta, rédactrice du rapport, l'agression russe ouvre la porte à une confrontation avec l'OTAN. Les tensions dans les Balkans restent d'actualité, notamment en raison des présences russe et chinoise dans la région.

La guerre au Proche-Orient pourrait se prolonger. L'influence de l'Occident en Afrique diminue face à la Russie et à la Chine. Ces évolutions conduisent à un affaiblissement du système de sécurité collective.

Désordre mondial

L'Europe est déstabilisée, note la commission dans son rapport. Elle pourrait devenir la grande victime d'une fragmentation mondiale. La Suisse est également concernée par ces évolutions. Elle a tout intérêt à oeuvrer à la stabilité de l'Europe et à apporter une contribution à sa sécurité.

Surtout qu'elle est déjà confrontée à une guerre d'influence, de désinformation et de cyberopérations. Cette guerre hybride est la principale menace pour la Suisse, estime la commission.

Celle-ci a émis une centaine de recommandations dans divers domaines qui visent à préparer la Suisse aux évolutions qui pourraient se présenter en cas de situation aggravée. Elles portent sur la neutralité, la coopération internationale, l'orientation des instruments de la politique de sécurité et la politique d'armement.

Neutralité assouplie

La commission propose d'appliquer la politique de neutralité avec plus de souplesse et de se concentrer davantage sur sa fonction de sécurité, qui n'est plus garantie aujourd'hui. Le simple fait d'être neutre ne protège pas la Suisse d'une attaque, pointe Mme Gentinetta. Il s'agit d'un «instrument et non d'une finalité de l'Etat».

La neutralité révisée doit s'aligner sur la Charte des Nations Unies et distinguer agresseur et victime, qui a le droit de se défendre. Dans ce cadre, la commission veut également revoir la loi sur le matériel de guerre et ses règles restrictives en matière de réexportation.

Aujourd'hui, la Suisse entrave la solidarité des autres pays avec les victimes. Les exportations devraient être adaptées aux évolutions géopolitiques.

Défense commune

En outre, la coopération avec l'OTAN et l'UE doit être approfondie afin de développer une capacité de défense commune. La Suisse est le seul pays qui a renoncé à une obligation d'assistance réciproque.

La Suisse ne peut pas «représenter une faille de sécurité» en Europe, et sa situation géographique rend évidente une coopération au niveau de la défense. Cela en particulier dans les domaines des formations communes et des exercices bi- et multilatéraux, et de la défense contre les missiles balistiques guidés.

Pour la commission, la neutralité n'est pas un obstacle à une collaboration avec l'OTAN. Mais seule une minorité est favorable à une adhésion à l'organisation. La promotion militaire de la paix contribue à la sécurité internationale et doit être développée.

La situation actuelle appelle également une analyse des instruments de politique de sécurité de la Suisse afin de pouvoir réagir rapidement et efficacement. Pour la commission, le constat est sans appel: «L'armée manque d'effectifs, d'équipements, de formation et de ravitaillement.»

La Suisse a besoin d'une conception de défense globale, y compris contre la désinformation et les influences. L'armée doit être réorientée vers sa capacité de défense et maîtriser le combat interarmes. Les infrastructures critiques doivent être mieux protégées.

A une large majorité, la commission recommande également de porter le budget de l'armée à 1% du PIB d'ici 2030, comme le souhaitent les partis bourgeois. Et de regrouper le service civil dans la protection civile. Celle-ci doit être préparée à sa mission en cas de guerre. De son côté, la population doit être sensibilisée à la possibilité d'une menace aggravée.

Armement aligné

Quant à l'industrie d'armement, elle doit être renforcée et adaptée à la menace. Cela passe notamment par l'innovation. Et par l'accès aux programmes d'armement de l'UE et de l'OTAN.

La Suisse devrait également se parer de bases légales pour l'utilisation de l'intelligence artificielle, de la robotique et des systèmes d'armes autonomes. D'autres instruments ont également été étudiés, notamment concernant le service de renseignement de la Confédération ou les moyens de protection contre le terrorisme ou l'extrémisme.

Ces recommandations seront intégrées dans les travaux relatifs à la stratégie de politique de sécurité 2025. Le président de la commission, Valentin Vogt, a également appelé le Parlement à faire son travail. La commission de la politique de sécurité du National a «mis la pagaille» en refusant le plafond de dépenses de l'armée.