Suisse Avions de combat: à quoi faut-il s’attendre?

De Julia Käser

21.11.2020

Plusieurs avions, dont le Super Hornet de Boeing, sont en lice pour remplacer les appareils de l'armée suisse arrivés en fin de vie. Le peuple a donné son feu vert aux six milliards de francs destinés à l'achat (archives).
Plusieurs avions, dont le Super Hornet de Boeing, sont en lice pour remplacer les appareils de l'armée suisse arrivés en fin de vie. Le peuple a donné son feu vert aux six milliards de francs destinés à l'achat (archives).
Keystone

Suite à une victoire à l’arraché, le crédit de 6 milliards de francs pour l’acquisition de nouveaux avions de combat a été approuvé. Les deuxièmes offres sont arrivées mercredi. On ne sait pas encore quels avions la Suisse achètera. Voici un aperçu de la situation actuelle.

Ce fut l’une des votations les plus serrées de l’histoire: fin septembre, 50,15% des électeurs ont approuvé l’acquisition de nouveaux avions de combat. Mais ces derniers continueront de faire parler d’eux. En effet, on ne sait toujours pas quel modèle d’avion sera acheté avec le crédit de 6 milliards de francs.

Quels avions de combat la Suisse entend-elle acquérir?

Le Gripen suédois étant hors course , quatre avions de combat de différents fournisseurs sont encore au cœur des débats: le F-35 de Lockheed Martin, le F/A-18 Super Hornet de Boeing, le Rafale de Dassault et l’Eurofighter d’Airbus.

On ne sait pas non plus combien d’avions seront achetés. Les experts du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) estiment à 200 millions de francs le prix moyen par avion, en prenant en compte l’armement, la logistique, les systèmes, les mises à niveau et autres dépenses. D’après ce calcul, la Suisse pourrait acquérir 30 nouveaux avions de combat. Mais cela dépend aussi du modèle d’avion. Les offres de Lockheed Martin et de Boeing mentionnent 36 avions armés et quatre avions sans équipement.

Pourquoi le processus de sélection prend-il du retard?

Suite à la réception des premières offres, les différents modèles d’avions de combat ont été testés l’an dernier, notamment à Payerne (canton de Vaud). Par la suite, armasuisse a soumis une nouvelle demande d’offres aux organismes gouvernementaux respectifs des constructeurs. Mercredi, les deuxièmes offres des quatre fabricants ont été reçues. Le délai a été reporté en raison de la crise du coronavirus – il aurait en fait été dépassé en août, soit avant la votation.

Alors que les détracteurs de l’initiative accusaient le DDPS de favoriser un manque de transparence, l’autorité a relié le report aux mesures de lutte contre le coronavirus. Le changement de date est justifié par les restrictions de voyage et les mesures de télétravail qui touchent également les constructeurs, ainsi que par l’impossibilité des entretiens physiques.

Y a-t-il de nouvelles informations au sujet de l’acquisition des avions depuis la votation?

Début octobre, le gouvernement américain a donné son accord préliminaire à la Suisse pour la vente des avions furtifs F-35 de Lockheed Martin et des F/A-18 Super Hornet de Boeing. A cette occasion, selon un communiqué du Département d’Etat, les offres d’avions de combat ont également été précisées.

D’après ce communiqué, le F-35 est nettement moins onéreux que le F/A-18 Super Hornet, un appareil plus ancien. Le prix de cet avion dépasserait de loin le budget suisse: selon les médias, 36 Super Hornet entièrement équipés et quatre avions sans équipement coûteraient environ 7,45 milliards de dollars (environ 6,8 milliards de francs). En revanche, 36 avions furtifs F-35 équipés et quatre avions sans équipement coûteraient 6,58 milliards de dollars. Grâce à la faiblesse du taux de change du dollar, cela rentrerait dans le budget de la Suisse.

Les avions américains font l’objet de critiques de plus en plus nombreuses – pourquoi?

Durant la campagne qui a précédé la votation, des critiques ont visé la dépendance que la Suisse développerait vis-à-vis des pays producteurs – en particulier des Etats-Unis – en achetant de nouveaux avions de combat. Comme l’a confirmé un porte-parole du DDPS à «blue News» , «une indépendance totale par rapport au constructeur ou au pays producteur n’est pas possible». En effet, pour que la Suisse puisse exploiter les avions en toute autonomie sur le long terme, il faudrait acquérir de nombreuses connaissances. En outre, toutes sortes de pièces de rechange seraient nécessaires. Selon le DDPS, ces deux investissements seraient bien trop coûteux et peu rentables.



L’objectif est toutefois de conserver autant d’indépendance que possible, a indiqué la cheffe du Département fédéral de la défense Viola Amherd avant la votation. La conseillère fédérale n’a pas voulu entendre parler d’un «contrôle à distance» depuis les Etats-Unis, chose que craignaient les détracteurs de l’initiative. Cette idée est selon elle exclue.

Selon quels critères la décision sera-t-elle prise?

Un rapport d’évaluation doit être publié au début de l’année prochaine pour désigner le modèle d’avion le plus approprié. Selon le DDPS, le choix tiendra compte du rapport coût-avantages. Les deuxièmes offres ainsi que les résultats des tests de l’an dernier entrent également en ligne de compte.

Sur le plan concret, les avantages globaux des avions sont comparés aux coûts engendrés par l’acquisition et 30 ans de fonctionnement. Une analyse des risques doit également être incluse dans le rapport d’évaluation.

Quelles sont les prochaines étapes du processus d’acquisition?

Le choix final du modèle appartient au Conseil fédéral. Au cours du deuxième trimestre 2021, le Conseil fédéral décidera quels appareils remplaceront les F/A-18, qui ne seront opérationnels que jusqu’en 2030 au plus tard. Les nouveaux avions devraient ensuite être livrés par étapes à partir de 2025.

Mais cela ne veut pas dire que l’affaire est dans le sac. Suite à la votation populaire, le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a annoncé qu’il envisageait de lancer une initiative populaire contre l’achat concret de nouveaux avions de combat. Le GSsA a justifié cela en rappelant que près de la moitié des électeurs – 48,85% pour être précis – ont rejeté le crédit de 6 milliards de francs. D’après le groupe, le scepticisme à l’égard de l’acquisition d’armement est très répandu parmi la population.

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