Présidence de l'UDC «Chiesa ne serait pas un concurrent pour Martullo-Blocher»

De Julia Käser

12.8.2020

Marco Chiesa va-t-il devenir président de l’UDC pour des raisons tactiques?
Marco Chiesa va-t-il devenir président de l’UDC pour des raisons tactiques?
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Marco Chiesa pourrait bien être le prochain président de l’UDC. Un politologue évoque les raisons possibles de cette nomination inattendue – et l’influence du clan Blocher.

M. Stojanović, Marco Chiesa est également considéré comme le porte-parole de Herrliberg – comment jugez-vous sa relation avec Christoph Blocher?

On ne peut qu’émettre des spéculations à ce sujet, mais plusieurs éléments indiquent qu’il est en contact étroit avec Christoph Blocher – et surtout qu’il lui est loyal sur le plan politique. Ce ne serait probablement pas le cas d’Alfred Heer, par exemple, qui est toujours dans la course.

Des voix s’élèvent pour que Magdalena Martullo-Blocher démissionne du Comité de l’UDC si Marco Chiesa en prend la présidence, parce qu’ils seraient trop proches.

A propos
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Nenad Stojanović est politologue et professeur SNF à l'Université de Genève. Ses recherches portent sur le nationalisme, la démocratie directe et le multiculturalisme. Entre 2007 et 2013, il a siégé pour le PS au Grand conseil du canton du Tessin.

Une partie du groupe UDC estime que l’influence de la famille Blocher est trop forte et même très dommageable pour la démocratie interne du parti. Mais une chose est claire: tant que Christoph Blocher fera la loi au sein du parti, sa fille jouera un rôle important. Après tout, ses ambitions liées au Conseil fédéral ne sont pas un secret; c’est précisément dans ce but que son intégration à la direction du parti est importante.

Au Tessin, l’UDC est dans une certaine mesure éclipsée par la Lega – un des représentants de cette région est-il vraiment le bon choix pour sortir le parti de cette fameuse crise?

En réalité, je ne pense pas qu’il ait été le premier choix de la commission de sélection – ou de M. Blocher. Sur les réseaux sociaux, par exemple, un ancien président tessinois du PS a même supposé que cette nomination jouait un rôle important en relation avec les ambitions éventuelles de Mme Martullo-Blocher liées au Conseil fédéral.

Pouvez-vous expliquer ce lien plus en détail ?

Le président du parti reste toujours un autre candidat potentiel au Conseil fédéral. Ce fut le cas d’Ueli Maurer, par exemple. Si Ueli Maurer quitte maintenant son poste de conseiller fédéral, un président de parti originaire de Suisse alémanique serait un candidat naturel et donc un rival pour Magdalena Martullo-Blocher. A cet égard, il n’y a pas de concurrence avec un Tessinois à la présidence du parti, étant donné qu’un autre Tessinois, en l’occurrence Ignazio Cassis du PLR, n’est en fonction que depuis 2017.

D’après la commission de sélection, l’objectif est également de renforcer l’UDC en Suisse romande. En tant que Tessinois, Marco Chiesa est-il un candidat idéal pour cela?

Cet argument de la commission de sélection vise probablement à détourner l’attention des véritables raisons. Ce n’est pas parce qu’il parle relativement bien le français que Marco Chiesa est la bonne personne pour renforcer l’UDC en Suisse romande. D’ailleurs, l’élection du Vaudois Guy Parmelin au Conseil fédéral a déjà été fondée sur cet argument. Pourtant, l’UDC a perdu les élections en Suisse romande par la suite.

Marco Chiesa semble avoir du succès auprès de la population, comme en témoignent son élection au Conseil national en 2015 ainsi que son élection au Conseil des Etats en 2019. Qu’est-ce qui le rend si populaire?

Il n’est pas forcément «si» populaire. En novembre dernier, au second tour des élections tessinoises au Conseil des Etats, il n’a pas été choisi par 60% des électeurs, tout de même. Sans une campagne électorale massive et coûteuse et une alliance stratégique avec la Lega et même – en coulisses – avec l’aile droite du PLR, il n’aurait probablement pas pu gagner.

Cela veut-il dire qu’il n’est pas aussi populaire que ses résultats électoraux ne le suggèrent?

Si, il est vrai qu’il donne l’impression d’être sympathique en public. Ce fut le cas au Tessin et ce sera probablement le cas dans le reste du pays. Les Tessinois bénéficient souvent d’un capital sympathie, surtout en Suisse alémanique.

Vous connaissez aussi Marco Chiesa en tant qu’homme politique. Qu’est-ce qui fait de lui un homme politique?

Il est intelligent, il écoute et il réfléchit bien avant de dire ou de faire quoi que ce soit. Ses adversaires politiques l’apprécient comme interlocuteur parce qu’il permet d’avoir une discussion de qualité et factuelle.

Pour conclure, pensez-vous que Marco Chiesa sera élu président même en cas de bataille électorale?

Oui. Bien qu’il soit souhaitable que l’UDC ait un deuxième candidat officiel – qu’il s’agisse de considérations internes au parti ou publiques.

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