Marc Porchet«Je n'ai toujours pas compris pourquoi on a dû me passer par la fenêtre»
sj, ats
17.5.2024 - 13:20
Poursuivi en justice durant plus de sept ans et complètement blanchi, l’ex-secrétaire général de l'ancienne Fondation Beaulieu Marc Porchet s'exprime pour la première fois dans la presse. Dans une interview à 24 heures vendredi, il évoque les «vraies raisons» d'un «immense gâchis» dans l'affaire de la débâcle de Beaulieu à Lausanne.
sj, ats
17.05.2024, 13:20
ATS
Il avait été accusé nommément dans un communiqué de presse du Conseil d'Etat vaudois, malgré la présomption d'innocence, de malversations, surfacturation, opacité dans les comptes et conflits d'intérêts en décembre 2017 à la suite du dépôt d'une plainte pénale. Un montant de 27 millions avait été articulé. M. Porchet avait été licencié sur le champ après seize ans en poste.
Depuis, son innocence a été prononcée par trois fois: un premier classement du Ministère public en 2019, un acquittement du Tribunal d'arrondissement de La Côte en août 2023, confirmé ensuite par le Tribunal cantonal en avril dernier. Un recours au Tribunal fédéral est encore possible.
Changement de Municipalité: un tournant
L'impression qui prédomine chez Marc Porchet est celle d'un «immense gâchis». «Cette histoire a pris une énergie folle à un nombre incalculable de personnes, consommé tellement de ressources. Moi, j'ai perdu mon entreprise, j'ai perdu mes employés», confie-t-il au quotidien vaudois. «Je me suis endetté auprès de mes proches à hauteur de 700’000 francs, afin de payer tous les fournisseurs et mes collaborateurs.»
Quand a-t-il senti le vent tourner? «A posteriori, je dirais qu'il y a vraiment eu un tournant après le changement de Municipalité à Lausanne, en 2016. A l'époque, à la Fondation de Beaulieu, on avait trois personnes qui faisaient vraiment avancer le bateau», dont le syndic et le municipal lausannois Daniel Brélaz et Olivier Français.
«Quand MM. Brélaz et Français sont partis (remplacés par Grégoire Junod et Natacha Litzistorf, ndlr), les choses ont commencé à flotter. Mais sur le moment, je ne m'en suis pas rendu compte. J'étais tellement pris par le travail du quotidien», relève-t-il.
M. Porchet tient à préciser que la situation de la Fondation de Beaulieu et sa double casquette (secrétaire général de la fondation et patron de la fiduciaire mandatée pour la gestion opérationnelle du site) était «connue du conseil de fondation depuis plus de dix ans».
«Aucun pouvoir bancaire»
«Les mandataires sont engagés par la délégation du conseil de fondation, pas par moi. Je n'avais d'ailleurs pas la signature au Registre du commerce, ni de pouvoir bancaire», insiste-t-il. Mais de reconnaître aussi que, «évidemment que la photographie instantanée peut questionner. On se dit: 'Il y a un problème...' Et c'est vrai».
«La Fondation n'a jamais voulu internaliser le moindre poste, alors que moi-même je le recommandais en 2015 déjà, car toute l'équipe était au bout du rouleau». «Au bout du compte, je n'ai toujours pas compris pourquoi on a dû me passer par la fenêtre plutôt que de faire les choses proprement: 'Ecoutez, M. Porchet, on a choisi de changer de stratégie et on va mettre un terme à votre mandat'. J'aurais très bien compris», assure-t-il.
Il revient aussi sur l'audit du Contrôle des finances de la Ville de Lausanne de 2017 qui a précipité sa chute et son déshonneur. «La personne qui réalise l'audit et qui le signe se trouve être l'ancienne directrice financière de MCH Beaulieu. Le conflit d'intérêts est évident, d'autant que MCH a fini par quitter le site dans un contexte conflictuel», affirme-t-il. Il précise n'avoir «jamais été auditionné directement».
Rabais de loyer fatals?
«La conclusion de son audit est qu'il manque 20 millions et, en gros, cet argent a été englouti par les sociétés mandataires que l'on a trop payées. En revanche, il n'y a pas un mot sur les vraies raisons pour lesquelles la caisse de Beaulieu avait des problèmes croissants de liquidités», regrette-t-il.
Les vraies raisons? «C'était le loyer des exploitants qui manquait en partie, et depuis des années et des années. MCH a toujours pu négocier avec le conseil de fondation des rabais de loyers en invoquant la marche des affaires, le déclin des foires commerciales, etc. Sur plus de dix ans, cela représente des millions de francs».
«C'était un choix politique que de tout faire pour conserver à Lausanne cet acteur majeur des congrès. Il n'y a pas un commentaire là-dessus, dans le rapport d'audit. Forcément, puisqu'il a été rédigé par l'ancienne directrice de MCH Beaulieu...».
Pour terminer, Marc Porchet dit s'être senti «trahi», en raison de «l'absence de soutien, fin 2017, de ceux qui ont pris ces décisions, au sein du conseil de fondation». Et d'ajouter: «parce que finalement, ce sont ces décisions-là qui ont eu des conséquences majeures sur le plan financier. Et je me serais attendu à ce que ceux qui les ont prises les assument».
Pour la suite, sur le plan civil, Marc Pochet compte sans doute réclamer des «centaines de milliers de francs» d'argent non payé et perdu. Il dit aussi attendre une «forme de réparation» publique.