En cette année d'élections fédérales et de grèves du climat, la participation politique des jeunes, rois de l'abstentionnisme, est revenue sur le devant de la scène. Les initiatives existantes ne suffiront pas à régler le problème qui exige de profonds changements.
«Nous votons sur des choses qui vont nous affecter, mais pendant les campagnes, l'impact que cela aura sur notre avenir n'est pas évident. Par exemple lors de votations sur les retraites, personne ne dit clairement aux jeunes: «Attention, si vous votez ça, cela aura telle ou telle conséquence négative»«, explique Sandro, 23 ans.
Le jeune homme avoue ne voter que lors de votations importantes pour lui. La dernière en date: le deuxième tube du tunnel routier du Gothard. A l'instar de Sandro, de nombreux jeunes ont de la peine à voir l'impact de la politique sur leur vie quotidienne. Selon le moniteur politique 2018 d'easyvote, diffusé récemment, moins de la moitié des jeunes de 15 à 25 ans interrogés estime que le Parlement prend des décisions importantes pour leur quotidien.
Système exigeant
La même étude a montré que les jeunes s'informent de moins en moins sur les questions politiques et l'actualité. Moins d'un quart (23%) s'informent quotidiennement. «Lors des votations, je ne vais pas forcément chercher des informations par moi-même», reconnaît Sandro.
Cette tendance est préoccupante, estime René Knüsel, politologue à l'Université de Lausanne. Et d'ajouter: «Avec la baisse du niveau d'information, c'est le ressort de toute démocratie qui est menacé». Il souligne toutefois que la démocratie suisse est un système exigeant: «En tant que citoyen, si on veut voter en connaissance de cause, cela demande du temps et une attention continue».
Fournir aux jeunes des informations neutres et compréhensibles à propos des votations et des élections, tel est l'un des objectifs d'easyvote, un projet de la Fédération des parlements de jeunes (FSJP) lancé il y a une dizaine d'années. Brochures et vidéos explicatives, interventions dans les classes constituent quelques-uns de leurs outils.
Application mobile et boîtes de nuit
Easyvote vient en outre de lancer l'application votenow. Disponible dans les trois langues nationales, elle vise à aider les jeunes à se prononcer sur les objets de votations. Pour ce faire, ils doivent répondre par «oui» ou «non» à une vingtaine de questions. Il y a la possibilité de passer une question ou de donner plus de poids à une réponse. Une fois le quiz terminé, le résultat s'affiche sous forme de % de «oui» et de «non».
Pour les élections fédérales d'octobre, easyvote va s'associer à smartvote, indique sa responsable Zoë Maire. Smartvote est une plateforme en ligne qui permet à l'aide d'un questionnaire de voir quel politicien est le plus proche de ses intérêts.
Pour la troisième fois, les délégués romands à l'enfance et à la jeunesse vont lancer une campagne commune environ un mois avant les élections. Intitulée «J'ai voté», elle se déroulera notamment dans une cinquantaine de boîtes de nuit, où le tampon d'entrée sera remplacé pour l'occasion par un tampon «J'ai voté».
«Il s'agit surtout de déclencher des discussions, de faire réagir les jeunes, les faire parler du sujet car les meilleurs vecteurs ce sont les pairs», explique Tanguy Ausloos, délégué à la jeunesse de la ville de Lausanne.
Citoyens de seconde zone
René Knüsel estime que ce genre d'initiatives est important et utile. Elles ne mobilisent toutefois qu'une frange déjà intéressée et interviennent trop tard, estime-t-il.
Selon le politologue lausannois, pour motiver les jeunes à voter, il faut leur montrer comment ils peuvent influencer leur environnement. Cela passe par de petites initiatives tout au long de la scolarité qui ne se contentent pas seulement de parler du fonctionnement des institutions mais incluent des expérimentations pratiques.
La question de la participation politique des jeunes renvoie au défi plus large de comment les intégrer plus rapidement comme personnes à part entière dans la société, explique M. Knüsel. Et de pointer du doigt l'entrée plus tardive et difficile sur le marché du travail. «Il existe une corrélation entre vie professionnelle et participation politique. Les gens votent plus entre 35 et 60 ans lorsqu'ils se sentent pleinement intégrés dans la vie sociale et politique», ajoute-t-il.
Des changements sont aussi nécessaires dans la manière dont les jeunes sont perçus. «On ne leur donne pas la crédibilité d'un citoyen ordinaire. Personne par exemple ne se dit qu'il va voter pour un maire de 19 ans», illustre M. Knüsel.
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