L'huile de palme La pomme de discorde de l'accord avec l'Indonésie

kd, ats

4.2.2021 - 09:39

L'accord de libre-échange entre les pays de l'AELE et l'Indonésie doit permettre aux entreprises suisses d'accéder sans entraves à un marché en pleine croissance. Malgré des garanties fixées dans le traité, la question de l'huile de palme est controversée. Les Suisses trancheront le 7 mars.

Un travailleur transporte des fruits d'huile de palme sur sa moto dans le village de Seumanahy Jaya, East Aceh. L'Indonésie est le plus grand producteur mondial d'huile de palme.
Un travailleur transporte des fruits d'huile de palme sur sa moto dans le village de Seumanahy Jaya, East Aceh. L'Indonésie est le plus grand producteur mondial d'huile de palme.
KEYSTONE

L’Association européenne de libre-échange (AELE), dont fait partie la Suisse, a signé l'accord avec l'Indonésie en 2018 au terme de huit années de négociations, devançant ainsi les Etats-Unis et l'UE. Le Parlement suisse a donné son aval un an plus tard. C'est le premier traité de ce type conclu entre Jakarta et des pays européens.

L'enjeu est de taille. Quatrième pays le plus peuplé du monde, avec 271 millions d'habitants, l'Indonésie connaît une croissance fulgurante. Elle devrait figurer parmi les quatre plus grandes économies mondiales en 2050.

Perspectives économiques

L'accord réduit les droits de douane et les obstacles au commerce pour faciliter les échanges entre la Suisse et l'Indonésie. Pour le Conseil fédéral et le Parlement, il ouvre des perspectives à l'économie helvétique, fragilisée par la crise du coronavirus.

Les principales branches exportatrices suisses devraient y gagner. Les entreprises pourront produire moins cher, renforcer leur compétitivité et éviter à leurs produits d'être discriminés en Indonésie, plaide le ministre de l'économie Guy Parmelin.

«Nous pourrons créer des emplois et maintenir notre prospérité». La Suisse ne peut pas rester à l'écart d'un marché sur lequel lorgnent ses concurrents, affirme-t-il.

Contingents

À un mois du vote, rien ne semble encore joué. Les indécis restent nombreux, même si selon les derniers sondages, le «oui» a une courte avance sur le «non». Les dispositions concernant l’huile de palme, dont l'Indonésie est le plus grand producteur mondial, ne convainquent pas tout le monde.

Pendant les négociations avec l'Indonésie, une coalition d'ONG et d'organisations paysannes s’est constituée pour que le produit soit totalement retirée du projet. Des interventions parlementaires ont également été déposées. En vain.

Le référendum a alors été lancé par le vigneron bio genevois Willy Cretegny, avec le syndicat agricole Uniterre, les Jeunes socialistes, la Grève du climat et plusieurs autres associations et partis. Le comité «Stop à l'huile de palme» a été entretemps rejoint par les Verts.

Mondialisation

Pour lui, l'accord est un exemple des méfaits de la mondialisation. Les opposants mettent notamment en avant les dommages provoqués par le produit sur l’écosystème indonésien. Ils craignent aussi la concurrence pour les produits suisses comme l’huile de colza, l’huile de tournesol ou le beurre.

Au vu des fortes réticences tant des milieux environnementaux que des milieux agricoles, le Conseil fédéral a fait des concessions et prévu des contingents sur les importations d'huile de palme bénéficiant d'une réduction des droits de douane. La baisse atteindra 20 à 40%.

Seule l'huile produite de manière durable profitera de l'accord. Les importations à tarif réduit d'huile de palme seront donc limitées et ne devraient représenter que 12'500 tonnes par an, soit 0,1% de toutes les importations d'huile de palme.

L'ordonnance d'application, actuellement en consultation, contient également des garde-fous. Pour bénéficier des taux préférentiels, les importateurs devront apporter la preuve qu'ils respectent des objectifs de durabilité. Ils devront se munir d'un certificat de traçabilité.

Danger pour l'environnement

Les contrôles et les sanctions prévus seront inefficaces, arguent les opposants. Les exigences seront difficiles à respecter par l'Indonésie. Le traité ne mettra pas fin à la destruction des forêts tropicales, aux nuisances pour la biodiversité et à la mise en danger des populations locales. Il ne donne aucune garantie sur la durabilité, les règles n'étant pas suffisamment contraignantes.

Au contraire, l'accord offre des opportunités et des améliorations dans le domaine du développement durable, répondent les partisans. Il définit des règles pour un commerce respectueux de l’être humain et de l’environnement. C'est la première fois qu'un accord commercial est liée à des conditions de durabilité, affirment-ils.

Accord «exemplaire»

Plusieurs organisations qui avaient plaidé pour le retrait de l'huile de palme, comme la FRC, Greenpeace, Public Eye ou Alliance Sud ne participent pas à la campagne, saluant les avancées sur l'environnement et les droits de l'homme. Le PS, qui a voté contre au Parlement, soutient désormais le traité. L'Union des suisses des paysans y est aussi favorable.

Ce qui conforte les partisans de cet accord «de nouvelle génération». «Economie et durabilité ne sont pas incompatibles», avance Guy Parmelin.

En cas de «oui» le 7 mars, l'accord pourra entrer en vigueur trois mois après la ratification du texte par le dernier contractant. L'ordonnance d'application est en consultation jusqu'au 1er avril.

Retour à la page d'accueil