Malgré les incertitudes L'intégration des Ukrainiens en Suisse progresse

dv, ats

23.2.2024 - 08:30

Deux ans après le début de la guerre d'agression russe contre l'Ukraine, la situation des personnes qui ont fui en Suisse reste marquée par de nombreuses incertitudes. Malgré cela, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) sont unanimes: les mesures d'intégration sont efficaces.

Aussi bien le SEM que l'OSAR soulignent l'importance des connaissances linguistiques dans la recherche d'un emploi. L'année dernière, la Confédération a consacré 70% des fonds destinés à la promotion de l'intégration à des cours de langues. (image d'illustration)
Aussi bien le SEM que l'OSAR soulignent l'importance des connaissances linguistiques dans la recherche d'un emploi. L'année dernière, la Confédération a consacré 70% des fonds destinés à la promotion de l'intégration à des cours de langues. (image d'illustration)
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Keystone-SDA, dv, ats

Depuis le début de la guerre en février 2022, un tiers de la population ukrainienne est en fuite, écrivait en janvier le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

Selon lui, environ 3,7 millions de personnes sont en fuite à l'intérieur de l'Ukraine tandis que quelque 6,3 millions ont fui à l'étranger, principalement dans les pays européens (5,9 millions).

Nombreuses demandes attendues

Les effets se font sentir également en Suisse: environ 86'000 personnes ont jusqu'à présent déposé une demande d'octroi du statut de protection S. Le 16 février, le SEM a annoncé que ce statut était actif pour quelque 65'000 personnes tandis que pour 21'000 autres, il avait pris fin.

Interrogée par Keystone-ATS, Magdalena Rast, porte-parole du SEM, a indiqué que le nombre de personnes qui avaient quitté la Suisse ces derniers mois était à peu près équivalent à celui des nouveaux arrivants. Et d'ajouter que, cette année encore, on s'attend à un grand nombre de demandes de ce type.

La Confédération anticipe environ 25'000 demandes d'octroi du statut S pour l'année en cours – pour autant que la situation militaire en Ukraine ne change pas de manière significative. La marge de fluctuation devrait donc se situer entre 20'000 et 30'000 demandes.

Statut S, une nouveauté

Le Conseil fédéral a décidé en mars 2022 d'activer le statut S pour les Ukrainiens, pour la première fois depuis sa création à la suite des guerres de Yougoslavie dans les années 1990.

Ce statut accorde un droit de séjour sans procédure d'asile aux personnes ayant fui la guerre d'agression contre l'Ukraine. Les adultes peuvent commencer à travailler immédiatement.

L'évolution de l'intégration des Ukrainiens sur le marché du travail en Suisse est jusqu'à présent positive, a indiqué le SEM à Keystone-ATS. On constate une augmentation continue.

Le taux d'activité se situe désormais à près de 22%. «On constate également que le taux augmente avec la durée du séjour», souligne Eliane Engeler de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés. Le taux d'activité des personnes arrivées en mars 2022 – peu après le début de la guerre – était de 27% en février. Il se situait à 12% parmi les personnes arrivées en janvier 2023.

Le taux d'emploi varie toutefois fortement entre les cantons. A Genève, il est de 9,7% alors qu'à Berne il atteint 23,4% et en Argovie 29,5%, selon la plateforme asile.ch. Le Conseil fédéral aimerait que 40% des réfugiés ukrainiens travaillent d'ici à la fin 2024.

Difficultés des mères

De nombreux réfugiés continuent toutefois de travailler dans des secteurs où les salaires sont bas et n'ont pas encore d'emploi correspondant à leurs qualifications, nuance Mme Engeler. La porte-parole du SEM, Mme Rast, fait remarquer qu'environ deux tiers des personnes en fuite sont des femmes, dont beaucoup ont des enfants. Elles doivent faire face à des obstacles supplémentaires, par exemple parce qu'elles doivent organiser la garde de leurs enfants.

Aussi bien le SEM que l'OSAR soulignent l'importance des connaissances linguistiques dans la recherche d'un emploi. L'année dernière, la Confédération a consacré 70% des fonds destinés à la promotion de l'intégration à des cours de langues.

La participation à de tels cours a doublé entre fin 2022 et le printemps 2023, selon le SEM. Entre-temps, de nombreuses offres supplémentaires ont vu le jour, salue Mme Engeler. Et de relever qu'un des défis restait de trouver des places en garderie pour les enfants des mères concernées.

Incertitude pesante

L'incertitude liée au statut S contribue aussi à freiner l'intégration des Ukrainiens au marché du travail du fait de son caractère provisoire, a souligné Amélie Cittadini, responsable des statuts S à l'Hospice général à Genève, lors d'un point de presse de la plateforme asile.ch qui tirait le bilan de deux ans de ce permis avec le Pôle de recherche national consacré aux études sur la migration. Une clarification de leur statut permettrait aux réfugiés ukrainiens de se projeter à long terme en Suisse, selon elle.

Le Conseil fédéral ne prévoit pas de lever le statut S avant mars 2025. Pour la professeure de droit à l'Université de Neuchâtel Cesla Amarelle, le gouvernement serait bien inspiré de ne pas trop attendre. Dans son plan provisoire de mise en œuvre de la levée du statut S, la Confédération part de l'idée que sur les 70'000 bénéficiaires de ce permis, 14'000 devraient être renvoyées sous contrainte. Un nombre sous-évalué, selon elle.

Une des pistes évoquées pour la suite est d'octroyer le permis F aux Ukrainiens. Cela suscite des inquiétudes car ce statut ne permet pas une bonne intégration, rappelle Mme Amarelle.

A l'incertitude de leur statut se superpose l'insécurité qui règne en Ukraine. Selon un sondage réalisé pour le compte du HCR au printemps 2023, 30% des quelque 1000 personnes interrogées ont indiqué qu'elles espéraient pouvoir retourner un jour en Ukraine. Cependant, seuls 2% des sondés prévoyaient un retour dans les trois mois. Deux personnes sur cinq n'avaient pas encore pris de décision quant à un futur retour tandis que 27% indiquaient n'avoir aucun espoir de retour.

Pour l'OSAR, il s'agit donc d'offrir des perspectives à ces personnes. Même en cas de retour ultérieur, les mesures d'intégration auront un impact positif, estime l'association.