Grand conseil valaisanL'élection à huis clos de 2021 constitue un «dangereux précédent»
zd, ats
29.12.2022 - 10:17
La décision d'élire le procureur général du Valais à huis clos en 2021 constitue «un dangereux précédent» pour la démocratie. Le préposé à la protection des données et à la transparence émet sept recommandations pour qu'une telle situation «ne se reproduise jamais».
29.12.2022, 10:17
29.12.2022, 11:41
ATS
Pour Sébastien Fanti, la décision de huis clos «a porté atteinte aux droits des citoyennes et citoyens du canton du Valais, aux droits des journalistes, au droit à l’information, ainsi qu’aux droits de la personnalité du procureur général qui doit subir une perte de crédibilité notable et durable dans son activité quotidienne». Elle engage clairement la responsabilité du canton du Valais, ajoute celui dont le mandat se termine avec 2022.
Le 5 mai 2021, le Grand Conseil valaisan n'avait pas voulu discuter de la réélection du procureur général du Valais Nicolas Dubuis en public et avait débattu de l'élection du bureau du Ministère public à huis clos. Les personnes non assermentées, dont les journalistes avaient été priées de quitter la salle et la diffusion de la session en ligne, coupée.
Seul le groupe du Centre du Haut-Valais (ex-PDC) avait pris la parole pour qualifier cette procédure «d'indigne de notre parlement». Au final, les cinq magistrats du bureau du ministère public avaient été réélus. Quatre tacitement et le procureur général par 64 voix contre 59 lors d'un deuxième tour.
«Bérézina démocratique»
«Une telle décision, qui s’apparente à de la censure, ne doit jamais se reproduire, dans un contexte de faits similaire», insiste Sébastien Fanti dans un communiqué diffusé jeudi. Pour éviter ce qu'il qualifie de «bérézina démocratique», le préposé émet sept recommandations à l'intention du Grand Conseil.
Il invite notamment les députés à mieux définir dans la loi sur l'information, la protection des données et l'archivage (LIPDA) les intérêts privés et publics prépondérants qui peuvent justifier le prononcé d’un huis clos. Il recommande aussi d'informer suffisamment tôt les députés, les journalistes ainsi que la personne concernée, en cas de vote du huis clos et de publier la décision dans le Bulletin officiel qui suivra la session avec indication des éventuelles voies de droit.
Par ailleurs, il demande au Grand Conseil de vérifier qu'aucun enregistrement de la séance n'existe et si, «par extraordinaire», un tel document sonore devait exister, le préposé recommande «de le rendre public immédiatement».
Sur son règlement
Le huis clos avait suscité incompréhension et critiques. Outre, Sébastien Fanti, il avait fait bondir Impressum et l'Association de la presse valaisanne. Un recours avait été déposé le 10 mai 2021 au tribunal fédéral par l'avocat Stéphane Riand et le député Jérôme Desmeules (UDC); il avait été jugé irrecevable par le TF en septembre.
Le Parlement cantonal avait justifié le huis clos en se basant sur son règlement. Ce dernier spécifie que «le huis clos peut être demandé par le bureau, par le Conseil d'Etat ou par dix députés lorsque la protection d'intérêts importants de l'Etat ou des motifs inhérents à la protection de la personnalité le justifient». Ont notamment été publiquement invoqués des motifs comme la protection de la personnalité du candidat, la peur ou des pressions exercées sur les députés, rapporte le préposé.
Jeudi, Sébastien Fanti rappelle que les garde-fous nécessaires existent pour que le débat en plénum se fasse de manière respectueuse. Quant à la peur, ajoute-t-il, elle «ne constitue pas un intérêt privé ou public prépondérant. Pas plus que la pression prétendument exercée, respectivement subie».
Commission de justice
Après la polémique suscitée par la décision du parlement, Le Centre a proposé en novembre 2021 une résolution pour abolir le huis clos et adapter le règlement du Grand Conseil. La proposition a été classée dans la foulée par 73 voix contre 55 et 1 abstention.
Dans le document publié en cette fin d'année, Sébastien Fanti écrit aussi que la Commission de justice du Grand Conseil a annoncé vouloir se saisir du dossier lors de sa prochaine séance en janvier 2023. Et, a fortiori, vouloir également rendre un rapport au printemps.