JusticeL'Ukraine accélère la compétence universelle en Suisse selon Trial
sn, ats
12.10.2022 - 10:01
Les crimes en Ukraine changent la donne pour les efforts en Suisse sur la compétence universelle, selon TRIAL International. Alors que l'ONG genevoise fête ses 20 ans, elle appelle à élargir cette volonté à toutes les violations observées sur la scène internationale.
sn, ats
12.10.2022, 10:01
ATS
Le Ministère public de la Confédération (MPC) avait annoncé le lancement d'une cellule spéciale pour les crimes perpétrés en Ukraine. L'objectif est de poursuivre tout responsable dont la présence en Suisse pourrait être avérée.
Cette affaire ukrainienne a accéléré la situation en Suisse. «Evidemment», a glissé à quelques journalistes le directeur exécutif de TRIAL Philip Grant qui regrette qu'il ait fallu attendre aussi longtemps. Régulièrement ciblée par des comités onusiens parce que le crime de torture n'est pas formellement reconnu dans son droit pénal, la Suisse estimait que ses instruments juridiques suffisaient sur cette question.
Depuis l'Ukraine, une initiative parlementaire a soudainement réglé cette question. De même, une motion est en discussion sur le crime d'agression. Cette guerre «a fait comprendre que l'ordre juridique international est en danger et qu'il faut le renforcer», estime M. Grant.
Davantage de moyens sont alloués, mais il faut éviter de les mettre seulement sur l'Ukraine, au détriment des crimes perpétrés dans d'autres pays. «Ce serait problématique», ajoute le co-fondateur de TRIAL, devenue TRIAL International il y a quelques années.
Satisfait par les annonces de Blättler
L'ONG explore quelle pourrait être sa contribution sur l'Ukraine, peut-être sur les dossiers extraterritoriaux ou sur le soutien aux acteurs locaux pour aboutir à des poursuites contre les responsables de crimes internationaux. «Nous n'aurons pas un rôle massif», estime le directeur exécutif.
M. Grant est aussi plutôt satisfait des engagements pris par le nouveau procureur général de la Confédération Stefan Blättler pour renvoyer en jugement des affaires liées à la compétence universelle. «Le dialogue avec les ONG est meilleur, il y a du changement», selon lui. «Mais nous attendons des actes», d'autant plus que certains dossiers durent depuis plus de dix ans.
Actuellement, TRIAL International oeuvre sur six affaires ouvertes par le MPC, dont trois liées à des pillages de ressources naturelles en Libye, en Gambie et en République démocratique du Congo (RDC). Autre dossier, le procès de l'ancien ministre algérien de la défense Khaled Nezzar pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre pourrait avoir lieu prochainement. L'acte d'accusation contre l'ex-ministre gambien de l'Intérieur Ousman Sonkho, détenu depuis plus de cinq ans en Suisse, pourrait ne plus tarder.
En revanche, la fuite en 2021 en Syrie depuis la France de l'ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad, sous investigation pour crimes de guerre, laisse un goût amer à M. Grant. «Il était venu à plusieurs reprises en Suisse et aurait pu être arrêté. Le signal lancé en pleine guerre civile aurait pu être énorme».
Crimes environnementaux et unités spéciales
En 20 ans, la compétence universelle a toutefois avancé. TRIAL a obtenu en 2011 que la seule présence en Suisse d'un suspect suffise pour ouvrir une procédure. Plus largement, les investigations dans d'autres pays sont passées de gros bonnets comme l'ancien dictateur chilien et de plaintes parfois irréalistes à des cas qui ciblaient des responsables directes d'actes criminels.
Malgré parfois une certaine frustration, M. Grant n'en perd pas sa volonté de faire avancer la justice internationale. Les juridictions «s'occupent de plus en plus de crimes plus anciens mais il faut éviter que la justice ait trop de retard après les conflits». Et «que les procès sur l'Ukraine attendent 2050».
En 20 ans, TRIAL International a aussi beaucoup changé. Elle a notamment accompagné des dizaines de procès en RDC, où elle forme des avocats. Pour l'avenir, l'ONG souhaite que les crimes environnementaux dans les conflits puissent être jugés sous la compétence universelle. Et que les pays qui ne l'ont pas fait établissent des unités spéciales pour poursuivre les crimes internationaux.
Et pour célébrer l'anniversaire de TRIAL, une exposition a lieu jusqu'à dimanche à Genève. Le logo de l'organisation a été décliné en plusieurs oeuvres associés à des défenseurs de la justice internationale. Les ventes de celle-ci seront reversées à l'ONG.