L'Union syndicale suisse (USS) veut en finir avec la désolidarisation de la société et une trop longue parenthèse néolibérale. Elle veut passer à l'offensive en 2020 pour ouvrir une nouvelle ère de solidarité, en lançant en mars une initiative pour une 13e rente AVS.
L'USS compte aussi mener cet automne une campagne nationale sur les salaires touchant toutes les branches. Autre contre-attaque: la faîtière syndicale s'engagera, à travers le compromis trouvé sur la LPP par les partenaires sociaux, pour une amélioration des rentes des femmes, des personnes travaillant à temps partiel et des bas revenus.
A l'occasion de sa conférence de presse annuelle, l'organisation a présenté les résultats d'une analyse qui démontre que «l'orientation économiquement toujours plus libérale de la politique sociale et économique de ces 30 dernières années a entraîné une désolidarisation en Suisse».
«Il y a un besoin de renouveler les mécanismes de solidarité. En 2020, nous voulons fermer cette longue parenthèse néolibérale», a déclaré jeudi à Berne le président de l'USS, Pierre-Yves Maillard. «La politique économique et sociale doit profiter à toute la population», a-t-il affirmé.
La Suisse évite le pire
Ce renouveau de la solidarité est la condition préalable à tous les projets futurs – des pensions au changement climatique, de la question européenne aux salaires – et la condition préalable à l'avenir de la démocratie, a-t-il ajouté. «Il n'est pas surprenant que beaucoup de gens se sentent aujourd'hui abandonnés ou laissés pour compte «, a déclaré de son côté Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS en présentant l'étude.
Grâce aux offensives menées par les syndicats sur les conventions collectives de travail et les salaires minimaux, mais grâce aussi aux luttes défensives conduites avec succès dans la prévoyance vieillesse, contrairement à d'autres pays, il a été possible d’éviter le pire dans la nôtre, selon les responsables de l'USS.
Mais la présidente du syndicat Unia Vania Alleva a mis en garde: «Malgré des succès importants ces dernières années, les conventions collectives sont aujourd'hui en grand danger, alors qu'elles sont des institutions centrales et incontournables de la solidarité au sein des branches». Elle a plaidé pour «une solidarité institutionnelle» au détriment d'une «concurrence sauvage».
Pour Mme Alleva, cela signifie «davantage de CCT de force obligatoire et de meilleure qualité, des salaires minimums contraignants dans tous les domaines, des mesures d’accompagnement et des contrôles plus efficaces».
Ubérisation de l'économie
L'USS a pointé plusieurs exemples du doigt dans son analyse de la détérioration de la solidarité, notamment l'externalisation des services qui fait clairement partie des évolutions les plus négatives.
Il y a 30 ans, le ou la concierge, le personnel de nettoyage ou les agents de sécurité étaient présents au repas de Noël d'une grande société. Aujourd'hui, ce n'est plus guère le cas parce que les entreprises ont confié nombre d’activités à des sous-traitants, a rappelé M. Lampart. Conséquences: un creusement des écarts salariaux et un renforcement du cloisonnement de la société.
L'USS dénonce aussi l'augmentation «significative» du travail temporaire. Depuis le milieu des années 1990, il a été multiplié par cinq, montre son étude. Les syndicats voient également de nouveaux dangers dans «l'économie de plate-forme», de type Uber, où «les employés sont exploités en tant qu'indépendants, avec le risque toujours plus grand de glisser dans une indépendance fictive».
Privatisation de la prévoyance vieillesse
Et dans le même temps, déplore M. Lampart, les salaires les plus élevés ont atteint des niveaux que presque personne n'avait cru possibles. Or la charge fiscale sur les revenus les plus élevés a fortement diminué, tandis que les prestations de chômage et d'invalidité ont été réduites.
Dans la prévoyance vieillesse aussi, la solidarité s'érode, constate l'USS. La baisse des rentes du 2e pilier est censée être compensée dans le 3e pilier, via une prévoyance individuelle privée. «Cette évolution aboutit à une privatisation partielle rampante de la prévoyance vieillesse, dont les banques et les assurances sont les principaux bénéficiaires», s'inquiètent les syndicats.
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