La lumière va-t-elle bientôt s’éteindre ? Ce que vous devez savoir sur l’approvisionnement en électricité suisse

Pascal Salina

20.4.2022

La guerre en Ukraine a des répercussions massives sur le marché européen de l’électricité. Tu découvriras ici pourquoi, ce que cela signifie pour nous et pourquoi la Suisse a des conditions différentes de celles des pays voisins.

L’énergie hydraulique est essentielle pour l’approvisionnement en électricité suisse : le barrage de la Grande Dixance, haut de 285 mètres.
L’énergie hydraulique est essentielle pour l’approvisionnement en électricité suisse : le barrage de la Grande Dixance, haut de 285 mètres.
Bild: Adobe Stock: michaklootwijk

Pascal Salina

20.4.2022

Notre électricité est produite de différentes manières : qu’il s’agisse de lacs de barrage, de centrales au fil de l’eau, de réacteurs nucléaires, d’éoliennes ou de panneaux solaires, l’électricité produite est acheminée vers les consommateurs et consommatrices via le réseau de distribution.

Ce mix d’électricité, c’est-à-dire du courant provenant de différentes sources, fait actuellement l’objet de vives discussions. En effet, à l’avenir, les énergies renouvelables remplaceront de plus en plus souvent les centrales fossiles. En Europe, la combustion de gaz naturel et de charbon produit encore beaucoup d’électricité.

Avec la guerre en Ukraine, le prix du gaz naturel a fortement augmenté. Comme la matière première provient en grande partie de Russie, l’approvisionnement futur en gaz de l’Europe est incertain. L’UE veut maintenant se libérer rapidement de cette dépendance.

Mais qu’en est-il en Suisse ? Dans quelle mesure l’approvisionnement en électricité de la Suisse dépend-il des sources d’énergie fossiles ? Et dans quelle mesure notre propre production d’électricité est-elle déjà durable ?

Voici les principales réponses aux questions sur l’électricité suisse :

Quelle est la part d’électricité produite au gaz naturel dans le mix électrique suisse ?

Très faible.

Le mix électrique suisse est déjà composé pour les trois quarts d’énergies renouvelables. Ce taux élevé s’explique par le fait que la Suisse est un haut lieu de l’eau : Les deux tiers de notre mix d’électricité proviennent de centrales électriques de lacs de barrage et de rivières. L’éolien, la petite hydraulique ou la biomasse représentent ensemble 10 % supplémentaires.

Les combustibles fossiles comme le gaz naturel ne représentent que 2 % de notre mix électrique. C’est cette production d’électricité « thermique » qui pèse le plus sur le climat et n’est pas renouvelable – et donc non durable.

Mais, un cinquième de notre électricité provient encore de centrales nucléaires. Celles-ci sont certes climatiquement neutres, mais l’uranium dont elles ont besoin n’est pas un matériau renouvelable. En outre, des déchets radioactifs sont produits après le traitement et leur stockage définitif n’a pas encore été clarifié.

La guerre en Ukraine renchérit-elle aussi l’électricité suisse ?

Oui.

En fonction de l’endroit où votre fournisseur d’électricité se procure, cela peut vous coûter cher. Dans le canton d’Argovie, on s’attend à une hausse des prix de 10 à 30 % à partir de 2023, soit 100 à 300 francs par an en raison de la crise.

La hausse des prix de l’électricité était déjà prévisible avant la guerre en Ukraine. L’attaque russe de l’État voisin a aggravé cette situation.

La hausse des prix du pétrole et du gaz a des répercussions tardives sur le marché de l’électricité. En janvier 2021, un mégawatt-heure coûtait encore 50 francs, contre 200 aujourd’hui.

Notre approvisionnement en électricité est-il indépendant de l’étranger ?

Non.

La Suisse est raccordée au réseau électrique européen et négocie de l’électricité avec l’étranger, et ce, de manière assez intense : Aucun autre pays n’est physiquement aussi fortement intégré au réseau interconnecté que la Suisse. C’est pourquoi nous dépendons aussi des fluctuations de prix du marché européen de l’électricité.

Le « mix de production », c’est-à-dire la quantité et le type d’électricité produite, ne correspond pas au « mix de livraison », c’est-à-dire à l’énergie qui provient de la prise électrique. Les centrales nucléaires pèsent plus lourd dans la production : 35 % de l’électricité produite en Suisse proviennent de nos quatre centrales nucléaires. Le mix de production présente donc une part d’énergie renouvelable inférieure à celle du mix de livraison.

Depuis 2018, la déclaration complète est en vigueur en Suisse. Autrement dit : L’origine du courant doit être clairement visible. Pour sa propre consommation, la Suisse importe presque exclusivement de l’électricité issue de sources renouvelables ou d’origine nucléaire. Les garanties d’origine garantissent que pratiquement aucune électricité « grise », c’est-à-dire aucune électricité dont l’origine n’est pas claire, ne circule dans notre système.

La Suisse affiche un excédent d’électricité en été ; en hiver, lorsque les lacs de barrage se vident lentement, il y a un déficit. Au final, la Suisse a exporté plus d’électricité qu’elle n’en a importé en 2020.

Le mix électrique suisse est-il durable en comparaison internationale ?

Oui.

À l’échelle européenne, la production d’électricité fossile domine encore : Environ deux cinquièmes du mix électrique européen proviennent de la combustion de charbon et de gaz naturel. Seulement 22 % de l’électricité de l’UE proviennent de sources renouvelables. Pour mémoire : en Suisse, ce chiffre est de trois quarts !

La Suisse est également bien positionnée par rapport à nos voisins directs. La France est un pays nucléaire : Près de 70 % de l’électricité produite sont produits par des centrales nucléaires. Toutefois, le mix électrique français ne contient « que » 39 % d’énergie nucléaire. L’excédent est vendu à l’étranger, notamment en Suisse. La France est le premier exportateur net d’énergie électrique en Europe.

En Allemagne, la situation est très différente : Notre voisin du nord tirait encore en 2021 40 % (!) de son électricité de sources fossiles : 20 % étaient produits par des centrales au lignite, 10 % par la combustion de houille et 10 % par des centrales au gaz naturel. La part des énergies renouvelables s’élève à 46 %, l’énergie éolienne étant particulièrement importante.

Mais l’Allemagne a reconnu la nécessité d’agir. La sortie du charbon est prévue pour 2038, le pays devra être climatiquement neutre d’ici 2045.

En matière de sources d’électricité durables, l’Autriche est aussi bien positionnée que la Suisse : le pays ne possède pas de centrales nucléaires et son mix électrique est composé à environ trois quarts d’énergies renouvelables. Mais comme l’énergie nucléaire disparaît, les combustibles fossiles comblent la lacune restante.

Puis-je acheter du courant purement écologique pour mon foyer ?

C’est compliqué.

Les fournisseurs d’électricité proposent désormais différents produits : outre un mix d’électricité standard, il existe des produits provenant exclusivement de sources durables, de l’électricité produite localement ou des produits particulièrement bon marché composés d’énergie nucléaire.

Mais le courant de la prise provient du même mélange que celui des autres. Vous ne pouvez pas décider comment l’électricité qui recharge votre téléphone a été produite. En ce qui concerne l’électricité, il n’y a pas non plus de différence de qualité. Selon les fournisseurs, le supplément de prix dû aux produits écologiques est investi dans la production d’électricité durable. Ainsi, le mix électrique évolue à long terme et la part des sources renouvelables augmente.

Dans certaines communes, le mix électrique standard est déjà entièrement composé d’énergies renouvelables. Peut-être que tu t’approvisionnes déjà en électricité durable. Sur la carte interactive du paysage électrique suisse, tu peux vérifier le mix électrique de ta commune d’origine.

Existe-t-il une menace de pénurie d’électricité et de blackout ?

Une pénurie d’électricité est possible, le risque de blackout est faible.

Il faut faire la distinction entre une pénurie d’électricité et le blackout. Une pénurie d’électricité prévaut lorsqu’il y a trop peu d’électricité disponible sur une période prolongée. Selon un rapport de la Confédération, de tels défauts pourraient survenir chaque hiver à partir de 2025.

C’est pourquoi le Conseil fédéral a réagi tout récemment avec un plan d’urgence, qui devrait être mis en œuvre dès l’hiver 2022/23 : les centrales au gaz doivent permettre de compenser rapidement un approvisionnement insuffisant du réseau. L’objectif est de combler le temps nécessaire pour que des solutions durables puissent garantir l’approvisionnement en électricité.

En revanche, il peut toujours y avoir des blackouts : une panne majeure dans une centrale électrique importante, une catastrophe naturelle ou une cyberattaque peuvent paralyser l’approvisionnement en électricité d’une vaste zone. Dans ce cas, on parle de « blackout ». Le risque d’un black-out reste toutefois faible.

Est-ce que si le mix électrique est bon, tout va bien ?

Non.

Un mix d’électricité durable est bon, mais la consommation d’électricité n’est pas la seule grandeur en matière d’énergie. Le chauffage et l’eau chaude sont responsables d’environ 80 % de la consommation totale d’énergie des ménages suisses. Et c’est précisément dans ce domaine qu’il y a un retard à rattraper.

Deux appartements sur cinq sont chauffés au mazout, un sur cinq au gaz. Et pour beaucoup, l’eau chaude est traitée par combustion de pétrole (26 %) et de gaz (16 %).

Le gaz naturel est certes plus respectueux de l’environnement qu’un chauffage au mazout, mais les deux ne sont pas neutres pour le climat. Par ailleurs, le pétrole et le gaz naturel sont des ressources limitées. Nous ne pourrons donc pas éviter un changement à moyen terme.

L’alternative écologique est la pompe à chaleur : par rapport à un chauffage au mazout, les émissions annuelles de CO2 sont divisées par dix.

Notre consommation d’électricité aura toutefois plutôt tendance à augmenter à l’avenir. Prenons l’exemple de la mobilité qui sera à l’avenir propulsée à l’électricité plutôt qu’à l’essence et au diesel. Il est donc d’autant plus important de limiter autant que possible la consommation d’électricité à d’autres endroits, par exemple avec des appareils économes en énergie ou des aides numériques intelligentes pour économiser de l’énergie. Tu trouveras d’autres conseils ici.


Exemple de Swisscom : consommation élevée d’électricité renouvelable

En raison de l’exploitation du réseau téléphonique et des serveurs Internet, Swisscom fait partie des 10 premiers consommateurs d’électricité de Suisse. Depuis plus de dix ans, l’entreprise de télécommunications achète cette énergie exclusivement à partir de sources renouvelables.

En outre, l’entreprise utilise les surfaces dont elle dispose pour produire sa propre électricité. Swisscom exploite 87 installations solaires sur des bâtiments d’exploitation et commerciaux dans toute la Suisse et en prévoit actuellement une autre sur la tour d’émission du Bantiger dans le canton de Berne.

Mais le réseau n’est pas tout ce qui consomme de l’électricité : Outre l’exploitation climatiquement neutre du réseau électrique, Swisscom a récemment annoncé que toutes les émissions de gaz à effet de serre générées lors de l’installation et du transport seraient compensées.


Blog Durabilité
En charge de la gestion environnementale de Swisscom, du courant écologique, des thèmes liés au climat.

Les collaborateurs et les experts de Swisscom vous donnent des informations actuelles sur un mode de vie durable et sur l’utilisation compétente des nouveaux médias. Le portail «blue News» est une unité d’entreprise de Swisscom (Suisse) SA.