ClimatLe Conseil fédéral refuse l'impôt sur les grosses successions
kigo, ats
13.12.2024 - 14:00
Les grosses fortunes ne doivent pas être davantage taxées pour financer des mesures climatiques. Le Conseil fédéral a rejeté vendredi l'initiative de la Jeunesse socialiste demandant un impôt de 50% sur les successions et les donations à partir d'un montant exonéré de 50 millions de francs.
L'initiative pour l'avenir a été déposée en février par la Jeunesse socialiste (archives).
ATS
Keystone-SDA, kigo, ats
13.12.2024, 14:00
13.12.2024, 16:34
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En Suisse, il y a environ 2500 personnes qui possèdent une fortune de plus de 50 millions de francs, soit une fortune totale de quelque 500 milliards de francs, a précisé la ministre des finances Karin Keller-Sutter devant les médias à Berne. Actuellement, 1% des contribuables paient près de 40% de l’impôt fédéral direct, soit plus de 5 milliards de francs.
Ces personnes apportent aujourd'hui une contribution importante aux recettes fiscales, a-t-elle continué. Avec l'adoption de l'initiative, le produit de l’impôt proposé pourrait théoriquement s’élever à plus de 4 milliards de francs.
Le comité de l'initiative populaire «Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement» (initiative pour l'avenir) table même sur environ six milliards de francs par an. Le produit de cet impôt reviendrait pour deux tiers à la Confédération et pour un tiers aux cantons.
Comportement des contribuables
Mais le Conseil fédéral conteste cette vision. L'initiative pourrait au contraire entraîner une diminution des recettes fiscales pour la Confédération, les cantons et les communes. Car elle rendrait la Suisse moins attrayante pour les personnes fortunées.
La directrice de l'Administration fédérale des contributions (AFC) Tamara Pfammater craint que cet impôt modifie le comportement des contribuables concernés. La réaction la plus probable serait qu'ils déménagent hors de Suisse ou renoncent à s'y installer.
Dans un scénario modéré, l'Etat enregistrerait des recettes supplémentaires entre 500 millions et 1,1 milliard de francs. Toutefois, il serait privé de 1,3 à 1,7 milliard d'impôts existants. «Les pertes en cas de départs pourraient être plus élevées que les recettes supplémentaires générées grâce à l'initiative», selon Mme Pfammater.
Mauvaises incitations
Karin Keller-Sutter a aussi évoqué la politique climatique actuelle de la Confédération. La Suisse s'engage déjà, a-t-elle dit, rappelant notamment la loi sur la protection du climat, qui met en oeuvre l'objectif de réduction de moitié des émissions de CO2 d'ici 2030 et le zéro net d'ici 2050.
Elle a refusé l'exigence de l'initiative d'employer la totalité des recettes de l'impôt pour financer des mesures climatiques, «sans tenir compte des besoins réels». L'Etat risquerait d'engager des dépenses inefficaces et inutiles et il faudrait s'attendre à des effets d'aubaine importants.
Le texte mènerait également à de mauvaises incitations. En ne se concentrant que sur les plus fortunés, il affaiblit le principe du pollueur-payeur. La population serait en outre moins incitée à adopter un comportement favorable au climat.
Insécurité juridique
Le texte créerait encore de l'insécurité juridique. Afin de prévenir la fuite des grosses fortunes, il demande que l'impôt soit perçu à partir de la date de la votation pour les successions et donations effectivement versées après la votation. Or, selon le droit suisse, les dispositions d'exécution ne peuvent s'appliquer qu'à partir de la date de leur entrée en vigueur.
Mme Keller-Sutter a encore estimé que l'initiative porte atteinte à la liberté individuelle des personnes. Celles-ci peuvent choisir de quitter le pays pour d'autres raisons que d'éviter l’imposition, a-t-elle relevé, citant des raisons familiales ou professionnelles.
La ministre a enfin avancé que le fédéralisme s'en trouverait touché, l'initiative empiétant sur la compétence des cantons. Vingt-quatre d'entre eux imposent déjà les successions.
Pour toutes ces raisons, le gouvernement ne propose pas de contre-projet à l'initiative. Le texte a été déposé en février dernier.