Politique Les principaux points de friction de l’accord avec l’UE

de Julia Käser

10.10.2020

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga: quel avenir pour l’accord-cadre institutionnel?
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga: quel avenir pour l’accord-cadre institutionnel?
Keystone

Après le «Non» à l’initiative de limitation, l’accord-cadre européen fait désormais l’objet de querelles. En Suisse, les critiques persistent autour du projet d’accord – mais l’UE ne veut plus négocier. Voici une vue d’ensemble.

Le «Non» catégorique à l’initiative de limitation est un «Oui» clair à la voie bilatérale avec l’UE. Mais le Conseil fédéral n’a guère le temps de souffler, car l’accord-cadre institutionnel avec l’UE (ACI) est désormais revenu au premier rang de ses priorités. Voici les principaux points en un coup d’œil.

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A quels défis le Conseil fédéral est-il confronté?

Comme l’idée était d’attendre l’issue de la votation sur l’initiative de limitation, on s’est dernièrement gardé de formuler des revendications du côté de l’UE. On peut supposer que ce délai de grâce est maintenant révolu. Le Conseil fédéral entend reprendre sous peu les négociations avec l’UE – mais pour l’UE, elles sont déjà closes, comme l’a laissé transparaître la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Néanmoins, du côté du gouvernement, les pressions autour de l’ACI ne viennent pas que de la Commission européenne, puisqu’il est également confronté à de nombreuses revendications internes. Des voix critiques s’élèvent à droite comme à gauche. Il est nécessaire d’apporter des éclaircissements en particulier pour ce qui est de la protection salariale, mais aussi sur les questions des aides d’Etat et de la directive relative au droit des citoyens de l’Union.

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Quid de la protection salariale?

Dans le cadre de l’accord scellé avec l’Union européenne sur la libre circulation des personnes, des mesures d’accompagnement ont été introduites en 2004. Celles-ci visent à garantir le respect des conditions minimales de travail et de rémunération. Entre autres choses, l’UE n’apprécie pas la règle des huit jours qui oblige les sociétés étrangères à s’enregistrer en Suisse au moins huit jours avant le début de l’activité. Cela empêcherait les salaires suisses de tomber au niveau européen.

L’UE demande à la Suisse d’adopter ses lignes directrices en matière de protection salariale, ce à quoi s’opposent avec véhémence les syndicats suisses, en particulier. Cependant, le PS a également précisé d’emblée que le niveau de rémunération en vigueur en Suisse devait être maintenu, avec ou sans accord-cadre.

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En quoi consiste réellement la directive relative au droit des citoyens de l’Union?

La directive relative au droit des citoyens de l’Union régit les droits d’entrée, de sortie et de séjour des citoyens de l’UE. Bien qu’elle ne soit pas mentionnée dans le projet d’accord, elle est devenue un point de discorde central. En effet, l’UE n’a pas caché par le passé qu’elle attendait de la Suisse qu’elle adopte cette directive. Le Conseil fédéral s’y est toujours opposé.

La libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE est régie par l’accord sur la libre circulation des personnes conclu en 1999. Cet accord ne va pas aussi loin que la directive relative au droit des citoyens de l’Union à plusieurs égards, comme par exemple pour ce qui est du droit à l’égalité de traitement pour les personnes sans activité lucrative. Divers partis n’apprécient pas l’idée que les citoyens de l’UE aient droit à des aides sociales en Suisse. La présidente du PLR Petra Gössi formule une mise en garde dans la «NZZ»: «Personne ne veut qu’une immigration directe dans le système d’aide sociale soit rendue possible.» Afin d’éviter cela, il faut des garanties solides, a-t-elle souligné.

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Pourquoi les aides d’Etat rencontrent-elle une résistance?

Contrairement à la Suisse, l’UE dispose d’une législation en matière d’aides d’Etat. Celle-ci prévoit une interdiction du versement d’aides d’Etat aux entreprises – lorsque cela engendre une distorsion de la concurrence. Outre les versements directs, cela concerne par exemple l’attribution de terrains, de garanties ou d’avantages fiscaux. L’UE exige qu’une réglementation en matière de surveillance et de suppression éventuelle des subventions publiques soit également adoptée chez nous.

Il s’agit principalement d’une épine dans le pied des cantons, selon lesquels il n’est pas acceptable que la réglementation européenne en matière d’aides d’État se répercute dans des secteurs où la Suisse n’a pas d’accès contractuellement garanti au marché intérieur européen. L’Association suisse des locataires tire également la sonnette d’alarme – étant donné qu’aujourd’hui, une grande partie de la population en Suisse bénéficie d’un soutien financier pour se loger.

5
Quelles sont les partis favorables à l’accord – et lesquels y sont opposés?

L’UDC s’oppose à l’accord et met en garde contre le fait que l’issue de la votation sur l’initiative de limitation soit désormais réinterprétée comme un «Oui» à l’ACI. «Du point de vue de l’UDC, l’accord doit clairement être rejeté car il porte atteinte à l’indépendance de la Suisse», soutient la secrétaire générale du parti Andrea Sommer. L’UDC estime également que la démocratie directe et le fédéralisme sont en danger.

Le PVL considère que les principaux objectifs des négociations ont été atteints. «L’accord-cadre sous sa forme actuelle renforce la position de centre économique et de recherche occupée par la Suisse», affirme son secrétaire général, Michael Köpfli. Cependant, le parti formule également une revendication: le PVL exige que le Conseil fédéral transmette l’ACI au Parlement pour consultation d’ici la fin de l’année.

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Que disent les autres partis?

Le PLR, le PDC, le PS et Les Verts accordent tous un «Oui sous conditions» à l’ACI. Selon le PLR, cet accord crée une sécurité juridique et garantit la poursuite de la voie bilatérale. Malgré tout, les radicaux expriment eux aussi des réserves au sujet des trois points controversés. Comme le PS, Les Verts insistent pour que la protection salariale soit garantie. Ils ne peuvent accepter l’ACI qu’en présence d’avancées dans ce domaine et d’éclaircissements au sujet des aides d’Etat.

Le PDC apporte également un soutien de principe mais émet des réserves au sujet de la reprise dynamique du droit. «Il faut créer une base juridique qui confère au Parlement suisse et au peuple suisse le droit à une codétermination anticipée», affirme le porte-parole du parti Michaël Girod.

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Que pensent les partenaires sociaux du projet d’accord?

Si les partis ont des choses à redire au sujet du projet dans sa forme actuelle, les partenaires sociaux sont également sceptiques. L’Union patronale demande au Conseil fédéral de porter les objections internes à Bruxelles et met aussi l’accent sur la protection salariale.

L’Union syndicale suisse (USS) a un avis plus tranché. «L’USS rejette un accord-cadre qui menace la protection salariale autonome et le service public. L’accord sous sa forme actuelle doit être renégocié», a ainsi déclaré Pierre-Yves Maillard, président de l’USS.

Accord-cadre de l’UE: de quoi s’agit-il?

Depuis plus de dix ans, l’UE s’efforce de parvenir à un accord qui donnerait un cadre aux cinq accords d’accès au marché conclus avec la Suisse ainsi qu’aux éventuels futurs accords. Un projet d’accord est prêt depuis décembre 2018. L’an dernier, le Conseil fédéral l’a mis en consultation et a ensuite décidé de clarifier certains points du projet.

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