Directeur de la police «Nous ne voulons pas de racistes, ni de gens qui abusent de leur pouvoir»

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16.6.2020

Le conseiller d’Etat Fredy Fässler, chef du Département de la sécurité et de la justice du canton de Saint-Gall et membre de la Commission fédérale contre le racisme. (Archives)
Le conseiller d’Etat Fredy Fässler, chef du Département de la sécurité et de la justice du canton de Saint-Gall et membre de la Commission fédérale contre le racisme. (Archives)
Keystone/Anthony Anex

Malgré l’interdiction des rassemblements liée au coronavirus, Fredy Fässler se réjouit des manifestations contre le racisme. Dans une interview, le chef du Département de la sécurité et de la justice du canton de Saint-Gall affirme que le sujet n’est pas suffisamment abordé en Suisse et est même activement cultivé par les partis de droite.

Pour Fredy Fässler (PS), les manifestations «Black Lives Matter» en Suisse sont une évolution positive malgré l’interdiction des rassemblements liée au coronavirus. «A mesure que la situation épidémiologique se calme, les gens recommencent à réclamer leurs droits fondamentaux. Je trouve cela extrêmement réjouissant», a déclaré le chef des services de police du canton de Saint-Gall, également membre de la Commission fédérale contre le racisme (CFR), dans une interview accordée au «Tages-Anzeiger» et publiée ce lundi.

Le fait que des milliers de personnes soient descendues dans les rues le week-end dernier pour manifester contre le racisme est un appel lancé «pour que nous nous occupions de notre racisme», a poursuivi Fredy Fässler. Les rassemblements de plus de 300 participants sont actuellement interdits mais ont été tolérés par la police jusqu’à présent. Selon Fredy Fässler, il existe de nombreuses raisons de participer à ces rassemblements, notamment l’idée d’afficher sa solidarité avec la population noire aux Etats-Unis et George Floyd. «Il y a probablement aussi des gens qui pensent que la police suisse a des problèmes similaires à ceux de la police américaine.»



Toutefois, Fredy Fässler n’est pas de cet avis. Selon lui, «l’investissement pour sensibiliser les policiers au sujet du racisme est conséquent» en Suisse. Les droits de l’homme, l’éthique et le problème du profilage racial sont des éléments importants de la formation des policiers, a-t-il précisé. En outre, les policiers en herbe sont soumis à une évaluation visant à «écarter les gens que l’on ne veut pas voir en poste chez nous», a expliqué le chef des services de police. «Nous ne voulons pas de racistes, nous ne voulons pas de gens violents, nous ne voulons pas de gens qui abusent de leur pouvoir.»

Mais en Suisse aussi, la population noire est régulièrement la cible de racisme, voire de violence et de brimades de la part de la police – pour des causes d’ordre institutionnel ou structurel. Aux Etats-Unis et dans presque tous les pays, le racisme est un système à plusieurs niveaux dans lequel une hiérarchisation, une stigmatisation mais aussi une ségrégation sont pratiquées – consciemment et inconsciemment.

Des entreprises suisses ont gagné de l’argent avec l’esclavage

Fredy Fässler estime que le racisme n’est pas un problème généralisé en Suisse. Il considère plutôt le racisme dans notre pays comme un problème «situationnel», activement cultivé par des partis de droite aux positions ouvertement xénophobes, comme l’UDC, afin d’en tirer un capital politique.

Néanmoins, selon Fredy Fässler, il y a une différence à établir. La xénophobie et le racisme ne sont pas identiques mais ont beaucoup en commun, a-t-il précisé. «Pendant longtemps, nous avons pensé que le racisme n’était pas un véritable problème chez nous en Suisse car nous n’avons pas de passé colonial actif ni d’esclavage. Mais nous savons maintenant que des entreprises suisses ont aussi tiré profit de la traite d’êtres humains et de l’esclavage», a-t-il par ailleurs remarqué.



Selon lui, l’objectif doit être de rendre l’inconscient conscient. «S’il y a des réflexes racistes, il ne sert à rien de simplement les interdire. Il faut en parler et prendre conscience de la conception que l’on a de l’homme», a expliqué le membre du PS, qui estime qu’il s’agit d’une tâche très exigeante.

Le racisme n’est pas une priorité politique

Le racisme a toujours fait l’objet de discussions en Suisse, a déclaré le conseiller d’Etat Fredy Fässler au journal. D’après lui, le sujet ne figure «tout simplement pas en tête des priorités dans l’ordre du jour politique» et le racisme est souvent minimisé et tourné en ridicule. A titre d’exemple, il a mentionné la discussion sur les «têtes de nègre». A ses yeux, il est «très bizarre» que des gens refusent manifestement d’être privés de «têtes de nègre ».



Beaucoup prétendent que le fait de manger un produit appelé « tête de nègre » plutôt que «tête choco ou autre chose» fait partie du patrimoine culturel, explique Fredy Fässler. De toute évidence, certaines personnes «aiment particulièrement» le fait de pouvoir manger des «têtes de nègre», a-t-il poursuivi. «Personnellement, je pense qu’il est tout à fait déplacé de passer encore longtemps à débattre du bien-fondé ou non de cette mesure. Néanmoins, il s’avère que tout cela est beaucoup plus compliqué et complexe, estime Fredy Fässler. Mais j’ajouterais juste que la question des "têtes de nègre" n’est pas la plus importante pour moi. Si les "têtes de nègre" disparaissent des rayons, ce ne sera pas une victoire insensée.»

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