EnvironnementOn peut prédire la biodiversité des rivières
ATS
17.7.2020 - 11:05
Il est possible de prédire la biodiversité et donc l'état des écosystèmes fluviaux. Pour ce faire, des scientifiques de l'Université de Zurich (UZH) et de l'Institut de recherche sur l'eau Eawag combinent analyses d'ADN environnemental et méthodes hydrologiques.
La biodiversité est sérieusement menacée en Suisse comme partout dans le monde. Les populations de nombreux organismes régressent fortement, en particulier dans les écosystèmes d'eau douce.
Toutes les espèces vivant dans les rivières – poissons, bactéries, invertébré et autres – sont cruciales pour le bon fonctionnement de ces écosystèmes. Or l'homogénéisation des habitats, la pollution du milieu par les pesticides et les nutriments et le développement des espèces exotiques, notamment, menacent leur existence.
Pour pouvoir comprendre et protéger les écosystèmes fluviaux, il est essentiel de surveiller leur biodiversité, indique un communiqué de l'UZH et de l'Eawag publié vendredi.
ADN environnemental
Tous les organismes libèrent en permanence de l'ADN dans l'environnement. L'extraction et le séquençage de la part de cet ADN dit environnemental (ADNe) contenue dans les échantillons d'eau permettent de déterminer les espèces présentes de façon plus rapide, plus exhaustive et moins destructrice qu'avec les méthodes de détermination classiques.
Dans le cadre de cette nouvelle étude, l'équipe de Florian Altermatt, professeur à l'Institut de biologie de l'évolution et de recherche environnementale de l'UZH et à l'Eawag, a mis au point un système novateur de prédiction des patrons de biodiversité dans les écosystèmes fluviaux.
«Pour la première fois, nous combinons l'approche d'ADN environnemental avec la modélisation hydrologique et nous pouvons prédire l'état de la biodiversité avec une très grande précision dans des bassins versants de plusieurs centaines de kilomètres carrés», confie Florian Altermatt.
Forte adéquation
Étant donné que les rivières peuvent transporter l'ADN sur des kilomètres en aval, l'étude de l'ADNe livre aussi des informations sur les espèces présentes dans les bassins versants situés plus en amont.
Grâce à des modèles mathématiques basés sur des principes d'hydrologie, les scientifiques ont pu retracer les patrons de biodiversité dans l'ensemble du bassin versant de 740 kilomètres carrés de la Thur, au nord-est de la Suisse, avec une résolution correspondant à des tronçons d'un kilomètre de long.
«Notre modèle concorde avec une adéquation inégalée de 57% à 100% avec les relevés d'insectes aquatiques effectués localement», indique Luca Carraro, premier auteur de l'étude.
Hot spots de biodiversité
Avec ses forêts, son agriculture, ses zones habitées et ses infrastructures, le bassin versant de la Thur est représentatif de nombreuses formes d'utilisation de l'espace. Son exemple est donc extrapolable à de nombreux écosystèmes fluviaux.
La nouvelle méthode permet par ailleurs d'évaluer l'état et l'évolution de la biodiversité avec une grande résolution sur un territoire étendu sans pour autant disposer de connaissances préalables importantes sur l'écosystème en question.
«Concrètement, la méthode permet d'identifier les points chauds de biodiversité qui, autrement, passeraient inaperçus et de mettre en œuvre une protection ciblée», ajoute le Pr Altermatt.
Transfert de connaissances
Beaucoup de pays mettent aujourd'hui en place une surveillance des milieux aquatiques basée sur l'ADNe. Ils pourraient profiter de la nouvelle méthode, présentée dans la revue Nature Communications.
D'après Florian Altermatt, la Suisse prend une position de leader dans ce domaine: «Le transfert des connaissances scientifiques aux utilisateurs sur le terrain s'effectue très rapidement. Nous allons très bientôt pouvoir adresser à l'Office fédéral de l'environnement des lignes directrices pour l'utilisation de l'ADNe dans le monitoring de routine de la biodiversité».
Il sera alors possible de mieux décrire et de mieux suivre la biodiversité des fleuves et rivières dans les 65'000 kilomètres du réseau hydrographique suisse. Le projet a été financé par le Fonds national suisse (FNS) et le programme de recherche prioritaire «Changement climatique et biodiversité» de l'UZH.
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