Des rachats possibles, mais pas pour tousQui pourra racheter des cotisations dans le 3e pilier A ?
lf
10.2.2025 - 13:14
Dès 2026, la population suisse aura la possibilité de racheter des parts de cotisation manquantes dans son 3e pilier de type «A» suite à une décision prise par le Conseil fédéral à la fin 2024. Les conditions de ces rachats font que ceux-ci ne s'adressent cependant pas à tout un chacun, selon deux spécialistes de la prévoyance interrogés par l'agence de presse AWP.
Récemment, quelques nuages ont commencé à pointer à l'horizon pour les retraits du 3e pilier, que la Confédération souhaite taxer davantage. (Image d'illustration)
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Keystone-SDA, lf
10.02.2025, 13:14
10.02.2025, 13:15
ATS
La nouvelle ordonnance régissant les rachats dans le pilier 3a, qui fait suite à une motion au Parlement, est entrée en vigueur au 1er janvier 2025. Elle stipule que ces rachats seront possibles à compter du 1er janvier 2026 pour ce qui concerne l'année 2025, mais pas au-delà de la date de son introduction.
«L'idée, c'est de pouvoir faire des rachats de manière rétroactive sur une période de dix ans maximums à partir de 2025. Ce n'est donc pas avant 2035 que l'on pourra effectuer ces rachats sur la totalité de la période autorisée», explique à AWP le juriste en prévoyance professionnelle Pascal Payot.
Deuxième point important mis en avant par le spécialiste, le fait qu'un rachat pour une année donnée ne pourra s'effectuer qu'à la condition que le preneur de prévoyance ait déjà versé dans son 3e pilier la cotisation maximale autorisée pour l'année en cours, soit 7258 francs.
«La mesure peut paraître populaire mais tout le monde ne peut pas se permettre de verser cette somme dans son 3e pilier, ce sont des profils relativement aisés qui le font et plus vraiment la classe moyenne», affirme-t-il.
Économies d'impôts d'environ 30% de la somme investie
Expert de la question chez le conseiller indépendant VermögenZentrum (VZ), Olivier Segessemann atteste «qu'il faudra déjà avoir les capacités financières» pour racheter son 3e pilier, ce qui impliquera de verser la totalité de la cotisation annuelle ainsi qu'une somme pouvant elle aussi aller jusqu'à 7258 francs.
Il souligne néanmoins qu'en plus de la prévoyance, le 3e pilier permet des économies d'impôts à hauteur d'environ 30% de la somme investie.
Pourtant, les salariés qui en ont les moyens ne sont généralement pas ceux qui ont le plus besoin de combler des cotisations, observe M. Payot, puisqu'"ils prennent bien soin de payer la totalité de la somme autorisée chaque année afin de bénéficier d'avantages fiscaux complets.»
Les expatriés exclus, les héritiers tentés
La nouvelle ordonnance ne permettra par ailleurs pas non plus aux expatriés de retour en Suisse ou aux nouveaux arrivants de combler leurs lacunes, puisqu'un salaire suisse devra avoir été soumis à l'AVS pour les années de rachat visées.
Pour les deux spécialistes, les personnes pour lesquelles, en pratique, les rachats seront tout à la fois réalisables et avantageux sont celles qui auront amélioré leur situation financière, en n'ayant par exemple plus les études de leurs enfants à payer, et qui choisiront de compléter leurs lacunes.
«Cette décision pourra aussi être le résultat d'une rentrée d'argent extraordinaire, de type donation, ou héritage», expose M. Segessemann.
Afin de combler leurs «trous» de cotisation, ces personnes devront s'adresser à leur institution de pilier 3a et en faire la demande. Un questionnaire leur sera alors adressé afin de notamment s'assurer que la cotisation maximale aura déjà été versée et qu'aucun autre rachat n'aura été effectué auprès d'un autre établissement.
«Dans les deux cas, la somme de 7258 francs ne peut être dépassée. Si une personne cotise davantage, les autorités fiscales lui demanderont d'aller récupérer le surplus auprès de l'institution de prévoyance 3a concernée car il s'agit de capitaux soustrait à l'impôt sur la fortune», précise M. Payot
Les preneurs d'une prévoyance individuelle liée telle que le 3 pilier «a» peuvent cotiser jusqu'à l'âge de 65 ans, soit l'âge légal de la retraite, voire 70 ans s'ils décident de travailler plus longtemps.
Le retrait peut lui s'effectuer dès cinq ans avant l'âge ordinaire de la retraite. Mais dès lors qu'il aura été réalisé, les rachats ne seront plus possibles sur d'autres comptes, ceci afin d'éviter qu'ils se fassent avec l'argent qui a déjà été retiré.
«La carotte, et le bâton»
Récemment, quelques nuages ont commencé à pointer à l'horizon pour les retraits du 3e pilier, que la Confédération souhaite taxer davantage. Si elle envisageait dans un premier temps de les imposer comme les rentes, elle entend désormais les soumettre à un barème spécial progressif, tout en promettant que ces nouveaux taux, qui devraient générer quelque 200 millions de francs de recettes supplémentaires, demeureront «très réduits».
«Si une telle mesure, qui doit encore être débattue au Parlement, aboutissait, la Confédération donnerait d'une main la possibilité de rachats et, de l'autre, elle taxerait un peu plus les retraits de capitaux 3a», relève M. Payot.
De son côté, M. Segessemann, constate que «le taux d'imposition n'est pas quelque chose d'acquis et peut bouger». Dans le canton de Vaud, il a atteint jusqu'à 14%, puis a été abaissé jusqu'à 9% et on parle désormais de le réhausser». A ses yeux, les versements dans le 3e pilier restent néanmoins toujours «très intéressants».