Violence domestiquePister les victimes de violence domestique?
ATS
27.12.2019 - 15:43
L'an dernier, 24 femmes sont mortes suite à des actes de violence domestique et 52 autres ont fait l'objet de tentatives d'homicide. La ministre de la justice Karin Keller-Sutter propose d'équiper les victimes d'un pisteur en cas d'interdiction de contact.
Dans une interview aux journaux de Tamedia parue vendredi, la conseillère fédérale se dit très préoccupée par la problématique de la violence domestique. Même si elle avoue ne pas avoir de solution miracle, elle ne peut pas simplement accepter que ces actes criminels puissent se répéter dans un même contexte encore et encore.
Mme Keller-Sutter soutient un renforcement de la protection des victimes. Elle saluerait une solution consistant à n'équiper plus seulement les agresseurs, mais aussi les victimes d'un appareil technique de surveillance, ou même d'une sorte de pisteur. L'objet émettrait automatiquement une alerte si l'agresseur se rapprochait, pour permettre à son hôte de s'éloigner et d'avertir la police.
Selon la ministre de la justice, il s'agirait d'une «alternative à la surveillance en temps réel». Un concept qui avait été rejeté par les cantons parce que trop coûteux.
Organisations sceptiques
Les organisations de défense des femmes sont plutôt sceptiques quant à l'utilisation de pisteurs. «Si ça clignote ou ça sonne, la femme doit se mettre elle-même en sécurité», déplore Marlies Haller, de la Fédération solidarités femmes de Suisse et du Liechtenstein (DAO), interrogée dans l'émission «Rendez-vous» de la SRF. L'Etat et la police sont pourtant responsables de la sécurité des femmes.
Doris Binder, du téléphone d'urgence pour femmes à Winterthur (ZH), a également exprimé des réserves. «Il s'agirait d'une situation plutôt oppressante pour les femmes», a-t-elle relevé dans la même émission.
Accompagner les victimes
La conseillère fédérale souhaite également examiner l'idée d'accompagner les victimes lors d'un procès pour viol. Cette démarche pourrait être sollicitée auprès du Ministère public. Elle proposerait aux victimes «un contact fiable pour les accompagner sur l'ensemble de la procédure».
D'après Mme Keller-Sutter, on se focalise aujourd'hui trop sur les agresseurs. Les victimes, quant à elles, même dans le cas où elles auraient réussi à obtenir gain de cause, se sentent souvent délaissées à l'issue de la procédure.
Surveillance électronique
Les victimes de violence domestique et de harcèlement obsessionnel en Suisse seront mieux protégées dès juillet 2020. Le Conseil fédéral a fixé l'entrée en vigueur d'un paquet de mesures. Les dispositions concernant la surveillance électronique ne vaudront toutefois que dès 2022, ceci afin de laisser aux cantons suffisamment de temps pour s'organiser.
Aujourd'hui, le juge peut déjà prononcer une interdiction de périmètre ou de contact. Afin de mieux la faire respecter, il aura la possibilité d'ordonner que l'auteur potentiel de violence soit muni d'un bracelet électronique. Ce dispositif enregistrera ses déplacements en permanence. En plus de jouer un rôle préventif, il aura une fonction de preuve en cas de non-respect de l'interdiction.
Question de consentement
Le Conseil fédéral ne juge en revanche pas opportun de renforcer le droit pénal en matière sexuelle, par exemple lorsqu'il s'agit de punir des actes sexuels sans consentement exprimé comme des viols. Il l'a indiqué en août dernier, en répondant à une interpellation de la conseillère nationale Isabelle Moret (PLR/VD).
La Convention d'Istanbul, entrée en vigueur en Suisse l'an dernier, exige clairement que l'absence de consentement soit au centre de toute définition juridique du viol et des autres formes de violences sexuelles. Le National a accepté en 2018 une motion de Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) pour élargir dans le Code pénal la notion de viol indépendamment du sexe de la victime et y intégrer la dimension de contrainte. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.
En Suisse, les violences sexuelles sont bien plus répandues qu'on ne le pense. Selon une récente étude de gfs.bern, commandée par Amnesty Suisse, 22% des femmes en Suisse ont déjà subi des actes sexuels non consentis et 12% ont eu un rapport sexuel contre leur gré. Près de la moitié des femmes touchées gardent pour elles l'épisode de violence sexuelle. Seules 8% ont porté plainte auprès de la police.
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