«Vivre avec le virus» Un pasteur soudain sans public: «C’est aussi une opportunité»

Anna Kappeler

24.4.2020

«Il y a 500 ans, [Ulrich] Zwingli a connu la peste qui a anéanti un tiers de la population de Zurich», affirme le pasteur Christoph Sigrist. Selon lui, cela permet de mettre en perspective la crise du coronavirus
«Il y a 500 ans, [Ulrich] Zwingli a connu la peste qui a anéanti un tiers de la population de Zurich», affirme le pasteur Christoph Sigrist. Selon lui, cela permet de mettre en perspective la crise du coronavirus
zvg/Alfonso Smith

Le coronavirus impose à tout le monde un nouveau quotidien. Mais comment se vit cette nouvelle vie? Dans sa série, «Bluewin» donne chaque jour la parole à une personne différente pendant une semaine. A l’occasion du Vendredi saint, partons à la rencontre d’un pasteur du Grossmünster de Zurich.

«Je suis pasteur au Grossmünster depuis 17 ans. Une question me hante en particulier: que faire alors que la crise du coronavirus rend impossible la tenue d’offices religieux? Cette décision du Conseil fédéral a vraiment déstabilisé les églises. Même si je peux comprendre la décision.

Et aussi, je deviens soudain un pasteur sans public. Comment faire face à cette situation? J’ai trouvé trois réponses à cette question en ce qui me concerne. Premièrement, je m’inspire du réformateur zurichois Ulrich Zwingli. Il y a 500 ans, [Ulrich] Zwingli a connu la peste qui a anéanti un tiers de la population de Zurich.

A propos

Christoph Sigrist est pasteur au Grossmünster de Zurich. Agé de 57 ans, il est également chargé de cours en science de la diaconie à l’université de Berne. Il a également été aumônier au sein de l’armée suisse. Christoph Sigrist est marié et père de deux fils.

Cela permet de mettre en perspective la crise du coronavirus. [Ulrich] Zwingli était ouvert aux nouveaux moyens de communication – en l’occurrence l’imprimerie. Par analogie, je diffuse désormais mes offices religieux en direct sur le net.

Deuxièmement, le streaming n’est pas la mort de l’office religieux physique. Bien au contraire: c’est un complément. Je me réjouis de cette nouvelle opportunité de toucher plus de monde de cette manière. L’homme est un être social. Ici, je m’inspire entièrement du pasteur et poète bernois Kurt Marti: "L’existence de Dieu s’épanouit dans la sociabilité."

L’office du Vendredi saint sur le thème "Silence et émerveillement", qui se tiendra aujourd’hui à partir de 10 heures dans une église fermée, sera enregistré et diffusé en direct.

Le pasteur Christoph Sigrist en haut du Grossmünster.
Le pasteur Christoph Sigrist en haut du Grossmünster.
zvg

Troisièmement, le langage de la religion doit constamment changer. C’était ainsi pour [Ulrich] Zwingli, c’est ainsi aujourd’hui. Je considère également les circonstances exceptionnelles que nous connaissons aujourd’hui comme une opportunité d’être "créatif", d’oser des choses nouvelles.

De graves difficultés financières – quelque chose de nouveau

En tant que pasteur, j’organise non seulement des offices religieux, mais je suis aussi aumônier, je m’occupe de ceux qui sont dans le besoin. C’est un défi. Je ne peux plus rendre visite aux gens et les consoler physiquement, mais je leur parle maintenant au téléphone.

J’ai été particulièrement touché par l’histoire d’un petit entrepreneur qui a perdu 15 000 francs dans la période précédant Pâques. C’est quelque chose de nouveau: des personnes qui ont toujours travaillé connaissent subitement des difficultés financières qui constituent même une menace existentielle. Il en résulte de la honte et de la peur.

Je vois ici le danger d’une nouvelle solitude cachée, dans la mesure où ces personnes n’osent se confier qu’à un pasteur.

En temps de crise, les gens semblent se souvenir de l’Eglise. L’Eglise est toujours synonyme de charité – c’est bien que les gens s’en souviennent.

Le pasteur Christoph Sigrist à l’intérieur du Grossmünster. «J’y vois aussi une vocation intérieure qui me pousse à aider maintenant»
Le pasteur Christoph Sigrist à l’intérieur du Grossmünster. «J’y vois aussi une vocation intérieure qui me pousse à aider maintenant»
zvg

Moi aussi, je passe souvent la soirée dans la nef du Grossmünster sans qu’il y ait d’office religieux. Ce lieu m’apaise et me renforce.

Ne pas renoncer à l’accompagnement des mourants

Personnellement, je n’ai pas peur du virus. J’essaie de prendre la situation avec humour. Tout comme [Ulrich] Zwingli n’a pas été intimidé par la peste, j’y vois aussi une vocation intérieure qui me pousse à aider maintenant.

Ma vocation de pasteur n’est pas affectée, mais je suis plutôt mis au défi de trouver de nouveaux moyens. C’est pourquoi je ne renonce pas aux visites à domicile lorsque quelqu’un m’appelle pour accompagner un mourant. Si je peux aider, j’aide.

Analyser un travail scientifique au calme

J’ai un deuxième emploi. Je suis chargé de cours en science de la diaconie à l’université de Berne. Dans le cadre de ce métier, je suis actuellement en train d’analyser et de commenter un travail scientifique. De toute façon, c’est une tâche à effectuer au calme, cela arrive fort à propos.

Et en privé? Je suis marié et j’ai deux fils (de 20 et 24 ans). Un de mes fils vit en colocation, l’autre est encore à la maison. Le premier doit passer sa maturité professionnelle et travaille désormais en ligne. Ça se passe étonnamment bien. L’autre étudie et écrit ses travaux à la maison. On s’accommode de la situation.

Au quotidien, il n’y a pas que le coronavirus qui compte

La crise du coronavirus est très présente à table pendant les repas en famille. Ne serait-ce que parce que mon épouse est enseignante et que la crise du coronavirus change beaucoup de choses pour elle aussi.

Mais ce n’est qu’un sujet parmi tant d’autres; au quotidien, il n’y a pas que le coronavirus qui compte. Parfois, il faut aussi prendre consciemment ses distances avec cela. D’autant plus que mon épouse et moi avons des "professions d’aide".»

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