Eclairage d'expertsAvec la guerre commerciale, Wall Street perd de son lustre
ATS
23.5.2025 - 10:08
Les tarifs douaniers décrétés tous azimuts par Washington, puis aussitôt mis en pause, ont eu l'effet d'une douche froide pour les investisseurs. Ces derniers se sont en partie détournés de Wall Street pour diversifier leurs avoirs sur les places européennes et notamment zurichoise.
Après des années de hausse, les indices de la Bourse de New York font grise mine: le Nasdaq a perdu 2,0% depuis le début de l'année, le S&P500 0,67% et le Dow Jones 1,61%.
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23.05.2025, 10:08
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Après des années de hausse, les indices de la Bourse de New York font grise mine: le Nasdaq a perdu 2,0% depuis le début de l'année, le S&P500 0,67% et le Dow Jones 1,61%.
La tendance est encore plus négative s'il l'on regarde l'évolution de ces indices en franc suisse, prévient le spécialiste en investissement de Mirabaud Banque, John Plassard, dans un entretien avec l'agence AWP. Ajusté dans la devise helvétique, le S&P500 a chuté de 7% depuis début 2025, le Dow Jones de 8% et le Nasdaq de 8,6%.
A l'inverse, les places européennes sont en pleine forme: à Londres le FTSE 100 a pris 6,9% depuis janvier, à Francfort le Dax a bondi de 20,5% et à Paris le CAC 40 a progressé de 6,6%. A Zurich, l'indice phare SMI a gagné 5,8%.
«Le 2 avril, proclamé 'Liberation Day' par le président américain Donald Trump, a déclenché une escalade des risques commerciaux et économiques qui ont plombé la croissance, les bénéfices et les plans d'investissement des entreprises», souligne Stefan Meyer, stratège actions suisses chez UBS.
Washington et Pékin ayant mis en pause pour 90 jours leurs droits de douane punitifs, «le marché s'est partiellement remis de ses chutes initiales, mais la situation reste floue, même si le marché actions considère que le pic d'incertitude pourrait être passé», ajoute-t-il dans une étude.
Soulagement de courte durée
«Si on était resté à 145% de taxes entre les Etats-Unis et la Chine, cela aurait eu un impact extrêmement violent sur la croissance économique et l'inflation américaine. Donc il y a un soulagement de courte durée», souligne M. Plassard, ajoutant que les investisseurs ont également été rassurés par les solides résultats des entreprises américaines.
Pour Jean-Eudes Clot, stratégiste financier à la BCV, il faut aussi regarder «l'évolution actuelle du marché américain en regard à la très forte surperformance de ce marché l'année dernière après l'élection de Donald Trump. Cette tendance s'est désormais inversée, même si les indices américains sont revenus à l'équilibre ces dernières semaines».
«La sous-performance de Wall Street illustre les doutes des investisseurs vis-à-vis de la politique menée par Washington, surtout que de nombreuses questions demeurent sans réponse. On ne connaît ainsi pas encore l'impact des tarifs douaniers sur l'économie et les entreprises américaines», explique M. Clot à AWP.
A la guerre commerciale s'ajoute le projet de réforme budgétaire de Donald Trump, actuellement débattu au Congrès et qui prévoit la prolongation d'importants crédits d'impôt. Selon des analystes, ce programme pourrait doubler le déficit de l'Etat fédéral à 4000 milliards de dollars.
Selon l'expert de la BCV, «les marchés ne sont pas convaincus que l'administration américaine va pouvoir réduire à la fois les impôts et les déficits. L'abaissement de la note de la dette des Etats-Unis par Moody's a participé à cette volatilité».
Alors que les incertitudes s'accumulent outre-Atlantique, les places du Vieux continent profitent du plan de relance allemand de 500 milliards d'euros, de la fin du frein à l'endettement et des évolutions sur la question de l'énergie nucléaire outre-Rhin. Ces éléments vont permettre de reconstruire progressivement l'infrastructure allemande et de s'atteler au réarmement de l'Europe.
Les «miettes» de la croissance
«Il s'agit d'un 'Wake up call' face aux Etats-Unis et la Chine», lance le spécialiste de Mirabaud Banque. «Si l'Europe ne fait rien, nous nous retrouvons face à un duopole constitué de la Chine et des Etats-Unis et nous n'aurons que les miettes de la croissance mondiale. L'anticipation d'investissements en Europe, avec aussi les 105 milliards d'euros promis par Macron pour l'IA en France, devrait soutenir les marchés».
Pour l'expert de la BCV, «c'est la raison pour laquelle les marchés des actions européens font, en 2025, mieux que la Chine et les Etats-Unis».
«Après 13 années de surperformance des marchés américains, cette année pourrait potentiellement être celle où l'Europe pourrait surperformer les Etats-Unis», estime John Plassard.
Mais cette tendance pourrait s'amenuiser dans le courant de l'année, notamment si les baisses d'impôts promises aux entreprises américaines sont adoptées. Cela serait «très positif pour Wall Street qui pourrait rattraper une partie de son retard en seconde partie d'année».
«La sous-performance de Wall Street va se réduire, mais les indices ne vont pas retrouver dans l'immédiat leurs niveaux de 2024», estime Jean-Eudes Clot.