Santé Les Indiens tentés par la médecine traditionnelle face au virus

Relaxnews

1.11.2020 - 18:18

Le producteur laitier Mother Dairy note le succès «phénoménal» de son nouveau lait «haldi» (au curcuma) pour enfants.
Le producteur laitier Mother Dairy note le succès «phénoménal» de son nouveau lait «haldi» (au curcuma) pour enfants.
Source: Relaxnews

Chaque matin, elle verse de la poudre «stimulant l'immunité» dans une cruche d'eau pour toute la famille: Sashi, femme au foyer de New Delhi, veut croire comme de nombreux Indiens aux vertus de la médecine ancestrale contre la pandémie.

Au moment où l'Inde franchit le seuil des huit millions de cas de contamination, avec plus de 120.000 décès, pour une population de 1,3 milliard de personnes, la vogue de la médecine ayurvédique traditionnelle va croissant.

Au bénéfice de firmes indiennes tout à fait modernes qui vendent, bien emballés, des produits traditionnels comme le lait d'or à base de curcuma ou l'huile de basilic sacré, un marché de dix milliards de dollars selon la Confederation of Indian Industry (CII).

Sashi, 50 ans, explique avoir vu à la télévision des publicités vantant une tisane «qui peut protéger ma famille du coronavirus», produite par Baba Ramdev, yogi devenu magnat avec sa marque Patanjali.

«J'ai pensé que puisque c'était à la télé, ça devait être bien».

Pour le Dr Bhaswati Bhattacharya, spécialiste de médecine ayurvédique, une défiance envers la médecine moderne explique cet engouement, d'autant qu'aucun vaccin n'est encore lancé contre le coronavirus.

«L'Ayurvéda a été couché par écrit voilà 5.000 ans et existe sans doute depuis deux fois plus longtemps», dit-il à l'AFP. Cette médecine «a survécu à la peste, à la variole, aux pandémies et donc les gens disent: +voyons si ça marche+».

Avec la pandémie, l'inquiétude s'est aussi accrue envers le système de santé indien, fragile et sous-financé. Les chiffres réels de cas et décès dépassent largement les données officielles pensent nombre d'experts, en raison des sous-déclarations et de tests insuffisants.

Yoga, Ayurvéda et Unani 

L'intérêt pour l'ayurvéda «science de la vie» en sanskrit et autres médecines holistiques est soutenu par le Bharatiya Janata Party (BJP), parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi. Celui-ci a créé en 2014 un ministère des médecines traditionnelles, regroupées sous l'acronyme AYUSH (Ayurvéda, Yoga et naturopathie, Unani, Siddha, Sowa Rigpa et homéopathie).

En janvier, ce ministère les a préconisées contre le coronavirus. Récemment, le ministre de la Santé Harsh Vardhan a publié un «protocole national de gestion clinique» du Covid-19 fondé sur l'ayurvéda et le yoga pour les cas modérés et asymptomatiques.

Dans les pharmacies, les produits ayurvédiques sont présentés sur un pied d'égalité avec les médicaments conventionnels.

Le producteur laitier Mother Dairy note le succès «phénoménal» de son nouveau lait «haldi» (au curcuma) pour enfants. «La demande est très, très élevée donc nous augmentons la production et la distribution», dit à l'AFP le responsable produits de Mother Dairy, Sanjay Sharma.

«Les produits de santé et favorisant l'immunité sont un phénomène nouveau», poursuit-il. «C'est une occasion (...) d'offrir des soins préventifs aux consommateurs à un prix très abordable».

Philipe Haydon, directeur général de l'Himalaya Drug Company – pionnier en Inde des crèmes et médicaments à base de plantes – estime que la demande pour les produits favorisant l'immunité et le bien-être a été multipliée par dix depuis le début de la pandémie.

Mais cette quête de traitements alternatifs a aussi permis à certains de prétendre avoir trouvé comment «guérir» de la maladie Covid-19.

Même s'il n'existe aucune preuve scientifique, plusieurs responsables politiques du BJP ont prôné l'usage d'urine ou de bouse de vache.

En juin, le ministère de l'AYUSH a demandé à Baba Ramdev de cesser de vendre son Coronil à base de plantes comme traitement du virus.

L'Indian Medical Association – principale organisation représentative des médecins indiens – a réclamé au ministre Vardhan, lui-même médecin, des preuves de l'efficacité de l'ayurvéda et du yoga pour cette maladie.

«S'ils sont bons pour la santé, vous pouvez les utiliser. Mais aucun ne fournit de protection particulière contre le Covid-19», souligne pour l'AFP Anand Krishnan, professeur spécialiste de santé publique à l'All India Institute of Medical Sciences (AIIMS) de Delhi. «L'essentiel est d'observer les mesures de distanciation sociale, le port du masque et le lavage des mains».

Retour à la page d'accueil