SantéKéfirs et kombuchas, des boissons qui «cochent les bonnes cases»
Relax
19.6.2022 - 16:16
Attrait du fait maison, origines mystérieuses, mode des aliments fermentés... Les kéfirs et les kombuchas cochent «les bonnes cases», juge Christophe Lavelle, chercheur au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris.
ETX Studio
19.06.2022, 16:16
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Ce spécialiste de l'alimentation, qui étudie les kéfirs sous leur angle sociologique comme microbiologique, participe à l'organisation vendredi d'une journée sur les «nouvelles boissons artisanales» à l'Ecole Ferrandi.
D'où vient le succès des kéfirs et kombuchas?
«Ça coche les bonnes cases. Premièrement, il y a un engouement pour les aliments fermentés depuis 10 ou 15 ans, sur fond de profusion de messages grand public et de littérature scientifique sur l'importance du microbiote intestinal.
Deuxièmement, c'est fait maison et c'est facile à produire. Donc ça coche la case du +je maîtrise ce que je fais, ce sont mes ingrédients+. Après, le fait d'en produire soi-même n'empêche pas aussi d'en acheter.
Là-dessus arrive l'intérêt gastronomique: les recettes se diversifient. Jusqu'à récemment, on lisait sur les forums des positions presque extrémistes: +Le kéfir c'est ça, il ne faut surtout pas en dévier+. Maintenant, au contraire il y a un autre discours très exploratoire: +Amusons-nous, je vais mettre des feuilles de sauge, tiens moi j'en fais un à l'hibiscus...+
Les premiers kombuchas il y a dix ans, il fallait aimer le vinaigre. Maintenant, on a compris la maîtrise des fermentations pour éviter d'exacerber ce côté vinaigré qui était presque attendu au départ par les amateurs historiques. On voyait des discours: +J'aime pas ça mais comme c'est bon pour la santé, j'en bois!+»
Justement, est-ce que c'est bon pour la santé?
«On n'a pas beaucoup de grain à moudre. Il y a quand même de bonnes indications pour mettre en avant de réels effets bénéfiques, (mais) il manque pour l'instant des preuves concordantes et validées par la science. Le discours qui me va, c'est: +Le kéfir, il y a de bonnes chances que ce soit bon pour la santé.+
Après, pour comprendre exactement ce qui se passe, ça peut être long. Et pour prouver un effet bénéfique sur la santé, ce qui est in fine ce qu'on recherche, ça peut être encore plus long.
S'il y a bien une action, elle vient soit directement des micro-organismes qui se stabiliseraient dans notre microbiote, soit de ce qu'ils sont capables de générer dans notre corps avant d'être éliminés eux-mêmes, soit des composants qu'ils produisent dans la boisson lors de la fermentation.
Les trois sont possibles, cumulés ou distincts, et c'est le grand débat: si effet sur la santé il y a, est-ce qu'il est majoritairement +probiotique+, +prébiotique+ ou +post-biotique+?»
Qu'est-ce qui distingue ces boissons des autres?
«C'est la diversité des espèces présentes. Kéfir comme kombucha, ce sont des dizaines d'espèces de bactéries et de levures. Ce sont les seules boissons qui reposent sur des symbioses. Alors que pour les bières, les vins, on ensemence en général avec une seule espèce.
Autre spécificité, ce sont des boissons majoritairement vendues non pasteurisées, donc vivantes (en France, NLDR): les espèces qui sont dedans sont actives.
Ça véhicule beaucoup de croyances, avec parfois quelque chose d'assez ésotérique dans les discours. Ça va assez loin. Certains se font allumer sur les forums parce qu'ils congèlent leurs grains, presque comme si c'était un animal de compagnie et de la maltraitance!
Enfin, on ne connaît pas l'origine des grains actuels de kéfir (ils sont constitués d'un gel généré par les microbes eux-mêmes, NDLR). On est en train de reconstituer des phylogénies pour faire des grandes familles chez tous les kéfirs qu'on a récupérés. L'enjeu, c'est de montrer qu'il y a éventuellement eu un grain primordial qui a essaimé en un siècle et que tous les kéfirs du monde ont cet ancêtre commun. Mais on n'en est pas encore là!»