A domicile «La plus belle des fins de vie»

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4.7.2020

L'aide et les soins, fondamentaux pour pouvoir rester à domicile.
L'aide et les soins, fondamentaux pour pouvoir rester à domicile.
AllTheContent/ L'Ajoie/Sabine Van Erp

C’est un fait, de plus en plus de gens choisissent de finir leurs jours chez eux plutôt qu’à l’hôpital ou dans une maison de retraite. Mais pour que cette volonté soit réalisée, un encadrement professionnel est très souvent nécessaire. Et c’est là qu’intervient une véritable petite armée d’aides et de soignants à domicile.

Passer les derniers instants de sa vie à l’intérieur des murs que l’on connaît par cœur, entouré d’images et d’odeurs familières, est un vœu formulé par de plus en plus de personnes de nos jours. Et très souvent, grâce au travail passionné et dévoué de nombreuses petites mains, c’est tout à fait possible. Dans le district de l'Ajoie, elles et ils sont plus de 200, toutes institutions et services compris, à se rendre régulièrement au domicile de personnes en fin de vie qui ont choisi de rester là pour s’en aller.

Caroline Chapuis a revêtu sa première blouse d’infirmière il y a vingt ans. Après une expérience en oncologie qui dure trois ans, elle rejoint la Fondation pour l’aide et les soins à domicile et devient ainsi l’une de ces petites mains. Aujourd’hui infirmière référente en soins palliatifs pour le secteur Ajoie centre, la Bruntrutaine côtoie au quotidien les personnes en fin de vie à leur domicile. Et, de son expérience, aussi douloureuse qu’elle puisse être pour ceux qui restent, la mort peut aussi être belle et sereine. «Dans tous les cas, pour qu’une personne puisse partir depuis chez elle, il faut qu’elle ait fait ce choix en amont. Et on se rend compte que, souvent, cette décision débouche sur des instants paisibles, sur une fin de vie harmonieuse. Que l’on se comprenne, cela n’enlève rien à la gravité et à la tristesse du moment mais être à la maison donne une autre dimension à cette épreuve. Pour beaucoup, c’est une manière de revenir à l’essentiel et c’est, d’après ce que nous disent les gens, la plus belle des fins de vie.»

«Cet endroit représente tout pour moi.»

Yolande Gigon-Häusler (avec le tréma sur le a, elle insiste) vient de fêter ses 90 ans. Pour elle, une chose est sûre, elle passera la fin de ses jours dans la petite maison de Porrentruy, bâtie avec son mari au début des années soixante. «Cet endroit représente tout pour moi. C’est ma vie! Tant que je le pourrai, je resterai ici. Et je mourrai ici aussi!»

Dotée d’un caractère bien trempé, d’un solide sens de l’humour et d’un bon sens terrien indéniable, Yolande Gigon a toutefois pris soin de couvrir ses arrières. «Bon, j’ai quand même réservé une place aux Planchettes, juste à côté. Comme on ne sait jamais avec la santé et que je n’ai pas envie de devoir aller à Delémont, j’ai pris les devants. Moi, j’ai été opérée à cœur ouvert il y a quelques années donc je pense que je n’aurai pas besoin de cette place. Mais, au pire, c’est là que j’irai.»

Indépendante, Yolande vit aujourd’hui «une vie de rêve» à son domicile. «Je peux encore aller faire mes commissions, je vais gratter régulièrement dans mon jardin, je tricote, je bricole et je connais tous mes voisins… c’est le paradis ici. J’ai juste une dame qui vient faire mon ménage tous les quinze jours. Mais sinon, je me débrouille toute seule.»

Mobilisables 7 jours sur 7, 24 heures sur 24

Bien qu’il ne soit pas unique en son genre, l’exemple de Yolande n’est pas non plus la norme aujourd’hui dans le district. Nombreuses sont en effet les personnes âgées qui ont besoin d’un petit coup de main au quotidien, une aide sans laquelle il leur serait impossible de rester chez elles. Et c’est là que des institutions comme la Fondation pour l’aide et les soins à domicile (FASD), les infirmières indépendantes ou d’autres organismes privés interviennent.

«Très souvent, on voit les soins à domicile comme une aide médicalisée. C’est une réalité, mais ce n’est pas le seul domaine dans lequel nos équipes sont compétentes, note Nicolas Froté, directeur adjoint et responsable des soins à la FASD. Au total, rien qu’en Ajoie, nous avons 190 collaboratrices et collaborateurs qui sont mobilisables 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 pour remplir ces missions d’aide et d’accompagnement.»

Inscrite dans une volonté politique forte, cette aide à domicile est aussi diverse que variée. Organisation de la vie quotidienne, ménage, lessive, cuisine, achats de nourriture et préparation des repas font ainsi partie du pensum des collaborateurs de la fondation. Tout comme le suivi médicalisé et, dans certains cas, l’accompagnement de personnes en fin de vie.

«Certaines situations sont parfois très difficiles à appréhender pour les soignants.»

«Là encore, contrairement à ce que l’on peut penser, les personnes âgées ne sont pas les seules à être concernées par ces prestations, même si elles sont majoritaires. Nos équipes suivent également à domicile des personnes souffrant de handicap ou de maladies incurables, et ce quel que soit leur âge», précise Nicolas Froté. Des situations parfois lourdes, mais qu’il faut apprendre à gérer avec légèreté, et bienveillance.

«C’est un peu banal à dire mais la mort fait partie de la vie. Et pour les proches, qui souvent ont joué un rôle fondamental dans le maintien à domicile des personnes en fin de vie, c’est particulièrement dur de voir partir un frère, une mère, un père, un ami. Nous sommes là pour les écouter, pour les épauler dans cette épreuve. Cela passe par l’écoute, par le choix des mots, par une simple présence réconfortante», explique Caroline Chapuis avant de poursuivre: «Certaines situations sont parfois très difficiles à appréhender pour les soignants. Je pense notamment aux jeunes parents en fin de vie. Dans de pareils moments, il faut prendre sur soi, ne pas se laisser emporter par l’émotion, l’injustice ou la colère. Mais je ne vous cache pas que ce n’est pas toujours simple.»

En attendant une fin qui, pour elle comme pour tout le monde, sera un jour inévitable, Yolande Gigon-Häusler continue de profiter de ses moments à la maison et de distiller ses phrases malicieuses: «Je vous l’ai dit, je suis bien ici et je n’en bougerai pas. Et vous savez, ma maman a vécu jusqu’à 104 ans, donc, je pense que j’ai encore quelques belles années devant moi.»

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