40% des jeunes helvètes auraient une qualité de sperme respectant les critères de l’Organisation mondiale de la santé.
Université de Genève (UNIGE)
La fertilité masculine des Suisses serait-elle aussi en danger? Selon une étude de l’université de Genève, seulement 40% des jeunes helvètes auraient une qualité de sperme respectant les critères de l’Organisation mondiale de la santé.
En 2017, une étude internationale publiée dans la revue Human Reproduction Update avait fait grand bruit en avançant que le nombre de spermatozoïdes avait chuté de 52% dans les pays occidentaux en l’espace de 40 ans. Concrètement le taux de gamètes mâles est passé de 99 millions par millilitre (mL) à 47 millions par mL, le rapprochant alors de la barre des 40 millions pour laquelle la conception d’un bébé devient plus compliquée et plus longue. Selon l’OMS, la norme fertile veut que le nombre de spermatozoïdes soit compris entre 15 et 200 millions par mL de sperme.
Pour approfondir ces résultats, l’université de Genève a décidé de réaliser la première étude nationale sur la qualité du sperme. Dans le contexte du recrutement militaire, l’équipe de Serge Nef, professeur au Département de médecine génétique et développement de la Faculté de médecine de l’UNIGE, a étudié le profil de 2523 jeunes adultes âgés de 18 à 22 ans.
Les Suisses en fin de classement
Après avoir collecté des informations sur leurs parents, leur éducation et leur hygiène de vie, les chercheurs, en coopération avec l’armée, ont demandé aux volontaires de leur soumettre un échantillon de sperme. Trois critères de qualité ont été mesurés: la concentration en spermatozoïdes par mL de sperme, leur mobilité et enfin, leur morphologie. Comparativement aux références de l’OMS, 17% des jeunes ont une concentration en dessous de la norme fertile, 25% ont moins de 40% de leurs gamètes mobiles et enfin, 40% d’entre eux ne possèdent que très peu de gamètes avec une morphologie normale.
En recoupant ces anomalies, les chercheurs trouvent que 60% des hommes étudiés ont au moins un de ces facteurs en dessous des références de l’OMS. 5% d’entre eux combinent les trois défaillances en même temps. Finalement, seulement 38 % possèdent un profil spermatique normal. Avec une moyenne de 47 millions de spermatozoïdes par mL contre 41 à 67 millions par mL pour l’ensemble des jeunes européens, les Suisses se positionnent en fin de classement avec les Allemands et les Norvégiens. À l’échelle nationale, ces résultats ne montrent pas de différences de qualité de sperme entre les cantons suisses.
Quelles conséquences?
Pour l’andrologue Alfred Senn, coauteur de l’étude: «Il faut rester prudent devant un spermogramme unique. Celui-ci n’est pas absolument prédictif de la fertilité de la personne. Cependant, pris globalement, ces résultats suggèrent que la qualité spermatique des jeunes hommes en Suisse est critique et que leur fertilité future sera vraisemblablement affectée.»
Même si le recours annuel à la PMA (procréation médicalement assistée) a doublé en Suisse entre 2002 et 2010, il est encore trop hâtif de relier ces deux phénomènes. Comme le souligne Rita Rahban, première auteure de l’étude: «Ces facteurs (concentration, mobilité et morphologie) peuvent potentiellement affecter la fertilité, en particulier s’ils présentent des anomalies, isolées, mais surtout en combinaison.»
Ce qui inquiète davantage les chercheurs, c’est l’association entre une mauvaise qualité de sperme et la survenue de cancer de testicules affectant les hommes entre 20 et 35 ans. La prévalence de la maladie augmente depuis 35 ans en Suisse pour atteindre les 10 cas pour 100 000 hommes. «La qualité du sperme est généralement inférieure dans les pays où l’incidence de cancer testiculaire est élevée», précise Serge Nef.
Mieux comprendre les causes de ce déclin
Pour aller plus loin, il faut comprendre dans quelles mesures les facteurs génétiques et environnementaux altérent le développement testiculaire au stade foetal et la physiologie de ces organes à l’adolescence et à l’âge adulte.
De multiples facteurs de risques environnementaux sont mis en avant: perturbation du système hormonal, hygiène de vie de la mère pendant le développement du fœtus et nouveaux modes de vie occidentaux. Ici, il a d’ailleurs été mis en avant que le tabagisme maternel est associé à une baisse de la qualité du sperme à l’âge adulte. Pour les chercheurs, la combinaison de cette baisse de qualité du sperme à un âge de procréation pour la femme de plus en plus tardif, va être source de difficultés sociétales et financières.
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