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«Bötschi questionne» Lena Häcki: «Oui, mais jamais avant une course»
Bruno Bötschi
3.5.2020
Lena Häcki a réussi à s’établir au sein de l’élite mondiale du biathlon l’hiver dernier. Elle raconte comment la natation l’a menée jusqu’au biathlon, elle parle de son copain et dévoile quel sport lui fait peur.
Madame Häcki, nous allons nous livrer aujourd’hui au jeu des questions-réponses: je vais vous poser par téléphone un maximum de questions auxquelles vous devez répondre le plus rapidement et spontanément possible au cours des prochaines 30 minutes. Si l’une des questions ne vous convient pas, dites simplement «Je passe».
C’est en ordre.
Tout va bien?
Très bien.
Où vous trouvez-vous?
Après l’annulation de la finale de la coupe du monde de biathlon programmée en mars à Oslo en raison du coronavirus, je me suis directement rendue en Allemagne, à Ruhpoldingen. Mon domicile légal se trouve certes toujours à Engelberg, mais mon copain (le biathlète allemand Marco Gross, note de la rédaction) réside à Ruhpoldingen, et les possibilités pour s’entraîner ici sont optimales.
À quoi ressemblerait une journée dans la vie de Lena Häcki au mois d’avril en l’absence de pandémie liée coronavirus?
Marco et moi serions en séjour à Fuerteventura. Nous avions réservé des vacances de surf. Nous passons désormais beaucoup de temps chez nous où nous nous entraînons régulièrement afin de garder la forme.
Les mesures d’hygiène en vigueur en ce moment ne sont visiblement pas une nouveauté du fait que vous vous y conformez aussi déjà pendant l’hiver.
Tout à fait. Il est primordial que nous restions en bonne santé durant la saison d’hiver car la forme physique peut être affectée par n’importe quelle maladie. Pour cette raison, nous ne nous serrons pas la main mais nous nous saluons en faisant un «check» (en se cognant légèrement poing contre poing). Nous avons toujours du désinfectant. Si une coéquipière est malade, elle est transférée dans une chambre individuelle et elle ne prend pas non plus part aux repas avec nous.
Bruno Bötschi
Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s’adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Il a écrit durant de nombreuses années la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve) pour le magazine «Schweizer Familie». Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible en librairie.
Combien de temps dormez-vous en moyenne?
J’ai besoin d’un peu plus de temps de récupération en hiver à cause des courses. Je dors toujours neuf à dix heures durant cette saison-là.
Et en été?
Huit.
Qui ou qu’est-ce qui vous réveille le matin: de la musique, un réveil ou votre copain?
Le réveil la plupart du temps.
Ressentez-vous toujours le matin que vous pratiquez un sport d’élite depuis des années?
Non, j’ai juste parfois quelques courbatures le matin.
Un précepte que votre mère vous a transmis au sujet des êtres humains?
Je dois aborder les autres en étant ouverte et aimable et ne pas me laisser déjà influencer par de quelconques préjugés avant une première rencontre en personne.
Une habitude que vous avez reprise de votre père?
Je n’arrive pas à rester assise tranquillement, il faut toujours que je fasse quelque chose.
À propos de la patrie: qu’avez-vous devant les yeux?
La vue sur les montagnes d’Engelberg.
Est-il bien vrai que vous vous êtes fait tatouer les contours des sommets du Hahnen, du Gross et du Chli Spannort - le grand et le petit Spannort?
C’est exact, au-dessous de la cheville droite.
Avez-vous d’autres tatouages?
Un petit flocon de neige.
Quelle est sa signification?
Il représente ma sœur.
Où l’éclosion des fleurs est particulièrement belle à Engelberg?
Je trouve magnifique le muguet dans les prairies au printemps.
Vous avez trois mots à disposition pour vous caractériser.
Joviale, fougueuse, joyeuse.
Que ce soit l’aviron, le ski, la natation, l’escalade ou le snowboard, il n’y a pratiquement aucun sport que vous n’ayez encore essayé. Existe-il également d’autres disciplines sportives que vous n’aimez pas ou qui vous font même peur?
Le ski acrobatique ou le vol à ski ne me conviendraient pas du tout.
La «NZZ» a écrit à votre sujet: «Foncer sur la piste de ski de fond, marquer un temps d’arrêt durant l’épreuve de tir. Le fait de foncer correspond entièrement au caractère inné de Lena Häcki. Et le fait de marquer un temps d’arrêt, c’est son côté contre-nature». Vrai ou faux?
C’est vrai.
Comment êtes-vous tout de même parvenue à vous hisser au niveau des meilleures athlètes mondiales de biathlon?
Cela a nécessité énormément de discipline et de travail sur moi. Mes remerciements vont cependant aussi à toutes les coaches et aux responsables qui m’ont accompagnée jusqu’ici dans mon parcours de sportive.
Est-ce bien exact que vous êtes arrivée au biathlon par l’intermédiaire de la natation?
C’est vrai. J’avais 14 ans lorsque la mère d’une coéquipière du club de natation m’a demandé si je souhaitais faire du ski de fond ou du biathlon. Elle pensait que ce sport pourrait me convenir avec ma bonne condition physique. Je suis donc allée un jour à une séance d’initiation et cela m’a tout de suite branchée. J’ai arrêté la natation à un moment donné et me suis dès lors uniquement consacrée au biathlon.
Qu’est-ce qui vous fascine dans un sport tel que le biathlon?
Il s’agit de l’unique combinaison entre deux sports foncièrement différents, soit le ski de fond et le tir. On donne tout ce qu’on a pendant l’épreuve de ski de fond avant de devoir ensuite être à nouveau pleinement concentrée pour l’épreuve de tir. Pour faire partie de l’élite mondiale, une ou un athlète doit avoir un talent au-dessus de la moyenne dans les deux domaines. Comme il s’agit de terminer deux disciplines durant chaque course, rien n’indique également clairement d’entrée de jeu qui sera le tout premier à arriver au bout.
Que dites-vous aux gens qui ont de la peine avec les armes et de ce fait n’aiment pas le biathlon?
L’arme est un outil sportif pour nous, les biathlètes. Nous ne tirons jamais sur une cible en mouvement ou même vivante. L’arme est une composante de notre sport. Nous avons tous une excellente formation dans le domaine des armes et nous savons exactement comment les manier.
Peut-on plutôt apprendre le tir à une bonne skieuse de fond ou la course à ski à une bonne tireuse?
Je pense que l’on peut plutôt apprendre le tir à une bonne coureuse de ski mais il faut aussi qu’elle soit dotée d’un certain talent.
À partir de quel moment précédant une course tout se déroule-t-il de manière automatique?
Cela commence déjà à l’hôtel, donc à peu près deux heures et demie avant la course.
En course: quelle est votre fréquence cardiaque durant l’épreuve de ski de fond?
Environ 180. Je ne porte cependant pas de ceinture cardio pendant les courses, contrairement à d’autres athlètes.
Et à combien est votre pouls pendant le tir?
Environ 160.
Vous dites vous-mêmes que vous êtes une boule d’énergie. Comment parvenez-vous à vous maîtriser et à rester calme au stand de tir?
Au stand de tir, il s’agit de concentrer toute son énergie, et les tirs suivent ensuite presque automatiquement, disons la plupart du temps.
Les courses de biathlon sont régulièrement suivies par des dizaines de milliers de spectateurs: comment réussissez-vous à faire que ces cris souvent assourdissants ne vous distraient pas de votre objectif réel?
J’ai parfois l’impression d’avoir un interrupteur dans la tête que je peux actionner avant le tir afin d’étouffer les sources de bruits extérieures. J’ai souvent vécu la situation où je n’ai réalisé qu’après l’épreuve de tir, en repartant du tapis, que des milliers de spectateurs se déchaînaient dans le stade.
L’hiver passé a remarquablement bien commencé pour vous: vous avez décroché votre premier podium en individuel. Vous en avez été très proche plusieurs fois auparavant. Le soulagement a-t-il été d’autant plus grand après avoir finalement atteint le podium?
La joie a été immense, notamment aussi parce que j’ai décroché ce podium dans une épreuve de poursuite. Ayant déjà obtenu un joli résultat au sprint la veille, j’ai ainsi pu démontrer lors de deux courses successives d’être capable de performances exceptionnelles.
Vous avez également décroché à trois reprises la saison dernière des places parmi les trois meilleures en relais.
Vivre et pouvoir fêter des succès ensemble est un sentiment vraiment merveilleux. Notre quatuor a de plus pu écrire l’histoire collectivement l’hiver passé: nous avons décroché notre tout premier podium pour l’équipe féminine suisse.
Pour le relais, vous courez l’épreuve en compagnie des trois sœurs Gasparin. N’avez-vous pas parfois l’impression d’être comme la «cinquième roue» du carrosse?
Non, jamais. C’est plutôt l’inverse, Aita, Elisa et Selina me donnent le sentiment d’appartenir à une famille. Nous connaissons tellement de choses les unes des autres. Nous ne sommes pas seulement coéquipières, mais également amies.
Aita Gasparin vous a adressé récemment deux compliments dans la foulée sur la télévision suisse: «Lena Häcki est notre petite guerrière endurcie et notre quatrième sœur».
L’esprit d’équipe est incroyablement fort entre nous. J’ai la ferme conviction que les succès enregistrés l’hiver passé n’ont été possibles que grâce à cette cohésion.
Avez-vous remarqué avoir été encore davantage exposée au grand public après vos succès en début d’hiver? Ou pour quelle raison n’avez-vous plus pu obtenir des résultats de top-niveau durant les Championnats du monde à Antholz-Anterselva, en Italie?
C’est vrai, j’ai connu de gros problèmes dès la mi-saison au stand de tir. Je n’ai malheureusement pas pu trouver la véritable raison à ce problème jusqu’à l’annulation de la saison. Cela m’a ainsi doublement rongé le cœur que nous n’ayons plus eu la possibilité de terminer les dernières courses en raison du coronavirus. Il s’agit maintenant d’oublier le plus rapidement possible les mauvais résultats de la seconde moitié de saison et de me remettre en forme physiquement durant les mois d’été.
Votre coach Sandra Furger a déclaré dans une rétrospective de votre saison: «Lena Häcki oscille très rapidement entre des moments très euphoriques et d’autres très négatifs. Cela lui demande beaucoup d’énergie. Il faut qu’elle trouve le juste milieu».
La déclaration de Sandra Furger est complètement exacte. Je suis passée les saisons dernières par des moments d’euphorie mais aussi de découragements extrêmes. Trouver une stabilité à ce niveau m’aiderait grandement à pouvoir régulièrement concourir parmi l’élite.
Êtes-vous parfois jalouse de Dorothea Wierer, la star italienne de biathlon?
Jalouse n’est pas le bon terme. Je dirais plutôt que je l’admire.
Le joueur de tennis Rafael Nadal a passablement de tics. Vous aussi?
J’essaie autant que possible de ne développer aucun tic, car s’il devait arriver un jour que je ne puisse pas en exprimer un, j’éprouverais tout de suite un certain malaise.
Pour cette raison, vous avez un porte-bonheur lors de chaque course.
C’est vrai. Je porte toujours des sous-vêtements roses durant la course. Je n’ai encore jamais disputé d’épreuve de coupe du monde jusqu’à présent sans.
Comment faites-vous pour mettre fin à une interview ennuyeuse d’un journaliste après une course?
Ouf, c’est un exercice difficile. J’essaie dans de tels moments de rendre l’interview plus passionnante en répondant de la meilleure manière possible.
Un fait frappant: il semble aussi que vous ne perdiez pas le sourire après un résultat apparemment mauvais?
Je pense qu’il s’agit là d’une de mes grandes forces. Si la course s’est en outre bien déroulée pour mes coéquipières, j’éprouve de la joie avec elles, peu importe si mon résultat s’est avéré mauvais.
Est-il bien exact que vous n’êtes pas énervée plus d’une heure suite à un mauvais résultat obtenu après une course?
J’observe déjà depuis longtemps cette règle que je me suis imposée. Durant cette heure, je laisse échapper toutes les mauvaises pensées, que je sois en colère, déçue ou triste.
Comment évacuez-vous votre frustration?
Parfois je crie, d’autres fois je pleure, mais il m’est également arrivé de rester calme pendant une heure, de faire mon introspection, d’éprouver une sensation écrasante de tristesse.
Êtes-vous douée pour vous excuser?
Oui et non. Si je reconnais avoir commis une erreur, je m’excuse facilement. Il m’arrive cependant d’être parfois assez têtue si bien que m’excuser peut prendre davantage de temps.
Votre devise dans la vie, du moins celle figurant sur votre site Internet, dit: N’abandonne jamais!
Aita Gasparin a en effet déclaré que j’étais une guerrière endurcie et qu’ainsi abandonner n’était pas une option à l’ordre du jour.
Combien de courses de biathlon avez-vous abandonnées dans votre carrière jusqu’à présent?
Encore aucune. Il m’est même arrivé une fois d’avoir souffert d’une gastroentérite et de m’être sentie terriblement mal durant la course, et malgré cela, je suis allée au bout.
Votre plus grande victoire?
Deux résultats ressortent du lot dans ma carrière de biathlète jusqu’à présent: mon premier podium comme coureuse en individuel et mon premier podium en relais.
Votre plus grand échec?
Il y a toujours eu dans le passé des courses avant lesquelles je pensais être dans une forme éblouissante et où je me suis malgré tout complètement ratée ensuite. Les championnats du monde l’hiver passé en font aussi assurément partie.
Vous êtes d’habitude pratiquement en déplacement ininterrompu de novembre à début avril pour vous rendre d’une course à l’autre. N’y a-t-il pas des moments où vous en avez marre de tous ces voyages?
Encore jamais jusqu’ici. Enfant, j’aimais déjà être en vadrouille, je n’ai également jamais eu le mal du pays lorsque j’étais en colonie de vacances. J’apprécie cependant tout autant les moments où je peux à nouveau être à la maison. C’est souvent seulement sur le chemin du retour que je me rends compte à quel point mon chez-moi m’a manqué en fait.
À quoi reconnaissez-vous une personne suisse à l’étranger?
À sa minutie extrême et sa ponctualité.
Où d’autre qu’en Suisse ou qu’en Allemagne préféreriez-vous vivre?
Nulle part, je ne renoncerais pas si vite à ma patrie.
Éprouvez-vous fondamentalement de la sympathie pour les gens?
Oui.
Peut-on apprendre la politesse?
Jusqu’à un certain point, oui.
Comment décompressez-vous?
En pouvant passer du temps en compagnie de mon copain, de ma famille et de mes amis.
Les séances de bien-être, oui ou non?
Oui, mais jamais avant une course.
Quel livre avez-vous lu deux fois?
Il y en a quelques-uns que j’ai lus à deux reprises. Je trouve particulièrement fascinant le roman «Les illusionnistes» de Nora Roberts.
Je ne connais pas.
C’est l’histoire d’une femme qui rencontre son grand amour, mais qu’elle doit par la suite à nouveau quitter.
Vous coloriez des mandalas. Comment cela se fait-il?
C’est une activité que j’effectue surtout durant la saison de compétition pour tuer le temps entre les courses. Colorier a un effet apaisant.
Votre Instagram, vous l’avez rédigé vous-même ou est-ce une agence?
Je m’en occupe moi-même.
Votre animal préféré?
Euh, c’est difficile à dire … probablement les chiens.
Votre chanteuse favorite?
Je suis une grande fan de Pink.
Votre sujet secret préféré?
Il n’y en a pas. On peut pratiquement lire en moi comme dans un livre ouvert et je parle de presque tous les sujets.
Pour conclure, nous allons encore effectuer un test de talent: vous évaluez s’il vous plaît votre talent, chère Madame Häcki, en attribuant les points ainsi: de 0 point – aucun talent à 10 points – incroyable talent. Comme femme de ménage?
Sept points. J’ai grandi dans un hôtel et je connais par conséquent les tâches liées au nettoyage depuis que je suis toute petite.
Comme chanteuse?
Deux points.
Vous ne chantez donc pas sous la douche?
J’aime chanter sous la douche ou en voiture, mais je n’ai pas vraiment de talent.
En tant que cuisinière?
Cinq points, et sept comme pâtissière.
Qu’aimez-vous confectionner?
Toutes sortes de cupcakes.
Comme danseuse?
Six points. Enfant, je me suis entraînée à la danse jazz et hip hop dans un groupe de danse.
Et comme Suissesse de l’année?
Quatre points. Je pense que beaucoup d’autres personnes mériteraient davantage cette distinction que moi.
Votre prochaine échéance?
Le premier camp d’entraînement de l’équipe de biathlon avait été planifié à partir du 5 mai. Nous ignorons cependant encore si et sous quelle forme celui-ci peut se dérouler suite à l’épidémie du coronavirus.
Pierre Keller: My Colorful Life