Reportage dans le Jura Les nageurs rafraîchis

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1.6.2020

Contraints de pallier la fermeture des piscines, certains nageurs ont fait le choix de l’eau libre dès le mois de mars pour pouvoir poursuivre leur entraînement. C’est le cas du bruntrutain Romain Christe et deux de ses amis, que l’on a suivis dans les méandres du Doubs.

Ils sont seuls à poser leur linge sur les bords du Doubs ce mardi en fin d’après-midi. Ici, à la hauteur du pont de Ravines, il n’y a personne pour venir perturber une eau aussi lisse qu’un miroir et qui, entre deux rameaux feuillus portés à la surface, cristallise les derniers rayons de soleil.

A deux pas de là, un paysan envoûte l’air d’un fumet herbacé en ficelant ses bottes de paille. «Venir s’entraîner ici, c’est le paradis», souffle Romain Christe, l’un des trois compères, en tirant sa combinaison de natation de son sac. Le doigt pointé au loin, il détaille le programme qui est habituellement le leur. «On descend jusque-là, derrière le virage, puis on fait demi-tour et on remonte jusqu’au pont à contre-courant. Cela représente une boucle d’environ 700 mètres que l’on effectue plusieurs fois selon la forme et les conditions du moment.» Eux qui ne s’aventurent habituellement en eau libre qu’à partir du mois de juin ont été forcés d’anticiper les choses cette année en raison de la fermeture de toutes les piscines du pays à la mi-mars.

Mais au moment de devoir se relocaliser, le choc ne s’est toutefois pas révélé si lourd que cela à encaisser pour les Ajoulots. «On avait déjà opté pour cette solution lors des rénovations de la piscine de Porrentruy. Là, on a d’abord un peu attendu de voir ce qu’il se passerait. Et puis dès que la température de l’eau a été raisonnable, on a commencé à venir.»

Les nageurs rafraîchis effectuent ainsi leur séance d’entraînement deux à trois fois par semaine, la saisonnalité leur forgeant un cuir épais. «Au début, il y a eu des jours où c’était vraiment froid», sourit celui qui vise une nouvelle participation aux championnats du monde d’IronMan à Hawaï, reportés en février 2021.

Impensable de ne pas s’entraîner

Qu’importe le froid, pour Romain Christe, une période de 3 mois sans nager était tout simplement inenvisageable s’il entendait maintenir son niveau à flot. «Cela aurait été compliqué de reprendre après une si longue pause.»

Et il n’est pas le seul athlète à avoir opéré cette réflexion. «Certains sont allés jusqu’à nager dans leur piscine de jardin, tenus par un élastique aux pieds.» Cela alors que le Doubs, lui, n’a jamais fait l’objet d’une quelconque interdiction sanitaire, hormis pour les groupes excédant cinq personnes. «On n’a jamais eu l’impression de mettre personne en danger. On était souvent seuls.»

Totalement tributaire de la météo, Romain Christe a cependant dû réapprendre à planifier ses entraînements et à accepter qu’une semaine entière se passe sans qu’il ne puisse mettre ses lunettes. «La pluie ne gène pas, mais il suffit de deux jours maussades conjugués à une ou deux nuits fraîches pour que la température de l’eau chute de 16 à 10 degrés. Dans ces cas, il n’y a d’autre solution que d’attendre, on n’est pas fous non plus. On y retourne à partir de 13 ou 14. En dessous, on oublie.»

Couleuvres du Doubs

Car même si leur deuxième peau en néoprène atténue considérablement la sensation de froid et permet un certain confort une fois l’effort démarré, les conditions trop extrêmes restent malgré tout désagréables lorsque la baignade se prolonge. Elles obligent par ailleurs les nageurs à enfiler deux bonnets de bain l’un sur l’autre pour isoler la tête au maximum, une partie du corps qui peut vite devenir douloureuse. «Le pire, c’est le visage. La peau se glace rapidement!»

Avant de s’immerger, Gérard Glaus, un autre membre du trio aussi rompu à la natation, contrôle une ultime fois les relevés de la station d’Ocourt et égraine les données à mi voix: «15,5 degrés et 15 mètres cube de débit. Je crois que c’est le débit maximum qu’on ait eu cette saison.»

Non sans se crisper quelque peu, les voilà alors pénétrant dans l’eau devenue subitement foncée sous l’ombre tombante. Aussi endurcis soient-il, les trois amis attendent tout de même la réouverture des piscines avec impatience. «J’essaye de négocier avec le maire de Porrentruy. Au moins pour les sportifs, dévoile Romain Christe. Parce qu’on ne peut pas s’entraîner avec le chrono ici.» Avant que Gérard Glaus ne se marre: «En plus, il y a des couleuvres. Parfois on sent que ça frétille sur la nuque.»

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