Mode & Beauté En revenant de l’expo : « Marche et Démarche. Une histoire de la chaussure » au musée des arts décoratifs (MAD)S. O. S : les textiles et matières qui

« Marche et Démarche. Une histoire de la chaussure », au musée des arts décoratifs (MAD) de Paris est une exposition impressionnante sur la chaussure à travers les âges et les continents. Plus de 500 œuvres donnent à voir l’évolution de cet objet qui incarne la mode et les fantasmes.

Qui ne s’est pas damné pour une paire de chaussures ? Stiletos ou sneakers « uniques » signés – il paraît que ceux-ci seraient un placement plus rentables que la Bourse ou l’art. Et le fétichisme de la chaussure, auquel une salle de l’expo est consacrée, ne date pas d’hier.

« Marche et Démarche. Une histoire de la chaussure » est une exposition plus anthropologique qu’esthétique, même si quelques modèles de grands chausseurs ponctuent çà et là le rythme des vitrines. La mode y est abordée, mais sous un angle sociétal.

La chaussure est plus qu’un banal objet du quotidien qui nous permettrait de marcher mieux. Dès ses origines, elle a une fonction sociale. Elle marque l’appartenance à un groupe, et son absence est aussi une signature : serfs, mendiants, prisonniers en sont longtemps privés. On note que sa fonction protectrice originelle a souvent été abandonnée au profit de notions « esthétiques » où ni protection ni confort ne fait partie du cahier des charges.

En plus d’être un marqueur social, la chaussure est un accessoire de mode, une partie intégrante du costume, et donc un témoin de l’évolution du rapport que nous entretenons au corps. Et il faut souffrir pour être belle, ou beau. C’est en tout cas ce que raconte l’histoire de la chaussure jusqu’à l’invention des baskets (on peut admirer une Chuck Taylor de Converse pour femme de 1949) ou des bottes plates de Courrèges, dans les années 1960.

La souffrance est avant tout du côté des femmes, et la salle consacrée au bandage des pieds des jeunes Chinoises, véritable mutilation, est là pour le rappeler. On considèrera que le fétichisme est une autre histoire, mais la plupart des chaussures présentées, occidentales ou non, misent sur une idée de la grâce féminine qui empêche ou limite le mouvement. Toutefois les hommes, des classes sociales élevées, se sont aussi imposés le port de chaussures très étroites (voir les escarpins d’Alfred de Musset), de talons de plus en plus hauts, avant de revenir au plat mais en garnissant les chaussures de boucles immenses qui causaient des chocs douloureux et les obligeaient à marcher les jambes écartées.

Outre ces focus, l’expo nous montre que l’excentricité des créateurs récents (voir la sculpture géante d’un soulier de Salvatore Ferragamo) n’a rien à envier à celles qui ont prévalu au cours des âges et des pays (socques de Mongolie ou de Kabylie, par exemple). On est impressionné par les plateformes shoes qui datent de la période de la seconde guerre mondiale, 1941, 1942, aux semelles aussi hautes que le moral de la population est bas. Si on a pu établir un lien entre la longueur des jupes et le dynamisme de l’économie, peut-être faudrait-il le faire aussi pour la hauteur des talons des chaussures.

L’expo présente aussi des chaussures militaires, de clowns (une de Charlot !), de danse et quelques œuvres d’art contemporain ayant la chaussure pour sujet.