ApicultureNi confinement ni télétravail pour les abeilles
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15.6.2020
Peu émues et encore moins perturbées par la situation sanitaire qui touche actuellement les humains, les abeilles du Jura ont profité d’un superbe mois d’avril pour turbiner comme jamais. Le résultat de ce butinage acharné devrait se retrouver prochainement sur une large tranche de pain et une fine couche de beurre.
De mémoire de président de la Société d’apiculture d’Ajoie et du Clos du Doubs (SAA), les années comme celle que l’on vit actuellement sont plutôt rares. Une floraison du colza en avance de quinze jours et des températures au-dessus de 15 degrés durant plusieurs jours d’affilée durant le mois d’avril ont suffi à faire le bonheur des colonies d’abeilles de la région. «En apiculture, les années c’est comme les ruches: aucune ne se ressemble!».
À l’autre bout du fil, l’enthousiasme pointe dans la voix de Gaëtan Gogniat, président de la SAA. «Si l’on envisage 2020 sous l’angle de la quantité et pour peu que l’on n’ait pas perdu trop d’abeilles durant l’hiver, la récolte risque d’être exceptionnelle.»
Tombé en amour pour les reines et leurs sujettes en raison notamment du caractère imprévisible des ruches et des dynamiques organisationnelles particulièrement complexes qui les animent, l’Ajoulot de Courgenay prend plaisir à comparer jardinage et apiculture: «Les reines et les ruches, c’est comme les plantes: vous avez beau vous en occuper de la même manière, elles ne donneront jamais le même miel, que ce soit en qualité ou en quantité. Et c’est là que le travail d’accompagnement de l’apiculteur prend tout son sens.»
4,4 kg de nectar en une seule journée
Réparties traditionnellement entre le mois d’avril et la mi-juin, les miellées importantes des ruches ajoulotes – autrement dit les pics d’activité des essaims durant lesquels la production de miel est intense – sont toujours une période particulière pour les apiculteurs. «On l’a dit, le mois d’avril a été particulièrement chaud et les températures ont été stables. Par conséquent, les abeilles ont pu ramener à la ruche du nectar et du pollen pratiquement tous les jours, ce qui est vraiment rare», précise Gaëtan Gogniat.
Conséquence directe de ce dur labeur des butineuses: la ruche sur balance du biologiste s’est alourdie de plus de 4,4 kg de nectar en l’espace d’un jour, le 23 avril pour être exact. «Il faut savoir que le miel que les apiculteurs récoltent et qui se retrouve sur les tartines est tiré du nectar donné aux ouvrières par les butineuses et qui n’est pas consommé par les abeilles dans la ruche. Avoir une telle quantité de nectar qui rentre sur une aussi courte période est, comme vous pouvez l’imaginer, plutôt rare.» Dans les colonies de Gaëtan Gogniat, il faut remonter au 10 mai 2017 pour trouver un chiffre plus impressionnant encore, avec un total de 7,6 kg en une seule journée.
Parole de biologiste
Mais, malheureusement aurait-on envie de dire, les excellentes conditions climatiques de cette année et la fabuleuse production de miel qui en découlera certainement ne parviendront pas à dissiper les nuages qui planent depuis quelques années sur l’univers de l’apiculture en général.
Et même si, ces dernières semaines, on a pu lire ici et là que la crise du coronavirus et la réduction drastique de la pollution aux hydrocarbures durant le confinement a eu un impact positif sur la biodiversité et les abeilles, Gaëtan Gogniat est plus nuancé: «Pour les abeilles et pour la production de miel, ce genre de pollution n’est pas la plus dangereuse. Ce sont les pesticides qui posent réellement problème aujourd’hui, au point d’aboutir parfois à des intoxications complètes de colonies». Et le biologiste de poursuivre:«Même si elle n’est pas forcément la plus efficace en matière de pollinisation, l’abeille est ce que l’on appelle une espèce parapluie. En clair, sa disparition entraînerait la disparition indirecte d’une vaste série d’autres espèces.»
Note positive toutefois, chacune et chacun peut, à son échelle, lutter contre cette disparition progressive. «Il existe des gestes simples qui peuvent faire la différence: planter différentes variétés de fleurs dans son jardin ou laisser grandir un carré d’herbes et de plantes sauvages dans un coin de son gazon anglais. Ça peut paraître anecdotique mais je vous promets que c’est efficace», précise Gaëtan Gogniat. Parole de docteur en biologie.