Le job de ses rêves interdit Pourquoi cet homme transgenre ne peut pas servir son pays

AP/tafi

11.4.2020

Nic Talbott rêve depuis qu’il est enfant du service militaire. L’armée américaine lui refuse toutefois sa demande d’incorporation car il est né en tant que fille. Les commandants ne s’y opposent pourtant pas.

Nic Talbott est en fait suffisamment occupé. Il travaille comme professeur remplaçant, il assiste à des séminaires pour terminer son diplôme de master et donne un coup de main à sa grand-mère dans la ferme qu’elle possède dans l’Ohio. Il s’astreint cependant à un programme strict de préparation physique et fait du sport tous les jours. L’homme de 26 ans veut être prêt le jour où on lui donnera sa chance d’exercer la profession de ses rêves.

Il ne souhaite rien d’autre que servir sa patrie dans les forces armées américaines. Son pays refuse toutefois sa candidature car Talbott est transgenre.

En 2016, Talbott a vu son rêve à portée de main: l’ancien président Barack Obama déclarait que les personnes transgenres déjà intégrées dans les effectifs militaires ne devraient plus devoir dissimuler leur identité sexuelle plus longtemps. Son successeur Donald Trump a cependant publié dans un tweet de juillet 2017, six mois après sa prise de fonction, qu’il allait supprimer cette directive. Les personnes transgenres ne devraient pouvoir servir d’aucune manière au sein des forces armées.

Quatre recours contre cette décision ont été déposés auprès des tribunaux fédéraux, Talbott étant également partie prenante dans l’un d’eux. La justice n’a pas encore statué sur ces cas, mais la Cour suprême des États-Unis a décidé l’année passée que l’interdiction pouvait dans un premier temps être promulguée, avec entrée en vigueur dès le 12 avril 2019.

Pas question d’un plan B

Certaines personnes trans ont renoncé à leurs projets initiaux et poursuivent à présent d’autres objectifs professionnels, mais Talbott veut absolument que son rêve d’enfant se réalise. «Je ne me tourne pas pour l’instant vers d’autres possibilités», explique-t-il. «Je sais que c’est ce que je veux faire et je sais aussi que des milliers d’autres personnes transgenres comme moi souhaitent en faire autant. Nous ne devrions pas nous contenter d’un plan alternatif».

Talbott a obtenu son diplôme en 2015 auprès de l’université d’État de Kent, située à environ une heure de route de sa ville natale Lisbon, à l’est de l’Ohio. Il travaille actuellement sur son master en criminologie avec spécialisation en sécurité globale. Avant l’interdiction décidée par Trump, il a participé à un programme de formation des forces armées auprès d’établissements d’études supérieures et d’universités pour recruter des officiers.

«Il travaille énormément dur»

Talbott souhaite intégrer soit les forces terrestres soit l’armée de l’air, idéalement en tant que policier militaire ou membre d’une unité de renseignement. Il se maintient en forme avec pour objectif de dépasser les exigences physiques minimales requises pour chaque poste qu’on pourrait lui proposer.

Il sait qu’il peut compter à ses côtés sur son ami d’enfance Jesse Liggitt, qui travaille avec lui à la Southern Local High School. «C’est l’une des personnes les plus fortes que je connaisse», dit Liggitt. «Il travaille extrêmement dur et cherche constamment à progresser».

Talbott habite dans une annexe de la ferme de sa grand-mère. Devant la véranda, un drapeau américain flotte au vent. On aperçoit à l’intérieur des photos du jeune homme en tenue militaire, datant de sa période de formation.

«Des attaques gratuites envers les personnes transgenres»

L’avocate Jennifer Levi représente Talbott au tribunal au nom du groupe LGBTQ GLAD (ndlr: GLBTQ Legal Advocates and Defenders, groupe d’avocats et défenseurs des droits LGBTQ). Elle tente actuellement avec ses collègues d’accéder à des documents et à d’autres informations pouvant étayer la décision du gouvernement Trump d’interdire l’armée aux personnes transgenres, affirme-t-elle.

Une fois ce processus terminé, les recours pourraient être présentés devant les tribunaux, peut-être déjà cet automne. «Nous croyons que notre affaire est vraiment très solide», déclare l’avocate. «Le gouvernement n’a rien, mis à part des attaques gratuites envers les personnes transgenres».

Les commandants de quatre branches des forces armées ont en effet déclaré en 2018 devant le Congrès qu’ils ne voyaient aucun obstacle à ce que des personnes transgenres servent sous les drapeaux. Les conclusions d’un rapport du Pentagone la même année ont été totalement différentes.

Un gouvernement inflexible

Selon ce document, la présence d’individus transgenres peut nuire à l’efficacité opérationnelle des unités car les «limites claires qui distinguent les standards et principes masculins et féminins s’estompent, là où elles existent». Il est fait mention de la cohésion des troupes, de l’ordre et de la discipline. Le rapport mentionne également les coûts supplémentaires engendrés.

Le gouvernement a interdit pour cette raison à toutes les personnes ayant subi un traitement médical de changement de sexe de s’engager dans l’armée. Les militaires transgenres effectuant déjà leur service doivent le faire sous leur genre assigné à la naissance. Seule exception possible: si la réassignation sexuelle avait débuté sous l’ancienne réglementation en vigueur à l’époque du président Obama.

L’âge limite pour s’enrôler est de 35 ans dans les forces terrestres et 39 ans dans l’armée de l’air. Talbott dispose donc d’assez de temps mais il ressent de la frustration par rapport à son attente. «J’ai maintenant 26 ans», déclare-t-il. «Je serais intégré au même rang que des personnes de 18, 19 ou 20 ans».

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