Art thérapie L'art thérapie, bouclier anti-déprime des étudiants

Relax

1.4.2021 - 11:17

Concentrés sur la boule d'argile qu'ils prennent plaisir à malaxer, Charlotte et Joseph chassent leur angoisse grâce à des ateliers d'art thérapie gratuits réservés aux étudiants, loin de leur solitude subie et de l'univers enfermant des écrans.

L'art thérapie tente de briser l'isolement social des étudiants tout en les aidant à lâcher prise et à reprendre confiance en eux.
L'art thérapie tente de briser l'isolement social des étudiants tout en les aidant à lâcher prise et à reprendre confiance en eux.
MARIE HOSPITAL / AFPTV / AFP

ETX Studio

Lancées début février à Rennes par l'association Pool d'Art, ces séances d'une heure tentent de briser l'isolement social des étudiants tout en les aidant à lâcher prise et à reprendre confiance en eux. Au programme de «SOS étudiants»: des arts plastiques, du théâtre, de la musique et de l'écriture. Pas besoin d'être un artiste accompli pour se lancer.

S'évader grâce aux travaux manuels

Joseph, 20 ans, en L3 de statistiques, avoue «déprimer facilement». «J'avais besoin d'exprimer mes émotions. Chez moi j'ai de plus en plus de mal à me concentrer. Deux heures de cours théorique par ordinateur sur des formules mathématiques, c'est très compliqué», témoigne-t-il.

En première année d'école de commerce, Charlotte, 18 ans, croule sous le travail. «Ça va à 100 à l'heure, on a 10.000 projets à faire en même temps», confie cette brune aux longs cheveux, contente de pouvoir «s'exprimer avec [ses] mains» lors d'un atelier de modelage.

Les jeunes Bretons sont invités à façonner les lettres de leur prénom à l'aide d'ébauchoirs et de mirettes. «L'avantage avec l'argile, c'est qu'il n'y a pas d'erreur possible. On se laisse surprendre par la matière et il n'y a pas besoin de maîtrise technique forte pour réussir à faire quelque chose de joli», souligne Michèle Grenier, l'art thérapeute qui supervise la séance.

Emilie, 23 ans, travaille une fleur en argile. «Quand on est étudiant, on sort beaucoup, et moi je suis bénévole dans la culture. Là il n'y a plus rien, c'est déprimant», observe l'étudiante en histoire.

Sur les étagères trônent des créations parfois surprenantes, comme ce visage avec une araignée qui sort de l'oeil. «Nous n'analysons pas les oeuvres. L'objectif est de se faire plaisir en produisant, d'aller chercher de la gratification sensorielle. C'est le principe même de l'art thérapie», explique Mme Grenier.

«Dans une bulle»

«Dans l'art thérapie moderne, le plus important est le processus artistique par lequel on passe, dont on sait avec l'apport des neurosciences qu'il est bénéfique pour les sens», abonde Clémence Hainaut, art thérapeute spécialisée en danse et théâtre.

«Ces séances ne sont ni un médicament, ni une thérapie sur le long terme mais procurer une heure de plaisir et de légèreté à quelqu'un qui broie du noir depuis des semaines c'est déjà beaucoup», ajoute-t-elle.

Dans un coin de la salle, Bénédicte esquisse un portrait de femme au pastel gras. «Cela fait du bien de s'aérer la tête et de s'exprimer librement. On est un peu comme dans une bulle et on ressort apaisé», confie la jeune femme.

En temps normal, Pool d'Art propose des ateliers loisirs pour tous les âges, ainsi que des séances à vocation thérapeutique collectives ou individuelles, notamment pour les personnes qui souffrent de troubles de la personnalité.

«On a décidé d'intervenir bénévolement pour les étudiants car ils ont peu de moyens. On le fait par conviction et puis on veut que cet atelier vive, qu'il y ait du passage», explique Sandra Goyer, spécialiste des arts plastiques en 3D.

«La pratique artistique nous met dans un état mental proche de celui de la méditation de pleine conscience»

Une initiative saluée par Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l'université de Caen. «La pratique artistique nous met dans un état mental proche de celui de la méditation de pleine conscience, qui consiste à être à l'écoute de ses sensations. Ces séances sont des petites bouffées d'oxygène qui permettent d'être dans le moment présent et d'éviter que l'esprit ne vagabonde sur des pensées obsédantes et angoissantes qui tournent en boucle dans la tête», analyse ce spécialiste des bienfaits de la musique sur le cerveau.

«En regardant ce qui se passe dans le cerveau, on voit qu'il libère des endorphines et de la dopamine qui augmentent le sentiment de bien-être et aident à lutter contre le stress lié à l'incertitude», poursuit-il.