DestinationEn Norvège, on déplace des montagnes pour skier
Relax
16.2.2021 - 15:48
Les Norvégiens naissent, dit-on, des skis aux pieds.
Rareté de la neige et Covid contrarient pourtant leur passion cette année, poussant les autorités à chercher une parade et à aménager des pistes dans les parcs en plein coeur d'Oslo.
Depuis quelques semaines, une poignée de camions bennes déversent dans les espaces toujours désespérément verts de la capitale des centaines de mètres cubes d'or blanc, produit sur les hauteurs de la ville par l'alchimie de canons à neige.
Dûment damés et creusés de sillons, les blocs de neige se muent en terrain de jeu pour les amateurs de glisse --ski de fond, snowboard, luge-- de tous âges: bambins en excursion avec leur crèche, retraités dynamiques ou encore quadras faisant un break dans leur journée de télétravail.
«Depuis trois mois à Oslo, on a des mesures sanitaires (anti-Covid) très sévères, mais on peut encore sortir», explique le conseiller municipal Omar Samy Gamal pendant qu'une dameuse s'active derrière lui pour façonner une piste de snowboard dans le parc de Torshovdalen.
«Comme l'hiver ne nous a pas apporté beaucoup de neige, on fait en sorte d'en apporter aux gens. On leur amène un petit peu de +marka+ près de chez eux», dit-il.
Le «marka»? Ce sont ces collines boisées qui surplombent la ville et où les habitants convergent pour s'oxygéner à pied ou à ski après le travail ou le weekend.
La chute des premiers flocons au début de l'année y a donné lieu à une ruée chaotique avec de longues files d'automobilistes et, plus grave en ces temps de pandémie, des trains bondés.
«On ne veut pas que les gens s'agglutinent. On veut qu'ils restent à distance les uns des autres, et la meilleure façon de s'en assurer, c'est de tirer parti des espaces publics locaux», fait valoir le conseiller municipal.
Quatre parcs d'Oslo --y compris celui du Palais royal-- ont donc été ou vont être partiellement recouverts de neige artificielle au profit des skieurs.
«C'est extrêmement important de maintenir les gens en activité sans que tout le monde soit obligé de prendre le même train pour sortir de la ville», témoigne Miriam Heen Skotland.
«Ca fait du bien de sentir les rayons du soleil sur son visage dans la journée», ajoute cette psychologue venue faire quelques tours de piste pendant sa pause déjeuner dans le parc de Voldsløkka.
De la neige à Noël?
De shift nocturne ce jour-là, l'infirmière Karen Margrethe Igland a elle aussi chaussé les skis de fond, loin du «marka», à dix minutes seulement de son domicile.
«J'essaie de limiter les déplacements en transport en commun. Or, si je veux aller dans le +marka+, je dois prendre le train. C'est donc mieux de pouvoir venir à pied pour faire du ski ici», confie-t-elle.
Conséquence du changement climatique, les hivers raccourcissent en Norvège.
Selon l'Institut météorologique national, Oslo a, au cours des 30 dernières années, perdu 21 journées hivernales, à savoir des journées où la température tombe sous 0°C. Et la ville pourrait en perdre 26 autres d'ici 2050.
«Quand j'étais petite, ce n'était pas difficile de prédire la météo en hiver: il faisait souvent froid et il y avait souvent beaucoup de neige», témoignait une ministre, Guri Melby, début janvier lors de la présentation de mesures pour le climat.
«Mais pour Noël cette année, je n'étais pas sûre de l'intérêt d'acheter une luge pour mes propres enfants parce qu'eux, ils ont des hivers doux avec beaucoup moins de bonhommes de neige et de journées de ski», disait-elle.
C'est presque un sacrilège: la Norvège a même ouvert début 2020 près d'Oslo sa première piste de ski en intérieur. Aujourd'hui fermée au grand public à cause des restrictions sanitaires...
Dans cette course contre la montre avec le thermomètre, est-ce bien raisonnable de déplacer des tonnes de neige en camions? Ces derniers roulent au biodiesel avec des huiles végétales hydrotraitées, rassure la municipalité.
«Utiliser ces camions neutres en carbone pour rapprocher la neige des gens plutôt qu'ils ne prennent leur voiture pour aller dans le +marka+, je pense que c'est une équation bénéfique pour le climat», affirme le chauffeur Tom Kjetil Tangen.