Mondial 2018 Et si l'Uruguay allait au bout?

ATS

5.7.2018

La Celeste affronte la France vendredi en ouverture des 1/4 de finale de la Coupe du monde. Double champion du monde et sélection la plus titrée en Copa America notamment, l'Uruguay possède un vivier de talents extraordinaire pour un si petit pays.

A l'image de ses coéquipiers, Diego Godin est habité par un sens patriotique extraordinaire.
A l'image de ses coéquipiers, Diego Godin est habité par un sens patriotique extraordinaire.
Keystone

Petit pays en superficie et en nombre d'habitants, l'Uruguay défie toute logique en occupant une place bien particulière sur l'échiquier du football. Le secret de la Celeste, qui affrontera la France en quart de finale de la Coupe du monde vendredi (16h00), tient peut-être en un concept à la fois imaginaire et très concrètement monté de toutes pièces: la sangre charrúa.

Il a été footballeur professionnel. Il a même porté une fois, face à l'Argentine de Lionel Messi, le maillot de l'équipe de Suisse. Bref, Matias Vitkieviez n'est pas vraiment ce que l'on pourrait appeler - sans connotation péjorative aucune - un supporter de base. "Pourtant, quand l'Uruguay joue, je ne peux pas rater l'hymne. Je me tiens debout, avec le maillot de la Celeste, et je chante. C'est un moment incroyable, c'est la chair de poule", révèle à Keystone-ATS l'ancien attaquant de Servette, YB et St-Gall, binational suisse et uruguayen.

Dès les premières réponses, dès les premiers mots même, on devine le coeur du natif de Montevideo, la capitale, qui s'emballe. "Cette passion, cet amour du pays, c'est un truc de fou!" Voici donc la source d'où puiserait ce pays de 3,5 mio d'habitants seulement la force nécessaire pour concurrencer les mastodontes. Jusqu'à avoir accroché deux étoiles à son maillot (1930 et 1950).

Ballon versus Playstation

"En fait, nous en avons quatre d'étoiles, parce que la FIFA a reconnu nos deux victoires aux JO quand le Mondial n'existait pas encore (réd: en 1924 et 1928)", s'empresse de préciser Vitkieviez, dès le début de la conversation. Le cadre est posé: on ne plaisante pas avec la Celeste. Et ce serait une erreur d'ailleurs, l'Uruguay étant l'équipe la plus titrée en Copa America (15 sacres) devant, excusez du peu, l'Argentine (14) et le Brésil (8).

Ainsi 3,5 mio d'habitants et quelque 165'000 licenciés (belle proportion, la Suisse en compte 250'000) peuvent faire la nique, par exemple, à l'Allemagne (plus de 7 mio de footballeurs recensés!), la France ou le Brésil (plus de 2 mio chacun). "Parce qu'en Uruguay, tu nais avec un ballon. En Suisse, c'est plus difficile, les gamins ne sortent pas, ils jouent à la Playstation. Les Uruguayens ont moins de moyens, alors ils sont tout le temps dehors et font du foot. Ca commence par ça", insiste Vitkieviez.

L'hymne à l'école

Selon ce dernier, les Uruguayens ont "dans le sang" une haine viscérale de la défaite. "C'est clair, on n'aime pas perdre. Tu peux être meilleur que nous, nous allons quand même tout donner pour gagner le match." Une volonté collective cimentée par un patriotisme façonné dès les premières années. "En Uruguay, enfant, on chante l'hymne une fois par semaine à l'école", explique Vitkieviez.

Pris dans une telle machinerie, comment les Uruguayens pourraient-ils faire autrement que d'accorder un soutien inconditionnel et passionnel à leur équipe nationale? "Si tu as besoin des urgences un jour de match, tu es dans la m..., continue le Genevois. Parce que tout le pays s'arrête de travailler, tout le pays s'arrête de vivre."

Cette ferveur ne saurait toutefois pas expliquer à elle seule les succès passés et récents (demi-finale du Mondial 2010, sacre à la Copa America 2011, 8e de finale au Mondial 2014). "El Professor Oscar Tabarez (réd: le sélectionneur) a tout changé à son arrivée, se souvient Vitkieviez. La mentalité surtout. Parce que les Uruguayens qui évoluaient en Europe se comportaient comme des divas. Tabarez leur a dit qu'il ne les sélectionnerait plus s'ils continuaient, et il n'a pendant un temps appelé que des joueurs qui évoluaient au pays. Et regardez, maintenant, des Cavani ou des Suarez, qui ne se comportent pas du tout comme les stars qu'ils sont pourtant..."

«Champions du monde!»

Humilité et sens patriotique, moteurs de cette petite mais grande Uruguay. Des principes qui habitent littéralement les internationaux, à l'image du taulier de la défense, Diego Godin.

"Avant le 8e de finale contre le Portugal, il a pris la parole dans le vestiaire", raconte un Vitkieviez au courant des moindres faits et gestes concernant la Celeste dans ce Mondial, alors qu'il se trouve pourtant, en ce moment, en vacances en famille. "Godin a rappelé à tous ses coéquipiers qu'ils jouaient pour leur père, pour leur mère, pour leur frère ou leur soeur, pour le peuple. Et que personne n'avait ainsi le droit de ne pas tout donner."

La passion, cette sangre charrúa à la fois mystique et séculaire - car politique -, donne des ailes à la Celeste. Et à ses supporters. "Je suis confiant, nous serons champions du monde!", conclut un Matias Vitkieviez qui ne doute pas une seule seconde.

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