Un grand gardien, 25 disciples, une bible de jeu et un martyr, Christian Eriksen: le Danemark a tout pour croire à un nouveau miracle, remporter l'Euro, 29 ans après.
Vikings à l'abordage! «Nous voulons attaquer, je crois que seule l'Italie a attaqué plus que nous à l'Euro», estime Kasper Hjulmand. Apôtre de Johan Cruyff, plusieurs fois cité en conférence de presse, le sélectionneur danois a bâti un collectif épatant, tourné vers le but adverse, avec des joueurs inventifs, comme l'arrière ailier Joakim Maehle, encore percutant contre la République tchèque (2-1) avec sa divine passe de l'extérieur du droit pour Kasper Dolberg.
Au-delà de son plan de jeu offensif, le Danemark frappe sur coups de pied arrêtés. Samedi à Bakou, le quart s'est débloqué sur un corner. «C'est bon de savoir que nous pouvons faire quelque chose sur coups de pied arrêtés», note Thomas Delaney, le premier buteur.
«Le rêve de l'Euro continue, nous croyons au père Hjulmand», titrait en une le quotidien Ekstra Bladet dimanche. Le nom du sélectionneur se prononce en effet quasiment comme «Julemand», le nom du père Noël en danois.
Rotation
La profondeur de banc est un autre gros point fort du Danemark. «Notre style de jeu réclame beaucoup d'intensité, nous utilisons beaucoup de joueurs, nous changeons beaucoup l'équipe, nous faisons les cinq changements pour garder l'intensité élevée», explique Hjulmand.
Il a par exemple deux pointes interchangeables, qui se complètent admirablement. Pour caricaturer, Yussuf Poulsen (2 buts en trois titularisations) crée des différences mais manque d'efficacité, comme contre les Tchèques, et «Iceberg» Dolberg touche peu de ballons, mais les met au fond (3 buts en deux titularisations en quarts et huitième).
Ce turn-over permet de répartir les charges: «Nous sommes fatigués, on vide les réservoirs à chaque match», assure Delaney. «Mais ce qui est bien avec le fait de jouer beaucoup de matches, c'est que vous pouvez appliquer une rotation. Nous sommes fatigués le soir du match, mais pas la veille ni le lendemain», poursuit le joueur né d'un père américain.
D'ici à la demie contre l'Angleterre, mercredi, «il reste du temps, et nous sommes costauds, nous aurons le même comportement au prochain match», jure Delaney.
Un grand gardien
Pas de grande équipe sans grand gardien. Kasper Schmeichel en est un, il a assuré samedi quand Patrik Schick et ses coéquipiers poussaient pour égaliser. Quand il affirmait avant la compétition que l'objectif du Danemark était de gagner l'Euro, beaucoup auraient pu sourire de ce doux rêveur. «Il faut rêver grand, et la question qu'on doit se poser c'est: +pourquoi pas nous?+», avait-il lancé.
Il sait qu'il faut y croire, car dans son bagage, Schmeichel transporte un double héritage. Celui de son père, bien sûr, dernier rempart des immortels champions d'Europe 1992, et celui de la plus grande surprise de l'histoire de la Premiere League, le titre de champion d'Angleterre de Leicester en 2016. L'héritier s'y connaît en miracles.
Et un ange gardien
Et enfin, le Danemark joue désormais ses matches à l'ombre de la «statue du Commandeur», Eriksen, le 26e joueur, convalescent après son malaise cardiaque en plein-match. «Christian a écrit (sur les réseaux sociaux) combien il était fier de nous. Il aurait dû être là, c'est quelque chose qui nous ronge toujours», exprime Delaney.
Cet incident en Mondovision a fait du Danemark un peu le chouchou du public: «je le ressens vraiment», raconte Hjulmand. «Les valeurs fondamentales du football ont ressurgi pendant ces minutes juste après» le malaise d'Eriksen, poursuit le sélectionneur. «Si nous sommes un peu le symbole de cela, je ne pourrais pas être plus heureux».
«Que Christian aille bien ça veut dire qu'on peut continuer à pousser. Il sait qu'on joue pour lui», salue son ami et capitaine, Simon Kjaer. Avec l'intercession d'Eriksen, «nous avons un but», conclut Delaney: «nous voulions aller à Wembley, quel voyage cela a été! Nous sommes très fiers d'y être, ma génération a grandi avec les souvenirs de celles de 1986 (8e de finaliste de la Coupe du monde, demi-finaliste de l'Euro 1984) et de 1992».