En mal de diversité, la F1 tente de se féminiser. Elle est portée par des initiatives et des compétitions mises en place pour offrir plus de chances aux jeunes femmes d'accéder à une discipline théoriquement mixte mais en pratique largement masculine.
En plus de 70 éditions du Championnat du monde, seules deux femmes ont pris le départ d'un Grand Prix : Maria Teresa de Filippis en 1958 et Lella Lombardi en 1975 et 1976. Si leur présence sur la grille questionne le milieu depuis plusieurs années, il en reste que, depuis près de 50 ans, plus aucune d'entre elles n'est parvenue à intégrer l'élite comme titulaire.
Au mieux, elles sont restées dans l'ombre, jouant des rôles clefs, à l'image de Susie Wolff, ancienne pilote d'essai pour l'écurie Williams. Une absence que l'Ecossaise explique par la faible représentation des filles à la base: «Seule une poignée de jeunes femmes pratiquent ce sport et sont donc capables de progresser. Nous devons donc augmenter le vivier de talents et pour cela, il faut sensibiliser les gens et créer des opportunités. Si nous ne parvenons pas à faire concourir davantage de femmes, nous n'obtiendrons pas davantage de progression.»
C'est pour cela qu'en 2023, la discipline a lancé une compétition réservée aux femmes pilotes. Baptisée «F1 Academy», elle a pour but de conduire les pilotes aux échelons supérieurs menant jusqu'à l'élite du sport automobile.
«Faire voir que nous sommes là»
Contrairement à cette année, dès l'an prochain, l'intégralité des sept manches de ce nouveau championnat sera organisée lors des week-ends de F1. En outre, chacune des dix écuries présentes en F1 y participera et nommera une pilote, «une bonne chose», juge Marta Garcia, première championne de la F1 Academy.
«C'est ce dont nous avons besoin (...) pour faire voir à tous que nous sommes là et que nous pilotons nous aussi», poursuit l'Espagnole. Le championnat succède aux W-Series, une compétition elle aussi 100% féminine et qui, faute de moyens, s'est terminée en 2022. Mais contrairement aux W-Series, «nous avons la chance inouïe d'avoir la Formule 1 derrière nous», reconnaît Wolff, puisque c'est Formula One, promoteur de la discipline, qui est à l'origine de la F1 Academy.
A l'annonce de sa création fin 2018, plusieurs voix s'étaient élevées contre l'organisation d'un championnat 100% féminin, taxé de fausse bonne idée. La pilote Sophia Floersch avait notamment été très critique à l'époque, assénant que cela allait «dans la mauvaise direction».
«Je pense toujours la même chose» à l'égard de la F1 Academy, reconnaît l'Allemande, seule femme engagée cette saison en Formule 3, antichambre de la Formule 2, elle-même ouvrant la voie vers la F1. «A l'université, femmes et hommes étudient ensemble car c'est normal. Dans notre sport, il devrait également être normal qu'hommes et femmes concourent ensemble... pourquoi faire une série uniquement pour les femmes?»
Objectif 2030
Si les femmes ont théoriquement accès à toutes les catégories de la compétition automobile, force est de constater qu'elles sont nettement moins nombreuses que les hommes et que l'écart se creuse en grimpant les échelons.
Face à ce déséquilibre total, les écuries commencent à bouger. Ferrari a notamment accueilli en 2021 la première jeune femme dans sa prestigieuse académie, la Néerlando-Belge Maya Weug.
L'an dernier, Alpine a elle annoncé lancer un programme visant à accroître la place des femmes, notamment ingénieures et pilotes. Une décision saluée par Floersch, membre de l'académie d'Alpine: «Il s'agit d'un soutien important (...) l'objectif est d'amener plus de femmes dans différents domaines du sport pour faire évoluer la représentation des genres chez Alpine.»
«Il y a beaucoup d'efforts faits», reconnaît de son côté Pierre Gasly. A 27 ans, le Français, en F1 depuis 2017, assure d'ailleurs qu'il ne serait «pas surpris» de piloter au côté d'une femme avant la fin de sa carrière.
Et pour cause, Susie Wolff dit vouloir en voir «d'ici 2030». Etant la seule femme à concourir toutes séries confondues (F3, F2 et F1), Sophia Floersch s'affiche pour l'heure en pole position pour rejoindre l'élite de son sport, d'ici «trois à cinq ans» espère-t-elle.