Depuis l'introduction du V6 hybride à turbocompresseur en 2014, carburants et lubrifiants jouent un rôle plus prépondérant que jamais en Formule 1. Les grands groupes pétroliers se livrent par l'intermédiaire des écuries à une guerre discrète mais acharnée.
La F1 est redevenue un terrain de jeu technologique majeur pour eux ainsi qu'un atout marketing, même si les produits qu'ils y développent n'ont pas grand chose à voir avec ceux vendus à la station-service. Car contrairement à leurs devanciers des années 70 et 80, les moteurs turbo actuels ne sont pas poussés dans leurs derniers retranchements. En effet, les monoplaces ne peuvent embarquer plus de 100 litres, ce qui représente aussi leur débit maximal de consommation autorisée en une heure.
"La clé, c'est de maximiser la performance de l'essence, disponible en quantité limitée", explique David Tsurusaki, responsable d'ExxonMobil.
Pour cela, l'essence, amenée directement dans la chambre de combustion, doit être vaporisée le plus rapidement possible.
"Les V8 engloutissaient près de 200 litres à l'heure, les blocs propulseurs d'aujourd'hui sont beaucoup plus efficients", rappelle le chef du département moteur de Mercedes, Andy Cowell. Celui-ci avait anticipé dès 2012 le passage aux V6 et orienté son développement en conséquence.
Ainsi son moteur a été conçu dès l'origine en collaboration avec Petronas afin qu'il amplifie les propriétés de l'essence créée spécialement par le géant malaisien.
Mercato des fournisseurs
Là résiderait l'une des clés de la domination observée ces quatre dernières années, notamment en qualifications, de la marque à l'étoile, devenue dimanche la première équipe à conserver le titre des constructeurs après un changement de réglementation.
Le serpent de mer de la limitation des coûts concerne aussi cet aspect. "Mercedes dépense plus de 300 millions d'euros par saison pour tirer un avantage de chaque détail exploitable", rappelle un ingénieur de Force India. Le degré de sophistication est tel qu'un moteur ne fonctionnera qu'avec un carburant précis, et absolument pas avec un autre. Et une essence différente accompagne chaque nouvelle spécification du moteur au cours de l'année. D'où l'intérêt des écuries de travailler avec les meilleurs dans ce domaine.
A la dernière intersaison, le mercato a battu son plein: Renault a quitté Total pour BP, choisi également par McLaren, qui avait été délaissé par ExxonMobil au profit de Red Bull. Pénalisée par le déficit de puissance du moteur Renault, l'écurie de Milton Keynes a réduit l'écart avec Mercedes et Ferrari depuis juillet grâce à son fournisseur de carburant. "A Singapour, nous avons reçu une nouvelle essence et les gens d'Exxon nous ont dit qu'on allait constater des gains en piste, ce qui a été le cas", souligne Daniel Ricciardo. "Chacune de leurs amélioration cette saison nous a apporté quelques chose", constate l'Australien.
Cependant en marge de ce tableau idyllique, des aspects plus sombres de cette rivalité pétrolière concernent l'huile de moteur, dont les 3 à 5 litres emportés sont en théorie seulement censés le lubrifier et le refroidir selon le règlement. Brandi régulièrement par la FIA, celui-ci n'autorise ni l'injection d'huile dans la chambre de combustion ni la modification de la part d'huile brûlée entre les qualifications et la course. Mais des doutes existent sur l'étendue des contrôles de la FIA et sa volonté réelle de sévir.
Ferrari, engagé de longue date avec Shell, et Mercedes ont été soupçonnés et se sont accusés l'un l'autre à demi-mots d'utiliser une partie de l'huile en tant que carburant, technique grâce à laquelle il serait possible de gagner jusqu'à 30 chevaux de puissance supplémentaire.
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