Racing Point a-t-elle copié les écopes de freins de la Mercedes de 2019 ? La question, qui devrait être tranchée d'ici au Grand Prix de Grande-Bretagne la semaine prochaine, n'est pas que technique: ce sont deux idées de l'avenir de la Formule 1 qui s'opposent.
Après les GP de Styrie le 12 juillet et de Hongrie dimanche, Renault a déposé deux réclamations contre Racing Point, plus spécifiquement contre les écopes de freins utilisées par l'écurie britannique.
Pour l'équipe française, il s'agit d'une porte d'entrée vers une contestation plus large. Racing Point a réussi un incroyable bond en performance cette saison, s'imposant comme la deuxième force derrière les Flèches d'argent en qualifications à Budapest.
Pour cela, elle s'est largement inspirée de la monoplace titrée l'an dernier pour développer sa F1 de 2020, mais affirme l'avoir fait sur photos, ce que le règlement n'interdit pas.
«On a des suspicions qu'il y a eu des échanges de données et de design entre les équipes», justifie au contraire à l'AFP le directeur exécutif de Renault, Marcin Budkowski.
En tant que motoriste de Racing Point, Mercedes a pu fournir légalement l'an dernier à sa cliente ses écopes de freins, qui à l'époque étaient échangeables. Depuis, le règlement a changé et Racing Point n'avait plus le droit cette année de s'appuyer sur ces informations pour développer les siennes.
Si, comme elle l'assure, l'écurie rose s'est basée sur des photos, la surface externe de ses écopes de freins peut être similaire à celles des Mercedes. Leur surface interne, par contre, devrait être différente.
A quand une décision ?
Les écopes de freins des Racing Point ont été saisies par la Fédération internationale de l'automobile (FIA) et seront comparées à celles fournies par Mercedes, ce qui fera l'objet d'un rapport. Un délai de trois semaines a été donné à Racing Point pour apporter les éléments prouvant sa bonne foi.
«Il est probable qu'ils le fassent avant, dans la semaine qui vient», précisait vendredi le responsable technique des monoplaces au sein de la FIA, Nikolas Tombazis. «Les commissaires de course devraient donc se réunir avant le premier Grand Prix de Grande-Bretagne (le 2 août, ndlr) et rendre leur décision dans les heures ou jours qui suivent.»
Quelle que soit l'issue, un appel – permis sous quatre jours – est vraisemblable. «Cela nous emmènerait dans les dernières semaines d'août pour une décision finale», estime Tombazis.
Que risque Racing Point ? Et Mercedes ?
Il ne s'agit pas seulement de voir si les écopes de freins de Racing Point et Mercedes sont identiques mais surtout de savoir comment on en est arrivé là, précise l'ingénieur.
«Personne ne part de zéro en construisant une monoplace», rappelle-t-il. Qu'elle soit inspirée d'une version passée ou de photos d'un concurrent, «aucune pièce n'est complètement originale (...), c'est pourquoi cette décision est complexe», explique Tombazis, qui ajoute qu'avant le début de la saison, la FIA a mené sa propre enquête sur les similarités entre la Racing Point de 2020 et la Mercedes de 2019 et trouvé les explications du copiste «très plausibles» et donc acceptables.
S'ils étaient tout de même jugés coupables, les Roses seraient disqualifiés des deux derniers GP. Les Flèches d'argent, elles, ne devraient pas être inquiétées. Le constructeur allemand avait le droit de faire circuler des informations sur ses écopes de freins en 2019. Pas en 2020, mais «rien n'indique que cela ait été le cas», termine le responsable des monoplaces pour la FIA.
Et ensuite ?
«Il ne s'agit pas seulement de perdre ou de gagner et de faire disqualifier une équipe», assure Marcin Budkowski pour Renault. «Ce que l'on veut, c'est relancer la conversation sur ce qu'on estime être une pente glissante pour la F1.»
Le Championnat du monde oppose sur le papier des constructeurs qui développent eux-mêmes leurs voitures. Or les liens entre Mercedes et Racing Point (proches de ceux de Ferrari et Haas ou Red Bull et AlphaTauri) pourraient les conduire à terme à développer conjointement leurs monoplaces, craint le constructeur français, à l'heure où la F1 limite les budgets des écuries ou encore le temps dévolu aux essais en soufflerie.
Seule équipe du plateau à n'être liée ni à Mercedes ni à ce modèle d'écuries «B» ou «satellites», Renault était la mieux placée pour porter réclamation et mettre le débat sur la table.
D'autres la soutiennent plus ou moins ouvertement, à commencer par McLaren, qui sera motorisée par Mercedes l'an prochain. «Voulons-nous que la F1 devienne un championnat de copieurs ?», a lâché vendredi le team pricipal Andreas Seidl. «Nous pensons que ça n'est pas la bonne voie.»