Mattia Croci-Torti a mené Lugano en finale de la Coupe de Suisse dès sa première saison au poste d'entraîneur. A 40 ans, il symbolise la volonté des Tessinois de mettre en avant d'autres valeurs que l'argent, malgré la richesse du propriétaire du club.
Son sourire ne trompe pas. Si l'affrontement de mercredi face à Servette en Super League a forcément été évoqué, Mattia Croci-Torti préférait d'ores et déjà évoquer le grand rendez-vous de la fin de cette semaine mardi en conférence de presse.
Le sud du Tessin ne parle en effet que de cette finale de Coupe de Suisse prévue dimanche au Wankdorf face à Saint-Gall. «J'ai hâte d'être à dimanche», lâche d'ailleurs Croci-Torti, que l'on le croit sur parole tant son impatience résonne dans chaque syllabe.
Un signal fort
Entraîneur en chef des «bianconeri» depuis septembre dernier, le Tessinois va vivre le premier temps fort de sa jeune carrière d'entraîneur. Il est (enfin) sorti de l'ombre, après avoir été l'assistant de Pierluigi Tami, Fabio Celestini, Guillermo Abascal, Maurizio Jacobacci puis d'Abel Braga à l'entame de cette saison.
Sa promotion, confortée par un contrat désormais valable jusqu'à l'été 2023, démontre bien le chemin que les dirigeants de la formation du Sottoceneri veulent suivre. Le nouveau patron Joe Mansueto – qui est également propriétaire du club de MLS Chicago Fire de Xherdan Shaqiri – a donné un signal fort.
Le milliardaire américain aurait pu opter pour un entraîneur plus huppé. L'Italien Fabio Capello (75 ans), vainqueur de la Ligue des champions avec l'AC Milan et résident tessinois, a ainsi «offert» ses services au CEO Martin Blaser, qui préside aux destinées de Lugano avec l'ancien directeur sportif du FC Bâle (et actuel directeur sportif du Chicago Fire) Georg Heitz.
Mais les dirigeants tessinois n'ont pas eu peur d'opter pour un technicien de la région, qui a dû se contenter de la Challenge League durant sa carrière de joueur et qui n'avait encore jamais entraîné à ce niveau. Pas question pour eux de faire le pari du glamour poussiéreux d'une époque révolue, malgré le potentiel financier quasi infini du nouveau propriétaire.
Ancrage local
L'ancrage local n'est pas un facteur décisif mais il est tout de même important, avait expliqué Georg Heitz en décembre dans la Neue Zürcher Zeitung. «La population doit se retrouver dans le projet. Sinon, nous échouerons», avait-il souligné, utilisant le terme de «club-boutique» pour esquisser la manière dont il se représentait le FC Lugano à l'avenir: petit, mais raffiné.
La gestion et le travail doivent être raisonnables, et durables. C'est aussi pour cela que Mattia Croci-Torti est l'homme de la situation: durant sa carrière de joueur (197 matches avec Chiasso, Lugano, Wil et Malcantone-Agno), il n'avait pas hésité à travailler en parallèle comme vendeur de parquets, pour se donner une plus grande stabilité financière et pour garder son équilibre.
Ce latéral droit a très vite compris qu'il ne parviendrait pas à percer en tant que joueur. Alors qu'il avait osé quitter Chiasso pour rejoindre Grasshopper en 2000, il avait été victime d'une rupture des ligaments croisés d'un genou lors de son premier match avec l'équipe des moins de 21 ans. Un très dur retour à la réalité.
Une tension agréable
L'aventure de deux ans en Suisse alémanique ne l'a certes pas mené là où il l'espérait sur le plan footballistique. Mais elle l'a fait mûrir sur le plan humain. Et elle lui a permis d'apprendre l'allemand.
Mais lorsqu'il est revenu en 2017 à Lugano en tant qu'entraîneur-assistant, Mattia Croci-Torti n'aurait jamais imaginé se retrouver cinq ans plus tard à 90 minutes (ou plus) d'offrir à son club un premier trophée depuis la victoire en Coupe en 1993. D'autant plus que sa nomination l'avait quelque peu surpris.
«Je suis très heureux d'avoir eu la chance d'être nommé entraîneur ici», lâche le Tessinois, fan de l'Inter Milan dont il possède un abonnement de saison depuis des années. «Lorsque je me lève le matin, je suis content d'être ici, et pleinement motivé».
Sa décontraction en a déjà étonné plus d'un. Et c'est aussi pour cela qu'il est apprécié des joueurs. Peu lui importe en outre que certains observateurs lui reprochent de préférer se présenter en t-shirt et casquette plutôt qu'en veston et cravate.
Mattia Croci-Torti rêve de pouvoir atteindre les deux objectifs de la saison (victoire en Coupe et qualification pour la Coupe d'Europe) à deux semaines de la fin d'exercice 2021/22. «La tension va augmenter chaque jour, mais c'est un sentiment agréable», glisse-t-il.
Et lorsqu'on lui demande ce qui se passerait si son équipe ne gagnait pas dimanche au Wankdorf, le Tessinois répond tout d'abord que cela fait partie du jeu. Avant d'ajouter, avec un sourire malicieux: «Et si nous gagnons?»